#Critique Aller au Cinéma ou Faire l’Amour de Christine Masson
Raconter les rencontres avec des monstres sacrés du cinéma, c’est le programme d’un petit livre au charme envoûtant. Christine Masson retrace ainsi sa carrière au fil des interviews, des festivals afin de dresser non pas un portrait du septième art mais son portrait à elle, de sa cinéphilie à sa vie, parce que les deux se sont toujours mélangées.
De Christine Masson, on connaît surtout sa voix. Accompagnée par Laurent Delmas, elle anime depuis dix ans l’émission On aura tout vu sur France Inter (le samedi, de 10h10 à 11h). Elle y célèbre le septième art, les rencontres, promène son regard, son expertise. Celle qui est entrée à la Maison de la Radio en 2001 comme chroniqueuse dans Tam, Tam, etc. dirigée par Pascale Clark a trouvé sa vocation en regardant la télévision (Les Femmes aussi d’Éliane Victor) puis en allant au cinéma (Family Life de Ken Loach). Passée par Radio CVS, CAPA, Europe 2, sur France 2 (L’Assiette anglaise, Campus), Canal + (Journal du cinéma, En aparté), Christine Masson a produit la série Auteur, Auteurs (Ciné Cinéma), a couvert de nombreux festivals de cinéma (Cannes, Venise, Berlin) pour Ciné Cinéma, Canal + ou Arte, anime des séminaires à la FEMIS et est à l’origine de la sortie en salle de 1974, Une partie de campagne de Raymond Depardon, en convaincant Valéry Giscard d’Estaing.
Ne lui dites pas qu’elle est critique. Christine Masson est une journaliste de cinéma. Une distinction qui a son importance dans son approche du septième art, mêlant passion et érudition, innocence et connaissance, intelligence de la réflexion et émoi de la découverte. Une distinction à l’image de son recueil, Aller au cinéma ou faire l’amour. À travers ces rencontres, l’auteure raconte aussi bien les « monstres du cinéma », les films, que l’amour ardent qu’elle porte au septième art, capable de changer une vie ou de lui indiquer la direction. On suit également la progression de la journaliste, des débuts hésitants, intimidants, des erreurs où se dessine la bienveillance de certains acteurs (Depardieu), jusqu’à l’assurance, l’insolence qui entend bousculer des monolithes apathiques en plein exercice de promotion (Robert De Niro, Harrison Ford). Le résultat est pétillant, chaque chapitre conjugue simplicité de l’expression et justesse de récits courts pour un résultat qui oscille entre le drôle (un happening raté, une infiltration au Fouquets) et le touchant (Family Life, une chambre d’hôtel).
De ces moments pris, a priori, au hasard, Christine Masson constitue un autoportrait, une autobiographie. Une invitation rétrospective à mesurer l’importance du cinéma aussi bien dans son développement personnel que dans sa façon de voir le monde. C’est la célébration d’un art comme outil de recherche, de réflexion, de réponses tout simplement : « certains films m’ont aidée à parler et à découvrir chez moi ou chez l’autre des qualités et des faiblesses qu’un réalisateur m’a révélées au travers d’autres histoires ». Aller au cinéma ou faire l’amour désacralise le cinéma et le journalisme en nous dévoilant la mécanique s’exerçant derrière la toile et élève le septième art au niveau intime, personnel, comme un principe fondamental.
Christine Masson signe un livre à l’apparence légère, joliment illustré par Yann Legendre qui se picore autant qu’il invite à être dévoré. Chaque chapitre constitue une rencontre et ce découpage, limpide, finit par dévoiler quelque chose de plus grand, de plus beau que la seule addition de ces morceaux de vie (professionnelle) : une personnalité. D’objet récréatif, l’ouvrage passe à une lecture passionnée et passionnante sur le cinéma. Une façon précieuse de l’aborder, sans pose, sans artifice mais avec une sincère dévotion.
Et si Fellini avait tort ? Allons au cinéma.
©Yann Legendre/Textuel
Aller au Cinéma ou Faire l’Amour
Écrit par Christine Masson
Illustré par Yann Legendre
Édité par Textuel
