Criminal Minds Et la Tour de Jenga (12 x01)

Criminal Minds Et la Tour de Jenga (12 x01)

Note de l'auteur

En attendant de voir comment la série va négocier le départ précipité de Hotchner (Thomas Gibson a été renvoyé de la série), Criminal Minds se cherche dans son season premiere entre reboot façon partie de Jenga et personnage-alibi.

056444-jpg-r_640_600-b_1_d6d6d6-f_jpg-q_x-xxyxxThe Storm (11×22) s’achevait dans un sensationnalisme classique de fin de saison mais entrouvrait une porte sur les intentions de l’année à venir : le reboot. Pas au sens classique du terme où l’on repart sur de nouvelles origines mais au sens où la série digère sa propre mythologie pour la resservir sous un autre prisme. Une sorte de mise en abîme de sa répétition : traquer des tueurs en série que le B.A.U. (Behavorial Analysis Unit) a déjà arrêté après l’évasion d’une dizaine d’entre eux. C’est offrir une variation sur une réitération, refaire une histoire qui se répète.
Finalement, The Crimson King (12×01) propose une approche légèrement différente. L’épisode passe en hors-champ une partie de l’entreprise de récupération et place d’autres cartes sur l’échiquier du reboot. La série ne va pas chercher à présenter des remakes de ses précédentes intrigues mais organiser, par le biais d’une Némésis, une version négative du B.A.U. Quand les profileurs cherchent à (ré)ordonner le monde, le manipulateur en série Peter Lewis cherche à le perturber ; au motif de l’éradication d’esprits malades, il les façonne.

Dans un précédent article, nous mentionnions la suppression de la notion d’individu au profit de l’entité, du groupe. Si les personnages possèdent une identité propre mais dès que le profiling entre en piste, ils parlent d’une voix commune. The Crimson King introduit une couche supplémentaire à ce motif : la création d’un autre individu. L’épisode fait de l’esprit une matière première que l’on est capable de modeler (avec une aide chimique) et travestir. La série va chercher plus loin la mécanisation de la psyché et met en scène son système de fabrication. Peter Lewis incarne le showrunner dans sa writer’s room, composant une personnalité comme on écrit un scénario. Erica Messer dirige Criminal Minds vers l’introspection, cherchant dans son histoire la matière à perdurer.

230916-jpg-r_640_600-b_1_d6d6d6-f_jpg-q_x-xxyxxL’expansion des formula shows se propulse à la verticale (contrairement au feuilletonnant dont le développement est horizontal). Les épisodes s’entassent jusqu’à créer une structure culminante. Criminal Minds n’échappe pas à la règle mais adopte, avec The Crimson King, une démarche parallèle : une partie de Jenga. La progression est toujours ascendante mais elle se compose d’éléments passés. Principe de recyclage où l’on puise dans les réserves pour offrir du neuf, avec du vieux. Il y a des forces contraires qui s’animent : la récompense d’une forme de fidélité en utilisant le patrimoine de la série et une dégradation progressive de la structure par la récupération de pièces rapportées ; justification d’une nouvelle vague de tueurs en série et fabrication artificielle de ces mêmes tueurs qui désamorce tout discours critique.

Il y a, dans l’exploitation de Peter Lewis, et ce, dès sa première apparition (10×21 : Mr. Scratch), une démarche paradoxale des auteurs : en utilisant des avatars, le manipulateur reportait la notion de responsabilité. Et difficile de ne pas imaginer une position semblable dans la writer’s room après de nombreuses attaques sur la violence de la série et l’image qu’elle renvoie. Il ne s’agit plus seulement d’introduire un énième psychopathe mais d’en montrer un seul, travaillant à en créer d’autre. Les auteurs se dédouanent de toutes attaques en créant ce personnage-prétexte. Mr. Scratch a tout du boogeyman : sans prise avec la réalité, monstrueux. La série s’est trouvée un bon alibi avec Peter Lewis, un personnage fort, séduisant par sa posture, aussi bien pour un public en manque de sensations fortes que des auteurs pouvant se cacher derrière la liberté artistique.

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