
#Concert Blackberry Smoke – De la Maroquinerie à la Roundhouse
La venue de Blackberry Smoke sous nos latitudes est suffisamment rare pour mériter un traitement spécial… N’écoutant que son courage, votre serviteur n’a pas hésité à traverser la Manche pour aller applaudir les vaillants southern rockers d’Atlanta à la Roundhouse de Londres après un concert surchauffé dans les murs de la Maroquinerie à Paris. Sans blague, on n’a pas une vie facile au Daily Mars !
Petit rappel des faits pour commencer. Fondé à l’orée du troisième millénaire à Atlanta (Georgie), Blackberry Smoke publie son premier album (Bad Luck Ain’t no Crime) en 2004 et ne laisse planer aucun doute sur la filiation de ses musiciens. Du pur southern rock biberonné aux Allman Brothers et à Lynyrd Skynyrd qui évoque immédiatement une autre gloire locale, les Black Crowes des frères Robinson. Sans surprise, chacun de ces groupes les prendra d’ailleurs sous leur aile à un moment de leur carrière pour les emmener faire un petit tour sur la route…
Une poignée d’albums plus tard (dont les fondateurs Little Piece of Dixie – 2009 et The Whippoorwill – 2012), Blackberry Smoke passe de l’ombre des premières parties à la lumière de la tête d’affiche, travaille désormais avec des légendes telles que Bob Weir (Grateful Dead) ou Gregg Allman et remet au goût du jour un rock sudiste de plus en plus anachronique mais qui refuse obstinément de se ringardiser ! On est comme ça dans le Sud, un brin conservateur.
Coupables d’un nouveau chef-d’œuvre en 2016 (Like an Arrow), Charlie Starr et sa bande de chevelus nous font donc le plaisir de venir défendre leur dernier effort sur les scènes de la vieille Europe, un exercice pas forcément évident dans la mesure où ce genre de musique pourrait sembler parfaitement hors contexte dans nos contrées si éloignées des Honky Tonk Bars (lieux de perditions du sud des États-Unis où l’on écoute de la musique country en s’alcoolisant plus que de raison). Et pourtant…
Paris – La Maroquinerie – 25/03/2017
C’est dans une salle bondée pour un concert archi complet que Blackberry Smoke se présente devant ses fans à Paris. L’ami Charlie en est conscient et commence par remercier son public pour cette date sold out. Cela va sans dire mais c’est toujours mieux en le disant. Le public en question est assez intéressant à regarder puisque l’on en parle… Moyenne d’âge flirtant avec la cinquantaine, quelques jeunesses ici et là (dont un groupe de métalleux à veste à patches faits comme des mickeys, pléonasme) mais dans l’ensemble, on reste sur du vétéran !
En parlant de vieux briscards, accordons une mention spéciale à monsieur Louis Bertignac, toujours fringuant, qui passera la totalité du spectacle dans les premiers rangs, un sourire béat sur les lèvres, fredonnant les paroles de chaque chanson d’un répertoire qu’il semble connaître par cœur !
Et quel répertoire… À la différence de bon nombre de grosses machines de guerre aptes à remplir des stades et disposant d’un catalogue d’une quinzaine d’albums, Blackberry Smoke avec ses cinq albums au compteur s’amuse à varier les plaisirs à chaque concert. Entre improvisation et réactivité face aux demandes du public, le groupe ne joue jamais deux fois le même concert.
Les petites pépites de cette soirée seront The Good Life suite à la requête d’un fan, un titre de leur dernier album rarement joué sur scène, le très country Another Chance tiré de leur premier album et l’excellent Like I Am extrait de Little Piece of Dixie qui résume parfaitement l’esprit du groupe, un peu de Led Zeppelin, beaucoup d’air chaud du deep south et une bonne rasade de Jack Daniel’s pour couronner le tout !
