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Creux de la vague (critique de Chasing Mavericks, de Curtis Hanson et Michael Apted)

Creux de la vague (critique de Chasing Mavericks, de Curtis Hanson et Michael Apted)

Inspiré d’une véritable histoire, Chasing Mavericks raconte une obsession, celle du jeune surfeur californien Jay Moriarty, résolu à se confronter aux plus gros rouleaux du monde, les Mavericks, sévissant chaque hiver dans sa Californie natale et dont l’existence même relèverait du mythe parmi les planchistes. Cible facile pour sa teneur élevée en sel niais, le film ne mérite cependant pas entièrement d’être coulé par le fond. Explications.

 

Chasing MavericksChasing Mavericks non j’ai beau chercher, je ne comprends pas un traitre mot de ce titre si l’on ne m’a pas expliqué au préalable que “Mavericks” est en fait le surnom donné par les surfeurs ricains à des vagues géantes sévissant l’hiver dans un coin précis du nord de la Californie, vers Santa Cruz. L’origine du terme « Mavericks » est même un poil plus compliquée que ça, voire assez inattendue. Pour les curieux,  tata Wikipedia vous explique tout ici, mais passons. Toujours est-il que ce titre à faire hurler tout bon québécois qui se respecte et que Fox france n’a pas jugé bon de traduire en nos contrées, ne résume qu’en partie le pitch de ce film incroyablement désuet.

Certes, le sujet de Chasing Mavericks est bien la chasse à l’onde géante, ces rouleaux cataclysmiques pouvant atteindre jusqu’à 20 mètres de hauteur, nés de grosses tempêtes hivernales dans l’Océan Pacifique et qui viennent se fracasser sur un coin bien précis de la côte nord californienne. Chaque année, des dizaines de “riders” fous se rassemblent sur ces lieux de pélerinage pour affronter ces colosses d’eau de mer, parfois au péril de leur vie, avec leur planche comme unique et frêle rempart entre eux et la grande faucheuse. L’épreuve relève d’une sorte d’appel mystique de l’adrénaline, un besoin inextinguible de donner un sens transcendental à son existence via ce dépassement de soi ultime en surfant l’impossible. Chasing Mavericks se concentre sur l’un de ces fondus de l’onde et raconte une histoire vraie : celle de Jay Moriarty, jeune rider surdoué qui connut la gloire au milieu des années 90 en réussissant le pari fou de surfer “El nino” (surnom emprunté à un célèbre déréglement climatique– NDLR), réputée la plus grosse lame d’entre toutes.

Mais le film prend surtout pour prétexte l’exploit de Moriarty pour creuser la relation filiale qui s’est peu à peu installée entre lui et son mentor, Frosty Hesson (Gérard Butler, re-barbu). Moriarty comme son aîné Hesson sont deux écorchés vifs : l’un comme l’autre ont été brisés par l’absence du père, ce sont deux âmes un peu perdues qui ont trouvé dans le surf une raison de ne pas dériver. Lorsqu’au début du film, qui démarre en 1987, Jay enfant (et déjà fasciné par le fracas des rouleaux), est sauvé in extremis de la noyade par Frosty, un lien s’établit immédiatement entre les deux personnages. Au fil des ans, Frosty deviendra le héros d’un Jay en manque de papa et, sur l’insistance de ce fiston putatif aux grands yeux bleus implorants, finira par accepter de lui enseigner comment devenir un surfeur capable d’affronter el Nino.

 

Un parfum de Karate Kid

 

J’ai évoqué plus haut le mot désuet au sujet de Chasing Mavericks : en effet, ce film sent à donf’ la convention républicaine de 1982. Pas seulement parce que son action débute en plein milieu des eighties, mais parce que le traitement scénaristique repose sur une incroyable naïveté s’échouant hélas parfois sur le rivage d’un conservatisme dégoulinant. Fermement arrimé à un premier degré gentillet, Chasing Mavericks a l’air tout droit sorti d’un mix entre les fifties et les années Reagan : on y jure fidélité à la femme de sa vie (celle de Frosty ne sort presque jamais de sa cuisine d’ailleurs), les bad boys sont à peine plus violents que Fonzie et tout le monde (ou presque) est blond –  sauf les méchants. C’est aussi une énième parabole sur le passage à la vie d’adulte, avec un rapport maître à élève qui n’est pas sans rappeler le Karaté Kid de John G. Avildsen, auquel certaines scènes de Chasing Mavericks semblent carrément piquées. Les deux films partagent la même candeur sucrée en pleine middle class américaine, comme une tourte à la fraise fourrée aux bons sentiments et servie en priorité aux résidants de la côte Ouest des Etats-Unis.

Pas franchement palpitant donc, extrêmement linéaire à la façon du “movie of the week” d’un network et d’ailleurs, malgré tous les efforts de comédiens plutôt convaincants, on est bien en peine d’écraser une larme sur cette histoire de lames un peu creuse. ET POURTANT ! Difficile de laisser Chasing Mavericks se noyer dans notre oubli moqueur de cyniques franchouillards sans lui tendre une main salvatrice : non, ce film n’est pas totalement nul ! D’abord, pour peu que vous tâtiez vous-même de la planche, il vous parlera forcément. Ensuite, le newbie Jonny Weston et surtout Gerard Butler signent des compositions dignes et sobres, qui parviennent enfin à nous toucher dans le dernier acte du film lorsque la tragédie se rappelle à eux. Jay, comme Frosty, sont des personnages simplement humains, sensibles et tristes quand le malheur les frappe. Il faut s’y faire cinéphile tatillon : ça existe aussi dans la vie, des gens bons ! J’aurais pu ajouter un calembour moisi, mais je m’abstiendrai.

