
Au s’cours vers le futur (critique de Bis, de Dominique Farrugia)
Oublions le vent de nostalgie qui tente de nous faire croire que les années 80 c’était super – c’était pourri, je le sais j’y étais – et intéressons-nous au cinquième long métrage de Dominique Farrugia parce qu’il s’agit d’un film fantastique et qu’en France ce type d’objet est trop rare pour passer inaperçu. Attention, cet article contient le spoiler du moment drôle du film.
Sur les pas de Noémie Lvovsky et son décalque de Peggy Sue s’est mariée, Dominique Farrugia fait remonter le temps à deux amis qui ont réussi dans la vie mais n’ont pas réussi leur vie. Vous la voyez venir la morale de l’histoire ? Bien que surestimé, Camille redouble reposait au moins sur un scénario que Lvovsky avait su correctement charpenter. Bis fonctionne suivant un principe similaire, ou Kad Merad et Franck Dubosc débarquent en 1986 en gardant leur apparence d’adultes de 2015 sauf qu’en fait les autres personnages les perçoivent comme deux ados de l’époque.
Oui sauf qu’en fait non
Sauf qu’en fait ils ont vraiment retrouvé leurs physiques d’ados, comme ils peuvent eux-mêmes le constater en se regardant dans un miroir. Sauf qu’en fait, quand ils se regardent l’un l’autre et pas dans un miroir, ils ne voient pas qu’ils ont rajeuni et se perçoivent comme les adultes qu’ils sont aujourd’hui. Bref tout ça ne repose pas sur des bases très très solides, et ça se gâte encore lorsque le retour vers le futur se double d’un autre film qui n’a rien à voir et ne tient pas davantage debout : insatisfaits de ce qu’ils sont devenus en 2015, nos deux amis décident de se donner une deuxième chance (le bis du titre) et d’échanger leurs vies. Kad va essayer de devenir Franck et inversement. Comment serait-ce possible ? Ça ne l’est pas, et d’ailleurs ce second récit s’articule comme une greffe ratée sur le premier, comme si une histoire de voyage dans le temps telle que le cinéma en a rabâché un nombre incalculable de fois avait paru trop léger à Farrugia et ses co-auteurs – ils s’y sont mis à six, dont ceux de Papa ou maman qui ont encore sévi – pour masquer la vacuité d’un scénario souffrant surtout d’un manque d’originalité chronique.
La fête du slip kangourou
Puisque nos sinistres touristes temporels ont vu Les Visiteurs, ils savent qu’il suffit de franchir à nouveau la porte du temps pour rentrer chez eux, enfin aujourd’hui. L’heure et demie qu’ils mettent pour se décider à le faire passe alors autour d’une bluette sentimentale sans intérêt et, figure obligée du genre, à grand renfort d’attirail vintage. Et là, c’est la totale : slips kangourou (dans mon souvenir on avait déjà des caleçons, mais bon), walkman, rubik’s cube, Gaston Lagaffe, affiche de Subway de Luc Besson (Bis est une production Europacorp), quelque chose en toi ne tourne pas rond, patins à roulettes, le cinéma du dimanche soir sur TF1 (avec Le Dernier combat de Luc Besson ce qui n’est absolument pas crédible dans cette case, mais Bis est une production Europacorp), Paul une Tourtel, 3615 ULLA, et comment qu’on faisait quand les téléphones y z’étaient pas mobiles, etc. On nous gave jusqu’à saturation, au secours !
Pour économiser une place de cinéma, deux précieuses heures de vie et vous épargner des souffrances inutiles, si vous voulez je peux vous donner un conseil. Contentez-vous de regarder la bande annonce ci-dessous, elle spoile tous les gags et la seule réplique drôle du film : “Ou on est en 1986, ou on est à Valenciennes”. De rien.
En salles depuis le 18 février.
2015. France. 1h38. Réalisé par Dominique Farrugia. Avec Franck Dubosc, Kad Merad, Alexandra Lamy, Gérard Darmon, Julien Boisselier, Anne Girouard…
BIS Bande-annonce par europacorp
La meilleure vanne du film est aussi dans la bande annonce… Misère.
Oui, et elle n’est pas si bonne que ça.
Ha, je ne le sentais vraiment pas ce film et je suis content de lire que mes appréhensions étaient bien fondées. Qu’est ce qu’il est passé par la tête que de Farugia que de reprendre une histoire si souvent traitée et en l’occurrence si fraichement traitée « Camille redouble ».
C’est moche de manquer autant d’originalité
Et dire que c’est nos impôts qui payent ça….
Ce ne sont pas nos impôts qui financent le cinéma, ou alors de façon assez marginale par le biais de certaines collectivités territoriales.
Je pensais au CNC dont une partie du financement vient de la contribution publique , et des taxes sur les salles de cinéma entre autres. Dans un sens nous finançons le cinéma , non ? 😉
Je te remercie Trohzen d’avoir rappelé que tout spectateur qui achète une place pour voir un film (français mais aussi américain, japonais, tadjik ou ce que tu voudras) contribue au financement du cinéma (français ou en copro) puisqu’un pourcentage du billet acheté entre alors dans les caisses du CNC afin d’être redistribué dans la production de nouveaux films. En ce sens oui, nous (les spectateurs) finançons le cinéma et c’est un système que je trouve sain car même un film médiocre comme Bis y participe, et d’autant plus s’il s’avère un succès public. Faut-il souhaiter que chaque sombre bouse rencontre le succès pour que d’autres films se fassent? C’est un des aspects pervers du sytème…
Ce qui me gêne quand on dit que ce sont nos impôts qui payent ça, c’est de laisser croire que chaque contribuable donne un peu du fruit de son labeur à Franck Dubosc ou Kad Merad. Trop de gens continuent de penser que le CNC, donc le cinéma français, est financé par l’impôt sur le revenu. Je crois bon de dissiper ce malentendu 😉