Et puisqu’on parle de la bande à Jimmy Page, impossible de passer à côté de la reprise hallucinée de Your Time Is Gonna Come enchaînée à Sleeping Dogs, un jam sous influence d’une dizaine de minutes que le dirigeable lui-même n’aurait pas renié… Mentionnons également la version géniale de Ain’t Got the Blues qui vit un Charlie Starr hilare tenter une leçon d’anglais sur le refrain afin que chacun puisse suivre !
Mais ne nous attardons pas trop dans la cave de La Maroquinerie parce que mine de rien, on a un train à prendre…
Londres – The Roundhouse – 28/03/2017
La capitale anglaise retient son souffle à quelques heures d’un brexit que la majorité des Londoniens désapprouvent et pour cause… Combien de nationalités différentes allons-nous rencontrer dans les pubs avant de prendre le chemin du concert ? Impossible à dire. Le sentiment général est à l’attente, à peine quelques jours après l’attentat meurtrier qui ne semble pas avoir affecté l’humeur des locaux, apparemment immunisés contre la peur mais pas contre la stupidité de leurs concitoyens.
Un mot sur la Roundhouse, salle mythique nichée au cœur de Camden Town qui vit défiler la fine fleur des swinging sixties, de Jimi Hendrix avant même qu’il n’ait publié son premier album aux Who en passant par les Rolling Stones avant que les Clash n’en fassent un lieu de résidence comme beaucoup d’autres groupes punks après eux. Le lieu en lui-même n’est d’ailleurs pas seulement dédié à la musique, puisque la danse, le théâtre et d’autres formes d’expressions artistiques y ont droit de cité. Ce que l’on pourrait appeler un haut lieu de la culture londonienne en somme.
Blackberry Smoke y trouve un écrin parfait pour sa musique, enchaînant ses classiques en insistant plus sur l’aspect rock que southern histoire de marquer le coup, ouvrant les hostilités avec le percutant Fire in the Hole, suivi de Six Ways to Sunday et l’inévitable hymne Good One Comin’ On qui nous ramène l’espace d’un instant dans la moiteur d’un été à Atlanta avant de décocher un Waiting for the Thunder aussi définitif qu’un direct à la mâchoire !
Le public anglais aura aussi droit à son jam autour de Sleeping Dogs/Your Time Is Gonna Come mais comme nous sommes à Londres, il sera augmenté du Mountain Jam des Allman Brothers et d’une improvisation autour du Starship Trooper de Yes ! Ce ne seront d’ailleurs pas les seuls clins d’œil aux grands anciens que feront les membres de Blackberry Smoke, qui s’amuseront notamment avec le Walk on Gilded Splinters de Humble Pie en intro de Restless ou encore avec le Gasoline Alley des Faces avant d’embrayer sur une version tonitruante du Street Fighting Man des Stones en premier rappel !
Mais la cerise sur le gâteau ce soir sera l’étonnante version de Ain’t Much Left of Me, un titre déjà pas mal solennel, introduit par un Amazing Grace poignant en hommage aux victimes de l’attentat de Westminster Bridge et complété par un petit détour par le Three Little Birds de Bob Marley en forme de note d’espoir. Tout ça en un seul morceau, chapeau.
L’auteur de ces lignes aurait bien poursuivi la tournée pour quelques dates de plus, tant Blackberry Smoke est un groupe qui mérite chaque goutte d’encre, virtuelle ou non, utilisée pour dire tout le bien qu’on en pense. À l’heure où les Black Crowes semblent avoir définitivement quitté leur perchoir, où Skynyrd se fait vieux et où Gov’t Mule ne ressuscite que partiellement l’esprit des Allman Brothers, ces p’tits gars de Georgie font mieux que raviver la flamme du rock, sudiste ou pas. Ils sont en train d’allumer un véritable incendie ! Après tout, Atlanta a bien brûlé une fois…
C’était top, vraiment, j’me suis régalé, et le public était à la cool, c’était vraiment un chouette moment !