Enfin, la caméra du chep op’ Bill Pope nous gratifie de séquences de surf absolument décoiffantes et habitées, qui réussissent l’exploit de trouver leur propre identité entre celles, déjà mémorables, de classiques du genre comme Big Wednesday ou Point Break. A vous de voir si, pour le prix d’une place de ciné (ou que dalle si vous êtes en illimité), vous avez envie de vous payer un petit trip naïf, candide et mélancolique avec en bonus de spectaculaires séquences de surf.

 

CHASING MAVERICKS, de Curtis Hanson et Michael Apted (1h52). Sortie en salles le 28 novembre.

 

 

CINQ FILMS DE SURF POUR L’HIVER

Si la pratique du surf a donné lieu à une quantité impressionnante de documentaires, dont certains devenus cultes, les fictions sont plus rares si l’on excepte la pelletée de beach movies ineptes des sixties. On remarquera qu’à une exception près, la liste ci-dessous ne comporte que des films autobiographiques ou tirés d’histoires vraies. Je triche un peu pour Point Break, né du simple pitch « surfeurs commettant des braquages » imaginé par le scénariste Rick King à partir d’un article de presse. Mais même dans le cas de Point Break, l’expérience professionnelle a tourné à la pratique passionnée pour Keanu Reeves et Patrick Swayze. C’est dire si le film de surf revêt un aspect éminemment personnel.

 

Big Wednesday, de John Milius (en VF : Graffity Party) (1978)
Chronique tragicomique de la vie de trois potes surfeurs, Matt, Jack et Leroy, entre 1962 et 1974. La jeunesse, les errances, les rêves brisés, la guerre du Vietnam et la fin d’une certaine innocence américaine sont magnifiquement abordés dans cette chronique douce-amère qui reste sans doute le meilleur titre de toute la filmo de John Milius. Inégal dans son rythme et son humour parfois lourdingue, Graffity Party n’en reste pas moins profondément attachant grâce à un trio d’acteurs extraordinaires (dont Jan Michael Vincent, au jeu particulièrement touchant sept ans avant Supercopter, tu le crois ça ?). Fou de surf, Milius a mis son coeur et ses tripes dans ce film basé en grande partie sur ses souvenirs et co-écrit avec Dennis Aaberg. Bide à sa sortie, Big Wednesday a gagné au fil des ans ses galons mérités d’oeuvre culte. A redécouvrir.

Surf Nazis must die, de Peter George (1987)
Après qu’un séisme majeur ait ravagé la Californie, des bandes rivales disputent aux Surf Nazis dirigés par Adolf leur supprématie sur les plages. Titre culte du catalogue Troma, auquel un éphémère groupe de punk allemand emprunta son nom, Surf nazis… vaut certainement plus pour son hilarant trailer que pour l’ensemble de ses 83 minutes. On est dans le bon gros Z d’exploitation, du niveau d’un Plan 9 from outer space, marrant par bouts de 5 minutes, plombant sur plus. A voir pour l’improbabilité de certains gags.

 

Point Break de Kathryn Bigelow (1991)
Surf, action et Bodhi. Est-il encore besoin de présenter ce fleuron quatre étoiles du thriller qui dépote, mis en scène par une Kathryn Bigelow alors au sommet de son art du mouvement ? Ecrit par Peter Iliff pour Columbia pictures et initialement prévu pour Ridley Scott, avec Charlie Sheen ou Johnny Depp envisagés pour le rôle de Johnny Utah, Point Break connut un faux départ dans les années 80. Le projet refit surface après 4 ans de break, avec cette fois Kathryn Bigelow à la barre, James Cameron à la production et le débutant Keanu Reeves, imposé par Bigelow dans la peau de Utah. Adulé ou gentiment moqué pour son imperturbable premier degré et son scénar improbable, Point Break fascine toujours autant et, plus de vingt ans après sa sortie, continue à mettre à l’amende un paquet de navets du ciné bourrin. Réparti très harmonieusement entre son volet surf (la philosophie, les scènes de ride renversantes) et l’intrigue policière, Point Break est un classique, point barre. En en plus c’est Ratt qui signe la chanson du générique de fin. Rock and rowl, Simone !…

 

Blue Crush, de John Stockwell (2002)
Ex co-star de Keith Gordon dans le Christine de Carpenter, John Stockwell a créé son petit effet voici déjà dix ans en réalisant cette modeste bluette située à Hawaii, sur les déboires de trois copines de galère unies par une même passion du surf, qui les aide à oublier leur condition de femmes de ménage. Pour Anne-Marie (Kate Bosworth), un objectif prioritaire : vaincre ses propres peurs suite à une quasi noyade et remporter une grande compétition locale de surf. A voir surtout pour de spectaculaires séquences de surf très correctement cadrées et les révélations de Michelle Rodriguez et Kate Bosworth. Sponsorisé par Billabong.

 

Les Seigneurs de Dogtown, de Catherine Hardwicke (2005)
Trois ans avant de se faire Twilightiser, Catherine Hardwicke signait ce sympathique portrait de jeunes chiens fous, inspiré d’une histoire vraie (encore une) : celle d’une bande de surfeurs issus de Dogtown (un quartier chaud de Venice en Californie), qui révolutionnèrent l’art de la glisse. Les “Z Boys” comme ils s’appelaient, s’exerçaient en effet avec des surfs à roulettes dans des piscines vides, à la barbe de leurs propriétaires, créant ainsi un nouveau style acrobatique de ride. Pépinière à talents (Emile Hirsch, Heath Ledger, America Ferrera…), Lords of Dogtown devait à l’origine être réalisé par David Fincher, qui finalement se contenta de produire.

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