
#Critique American Gods : l’art de la digression
Si la saison 1 d’American Gods s’est terminée avec tout juste huit épisodes au compteur il y a un mois de cela, elle laisse la porte ouverte à de nombreuses questions, tout en prenant bien son temps pour y répondre. DIVULGÂCHAGE.
Bryan Fuller a donc fait ce qu’il s’était juré de ne plus jamais faire depuis la fin de Pushing Daisies : laisser une saison se terminer sans véritable fin. Épisode ouvert, où la famine se répand sur la Terre, American Gods se termine avec la révélation de la véritable identité d’Odin, et la guerre des dieux prend un nouveau virage, avec un rebondissement qui n’existait pas dans le récit original (le livre de Neil Gaiman). À savoir Ostara, déesse de Pâques, qui décide que la famine permettra de redonner vie aux cultes des anciens dieux.
Alors, quel bilan tirer d’une série telle qu’American Gods ? Il y a tout d’abord un aspect magasin de bonbons/parc d’attractions grotesque. On voit bien que Bryan Fuller et ses acteurs s’amusent beaucoup. Ça rebondit de tous les côtés et il y a autant de sexualités que de morts et de bains de sang. Le personnage de Laura Moon (Émilie Browning) incarne bien cet humour, véritable mort-vivant en passe de décomposition capable de couper un homme en deux d’un seul coup de pied. Mais c’est presque trop. Trop d’effets de manches, trop de cabotinage, le personnage de Wednesday (Ian McShane) en tête. Si les phrases grandiloquentes d’Hannibal pouvaient s’expliquer par une ambiance de couffins et de psychanalyse, ici, nous sommes plus face à un vide métaphysique.
Pour le dire simplement, on admire l’image, mais on s’ennuie poliment. Et ce n’est pas la faute de l’ambiance rose sucrée ou des geysers de sang. American Gods, c’est le récit qui utilise l’esthétique du camp sans, pour le moment, jouer sur son second degré.
Oui, mais. Mais il y a ces à-côtés. Ces digressions qui nous font suivre le récit d’épisode en épisode. Il y a bien sûr l’épisode 3 avec la rencontre d’un Djinn et d’un businessman d’Oman, Salim (Omid Abtahi). Rencontre surnaturelle, poétique et sexuelle, qui transforme le sperme en une nuit étoilée. Il y a aussi l’épisode 7, sur la venue de Mad Sweeney (Pablo Schreiber) aux États-Unis, à travers la vie de l’Irlandaise Essie, sans doute une ancêtre de Laura. Un récit de contes du Petit Peuple, une histoire féministe où l’on voit une pauvre femme devenir une voleuse, changer de statut, et décéder entourée de ses petits-enfants.
Ces récits secondaires sembleraient peut-être trop, car la série cultive aussi l’art du caméo, faisant intervenir ici ou là des acteurs de ses précédentes séries. Mais ce sont ces personnages qui font le sel du récit : de la simplicité, de l’optimisme et du sourire de Salim, la colère et la violence de Laura, la relation étrange qui lie Mr. Ibis à Mr. Jacquel, la beauté de Bilquis. Le charme et le baiser d’une vieille dame, Zorya Vechernyaya, qui nous montre qu’il n’y a pas d’âge pour séduire. La colère forte du dieu Anansi, en plein trafic d’êtres humains, période esclavage. Une suite de récits à nous faire quitter malheureusement le récit principal. Et c’est sans doute cela sa plus grande faute : nous faire perdre de vue le chemin de Shadow Moon et Mr. Wednesday.
Il y a beaucoup de messages dans American Gods : des femmes fortes, des hommes et des femmes noires qui luttent dans un pays où ils sont victimes de racisme, de l’amour et de la haine, de la tromperie, de la colère. Des éléments qui font que l’on continuera malgré tout à suivre la série, malgré son côté outrancier. Nous verrons bien si la saison 2 parviendra à redresser un peu la barre, et à donner plus de nuances à des personnages qui, s’ils sont des archétypes, n’ont peut-être pas besoin de la jouer comme tels.