
On a lu… Confessions d’un enragé de Nicolas Otero
Nicolas Otero nous avait déjà séduit sil y a un an, avec son très grunge Roman de Boddah (la critique ici). Il s’affranchit de tout récit préétabli (le roman était à la base un livre écrit par Héloïse Guay de Bellissen), et s’offre un voyage au bout de la rage.
L’histoire : Au Maroc, à la fin des années 70, Liam et son grand frère jouent dans les rues de Rabat. Alors que ce premier approche un petit chat, il se fait sauvagement griffer. Emmené en urgence à l’hôpital, le voilà sauvé in extremis : il a attrapé la rage. Sauvé ? Vraiment ? C’est sans compter l’image de chat qui le hante et l’entraîne avec lui dans les ténèbres.
Mon avis : Sur 128 pages, Nicolas Otero nous entraîne avec Liam sur les chemins de la vie, de l’enfance à l’âge adulte. À travers l’image du chat, c’est avant tout la folie qui nous emporte. Liam se révèle violent, toxicomane, incapable de trouver la paix. Sa famille est obligée de déménager, de ville en ville, sans comprendre la malédiction qui hante leur enfant. Mais quelle est la vérité ? Liam souffre-t-il d’effets secondaires de sa maladie ? Ou de folie ? Un chat à qui l’on parle, mais une souffrance bien réelle, n’est-ce pas plutôt le symptôme d’une maladie mentale ?
Liam se bat contre lui-même, mais aussi contre les injustices qu’il voit autour de lui. Il faut s’imposer dans un monde brutal, savoir vivre avec la trahison, gérer des humeurs qu’on n’arrive pas à contrôler. Grandir, c’est mourir un peu. Comment faire, quand on ne connaît que ses poings comme réponse ? Quand toute capacité d’écoute, mais surtout d’empathie, a été annihilée ? C’est l’histoire de la violence incomprise.
Nicolas Otero joue avec brio du fantastique et de la peur de cette maladie, méconnue et éradiquée de nos jours en France, mais qui existe encore. La rage reste responsable de la mort de 59 000 personnes par an dans le monde, selon l’institut Pasteur. Mais « l’enragé » du titre est-il un fou, ou un malade ? Quelques explications scientifiques parsèment le récit. Pour autant, aucune réponse ne sera donnée. Au lecteur d’apprécier le flou, et la descente aux enfers, brillamment mise en dessin, le trait toujours à la hauteur, haletant. Point ici d’un récit étendu à la famille et aux amis. Tout est donné du point de vue de l’enfant, ce qui peut être parfois dommage. Et la fin est un peu abrupte, pour un récit qui s’est construit dans la durée… Dommage, on lui aurait aimé un peu plus de zeste, une plus grande finition, à cet étrange Enragé.
Si vous aimez : Un grincement d’ongle dans un sourire narquois.
En accompagnement : Un bon titre des Bérurier Noir. Genre, Vive le feu. Ou, si vous préférez un titre plus tranquille, The Sound of Silence de Simon and Garfunkel marche très bien aussi.
Extrait : « Et c’est à ce moment-là que j’ai entendu ce mot pour la première fois… J’ai vu leurs visages changer, presque se déformer…. Je les ai vus me regarder tous ensemble comme si j’étais un fantôme… Et j’ai entendu ce mot. La rage… »
Sortie : 31 août 2016, éditions Glénat, 128 pages, 25 euros.