
Constance d’Antioche, la princesse rebelle de Pécau, Parma et Fogolin
Mieux vaut être belle et rebelle que moche et remoche. Le bon mot, emprunté au philosophe Vincent Cespedes, traduit parfaitement le destin de Constance d’Antioche. Une princesse, victime d’une mère tyrannique puis d’un mari un brin macho. Pas si étonnant, on est en 1130 près d’Ankara où le destin de cette femme enfant va être pas mal bousculé. Une histoire que l’on n’apprend pas forcément dans les manuels scolaires.
L’histoire : Dans un Levant ensanglanté par les guerres entre communautés, l’héritière de la principauté d’Antioche vit une enfance difficile. Papa mort à la guerre contre les Mahométans, maman régente qui ne rêve que de se séparer de sa fille pour lui ravir sa charge et moine qui n’a pour ambition que de l’asservir dans la foi… Cela va lui permettre de grandir plus vite et de véritablement prendre son destin en main.
Mon avis : On a légèrement tendance à adopter la même rengaine quand on critique les productions de Jean-Pierre Pécau. L’ex-professeur d’histoire fait œuvre de pédagogie pour nous narrer sa matière favorite et d’utilité publique car le cas de Constance d’Antioche n’est jamais apparu dans nos radars d’étudiant en histoire longtemps après un laborieux bac. On a donc découvert avec bonheur la vie de cette descendante lointaine du roi de France dans une région où la présence des Francs, son peuple, ne va pas de soi dans ce XIIe siècle. Merci, donc, pour la leçon professeur.
Une leçon qui confère à cette jeune héroïne un statut de féministe bien avant l’heure. C’est une forme de plaidoyer pour la condition de la femme que son histoire. Face à un destin à charge, elle n’a cessé de s’élever contre tout stéréotype lié à sa naissance. Elle résistera à sa castratrice de mère, au prêtre chargé de la garder dans la « vraie » foi et se montrera tellement perspicace que son mari, à son corps défendant, mettra en pratique ses conseils. Femme de l’ombre, qui attire la moindre parcelle de lumière, elle saura se faire une place essentielle. Par son talent et son état d’esprit avant tout.
Cet ouvrage se fait également le parfait miroir de la violence qui accompagnait les acteurs en Terre sainte. Tout n’est que combat, mort et drame. Le tout saupoudré d’intrigues et de calculs politiques. Un monde où il ne fait franchement pas bon vivre mais un monde où la bravoure et la hardiesse sont élevées en vertus cardinales.
Pas un BD simple d’accès mais un tome qui laisse moins bête à la sortie.
Si vous aimez : Le jeu Assassin’s creed, le premier, créé par Ubisoft.
En accompagnement : Moi, Constance, princesse d’Antioche paru en 2005 de Marina Dédéyan.
Autour de la BD : C’est le premier tome d’un diptyque qui s’inscrit dans la série Les reines de sang créée par Pécau. Une série qui permet d’accompagner le destin de femmes « ambitieuses, stratèges, habiles souveraines (…) qui ne reculeront devant rien pour assouvir leur soif de pouvoir », indique la quatrième de couverture…
Au crayon, Gabriele Parma, aperçu notamment sur Marcas, maître franc-maçon de Giacometti et Ravenne, est un dessinateur italien qui illustre souvent l’histoire dans ses projets. Dimitri Fogolin est le coloriste de cette BD.
Extraits : « Raymond, avez-vous des nouvelles du frère Raoul de Domfront ? »
« Hélas, princesse, aucune. J’ai bien peur qu’il ait quitté la ville avec la suite de dame Alix, votre mère. On dit qu’il l’a rejointe dans son douaire de Laodicée, sur la côte. »
« Bien sûr… Il aurait fallu agir plus vite. Il faudra aussi que je m’en souvienne, de ça… »
« Voulez-vous que je le fasse traquer, ma dame ? »
« Non, mon époux. Laodicée est trop près de la frontière grecque, il serait imprudent d’irriter notre cousin le Basileus de Constantinople. Si nous envoyons des cavaliers, il pourrait en prendre prétexte pour nous envahir. »
« Vous ne chercherez donc pas à vous venger ? »
« De Raoul de Domfront ? Pourquoi ? C’est mon ennemi, et il faut toujours savoir où se trouvent nos ennemis…, mais la vengeance n’apporte rien. Peut-être faudra-t-il le tuer un jour mais ça ne sera point par vengeance mais par obligation. »
« Vous êtes encre plus sage que ma nièce Aliénor, dont on dit pourtant qu’elle égale les prud’hommes du roi de France. »
Constance d’Antioche, la princesse rebelle
Écrit par Jean-Pierre Pécau
Dessiné par Gabriele Parma et Dimitri Fogolin
Édité par Delcourt