
#Critique : Au bonheur des petites gens (Superstore / Comédie+)
Alors que Superstore s’apprête à être diffusée pour la première fois en France, nous vous proposons de faire connaissance avec cette petite comédie satirique qui allie avec brio absurde, tendresse, cynisme et conscience politique.
Jonah (Ben Feldman), pur produit de la génération woke mais sans véritable sens des réalités, est engagé dans un magasin Cloud 9, une chaîne d’hypermarchés qui vend des pâtes jusqu’aux armes à feu, en passant par l’électroménager et les médicaments. Jonah se retrouve donc dans le ventre de la baleine et y rencontre Amy (brillante America Ferrera), une mère de famille désillusionnée. Autour du duo central, gravitent une galaxie de personnages tout aussi attachants et/ou hilarants.
À la tête du magasin, on rencontre Glenn, une espèce d’anti-Ron Swanson, caricature tendre d’un Républicain religieux pris en étau entre ses convictions et sa gentillesse profonde. Son bras droit, Dina, passionnée d’armes à feu et d’oiseaux, a des penchants autoritaires qui lui permettent souvent d’être au cœur d’intrigues aussi gênantes qu’hilarantes. D’autres employés viennent compléter le tableau : Cheyenne, jeune adulte bercée de culture télé-réalité et hip-hop, Matteo, homosexuel philippin un peu carriériste, ou encore Garrett (porteur d’un handicap qui lui impose l’usage d’un fauteuil roulant) qui assure l’accueil du magasin et les annonces micro.
Peut-être parce qu’elle raconte le quotidien des petites gens, qui plus est sur un lieu de travail qui n’a rien de glamour, Superstore n’est pas de ces comédies qui font la une. Pourtant, à l’image de The Middle, elle réussit le pari de parler de précarité sans misérabilisme, d’évoquer les grandes questions sociétales (racisme, handicap, harcèlement, armes à feu, pauvreté, immigration…) à petite échelle mais avec une véritable intention critique et réflexive, sans pour autant donner de réponse évidente ou moralisatrice. Ainsi, le libéralisme sauvage et son management absurde sont souvent pointés du doigt avec un sens réussi de la satire.
Mais surtout, Superstore fait tout cela en étant… drôle. Vraiment. Très. Drôle. Tous les types de comique sont exploités avec adresse, qu’il soit de personnage (Glenn est un morceau de bravoure pour son acteur à la voix de Looney Tunes), de gestes (un supermarché est un endroit rêvé pour mettre en scène toutes les cascades imaginables…), de situation (les relations entre les personnages reposent sur des ressorts classiques mais toujours frais) ou de mots (les dialogues sont toujours efficaces et souvent exquis).
Bref, Superstore, c’est la petite série qui ne paye pas de mine à cause de son sujet mais qui par sa sincérité et sa maîtrise ravit les cœurs, les esprits et les zygomatiques de ceux qui acceptent de franchir les grandes portes vitrées de Cloud 9 pour passer du temps avec ses employés qu’on ne veut rapidement plus quitter.
Le fantasme de rester coincé dans un grand magasin n’a jamais été aussi justifié.
SUPERSTORE (NBC) à voir sur Comédie+ dès le 14 avril à 19h (5 épisodes par soirée).
Série créée par Justin Spitzer.
Épisodes écrits entres autres par Matt Hubbard, Justin Spitzer, Jackie Clarke, Sierra Teller Ornelas, Eric Ledgin, Bridget Kyle & Vicky Luu.
Avec America Ferrera, Ben Feldman, Lauren Ash, Colton Dunn, Nico Santos, Nichole Bloom et Mark McKinney.
Visuels : Superstore © Spitzer Holding Company, The District, Universal Television.