
On a lu…Big Man Plans d’Eric Powell et Tim Wiesch
Voici l’histoire d’un homme dont la colère est proportionnelle à sa petite taille et dont la vengeance sera à la hauteur des centaines d’humiliations parsemant sa vie. Voici l’histoire d’un auteur dont la rage déborde de chaque case. Planque tes attributs lecteurs, voici Big Man Plans.
Depuis plus de seize ans, Eric Powell nous conte avec grand talent les aventures du Goon, cet être monolithique au visage balafré baffant du zombie à tour de bras avec son copain Franky « couteau dans l’œil ». Au fil des épisodes, le lecteur amoureux de morts vivants, de monstres de foire, de mafieux, de pègres, de science-fiction et de double programme se régalait. Artiste autodidacte, Powell s’est créé un univers incroyablement riche dans lequel il a pu, au fil du temps, s’épanouir et se diversifier. Comparez le premier tome de la série avec le dernier (paru en mars chez Delcourt), et vous constaterez l’importance de l’évolution graphique de l’auteur.
Mais pas seulement. Débuté comme une série à tendance humoristique, The Goon effectua peu à peu une mue et devint une série où, si l’humour et le grotesque sont toujours présents, ils côtoient une noirceur extrême. À tout point de vue, le cinquième tome, Chinatown, reste l’une des plus grandes histoires de l’auteur et le parfait exemple du mariage de sa capacité à assortir les genres. C’est cette atmosphère sombre qu’on retrouve aujourd’hui avec Big Man Plans. Terme qu’on pourrait traduire par « les projets du cador », il fut en quelque sorte la signature des soirées de discussions alcoolisées d’Eric Powell et de Tim Wiesch en 2005, comme le confie l’auteur dans les bonus de l’ouvrage. Une période difficile pour le papa de The Goon et dont le résultat final se trouve être l’expression de cet état d’esprit.
Même les plus marginaux des plus marginaux de la société sont capables à un moment donné de se rebiffer et de se venger. Et quand ils décident de s’y mettre, peu importe la façon de faire, ils vont jusqu’au bout. Big Man Plans est l’histoire d’un nain énervé. Un nain doté de sacrés « cojones », qui n’a peur de rien, ni de personne. Un nain prêt à tout pour se venger d’un crime brutal, hanté par un terrible mystère.
Il suffit de feuilleter les premières pages de Big Man Plans pour être certain qu’il s’agit bien d’une œuvre d’Eric Powell. Certes, il ne faut pas négliger Tim Wiesch, mais il reste difficile de juger de l’apport d’un auteur dont c’est le premier travail. Il n’en reste pas moins que le personnage et l’histoire se nourrissent de la relation et des discussions des hommes lors d’une période pas franchement agréable. L’âpreté et la dureté de la mission du nain sont clairement l’expression de la colère de Powell et Wiesch faisant de Big Man Plans une BD bien différente de The Goon et Chimichanga.
Car si on retrouve ce même attachement pour des personnalités hors du commun marquées par la vie et affrontant les foudres de gens « normaux », le héros de l’histoire porte en lui une soif de sang et de violence que ne partagent pas le tueur de zombie et la jeune fille à barbe. Personnage à la fois tragique et terrible, le nain est pétri de revanche sur la vie et les hommes. L’intrigue initiale qui voit cet homme revenir sur les lieux de son enfance est émaillée de flash-back nous montrant une enfance difficile et rythmée par les morts et les coups. Seul surnage une amitié qui survivra aux horreurs que le nain connaîtra au Viêtnam. Encore une fois, Powell nous démontre sa capacité à dénicher l’étincelle d’émotion dans un débordement de violence et de sang. Et de l’hémoglobine, l’histoire en propose des gallons. Flirtant avec le torture porn, Big Man Plans se révèle un exécutoire graphique pour un auteur qui peut balancer tout ce qu’il a sur le cœur.
On se doute de la finalité de l’histoire, il n’en reste pas moins qu’on reste sur les rotules durant les différentes péripéties d’un récit qu’on ne peut stopper une fois la lecture commencée. Serti par des dialogues aux petits oignons (on saluera encore une fois la traduction de Jérôme Wicky), Big Man Plans se positionne sans problème comme l’une des meilleures histoires de son auteur avec Chimichanga et le magnifique Chinatown.
Big Man Plans (Contrebande, Delcourt Comics, Image Comics) comprend les épisodes US de Big Man Plans #1 à #4
Écrit par Eric Powell et Tim Wiesch
Dessiné par Eric Powell
Prix : 15.50 €