
#Critique Blade Runner 2049
Un chasseur d’androïdes découvre un secret qui peut bouleverser le monde. La suite d’un classique de la SF qui pulvérise l’original et propulse le spectateur dans un rêve électrique. Un trip hypnotique époustouflant.
Je n’ai jamais été un admirateur de Blade Runner. Tout dans la forme et pas beaucoup de fond (j’entends déjà les fans hardcore hurler derrière leurs écrans). L’œuvre de Ridley Scott est bien sûr ponctuée d’images extraordinaires, de scènes d’anthologie, mais je suis resté de marbre devant ce film noir futuriste, un peu ronflant, où des androïdes se flinguent avec des humains. Je n’ai jamais ressenti le vertige des fans, comme si le décor avait bouffé le film et était devenu plus important que la narration ou les idées. J’ai donc été voir BR 2049 sans a priori et sans angoisse : je n’en attendais absolument rien. Et je viens de découvrir un des grands films de l’année, un énorme blockbuster à 200 millions de dollars, avec deux scènes d’action, l’exact contraire de tout ce que Hollywood défèque ces dernières années, avec ses produits manufacturés bourrés de super-héros bas de plafond et de séquences spectaculaires.
L’action se situe 30 années après le premier Blade Runner. La Wallace Corp, nouvelle entreprise toute-puissante, règne sur le monde et son dirigeant aveugle donne vie à des androïdes parfaits, esclaves 3.0 des humains. K (comme le héros de Kafka ?) est un blade runner, flic d’élite du LAPD chargé d’éliminer les androïdes jugés dangereux, notamment les réplicants de la vieille série Nexus 6, qui n’obéissent pas ou plus aux humains. K fait son boulot sans état d’âme, élimine un mystérieux colosse (Dave Bautista) mais découvre bientôt un secret enfoui depuis des années qui pourrait changer le monde. Pourchassé à son tour, son seul espoir est de retrouver Deckard, un ancien blade runner qui a disparu depuis des années. Et c’est tout car il m’est impossible de vous en dire plus sans spoiler le film…
BR 2049 a été écrit par Hampton Francher, 79 ans aux fraises, acteur de télé, dont les deux titres de gloire seront d’avoir été le mari de Sue Lyon, la jeune héroïne de Lolita, et d’avoir écrit le premier Blade Runner. Pour cette suite, il a été épaulé par Michael Green, auteur du catastrophique Green Lantern et des pas très reluisants Logan et Alien Covenant. Pourtant, les deux hommes ont réalisé un tour de force narratif assez hallucinant. Car BR 2049 est un prototype, une suite qui déjoue toutes les attentes et tous les écueils des suites ou des remakes, avec des références ahurissantes à Nabokov, L’Ile au trésor ou Tchaïkovsky. Nous sommes dans un univers connu, mais les deux scénaristes vont nous emporter ailleurs. Il est donc question de robots et d’humains, de robots plus qu’humains et d’humains déshumanisés, avec des personnages de l’original qui viennent nous faire un petit coucou. Avec une belle maestria, les scénaristes brouillent les pistes à l’infini : qui est homme, qui est robot, qu’est-ce qui caractérise vraiment un homme, qu’est-ce que l’âme, une IA peut-elle mentir, désobéir, tuer un humain, alors qu’elle n’a pas été conçue pour cela, faisons-nous partie d’un dessein plus grand ?
En laissant de côté l’action à gogo, les bastons obligatoires, les jeux de mots à deux balles, les deux hommes parviennent à tricoter un trip hypnotique, un cauchemar cotonneux où le spectateur navigue dans un rêve éveillé. Les scénaristes citent explicitement Stanley Kubrick, Mamoru Oshii ou Andreï Tarkovski dans ce poème sidérant et élégiaque de plus de 2h40 et abordent des thèmes comme la fin de l’humanité, l’importance du virtuel dans le réel, dans un monde à l’agonie, gouverné par des consortiums genre GAFA, obsédés par le transhumanisme, et dévasté par le consumérisme, l’exploitation des pauvres… On est dans un blockbuster philosophique, mais au cœur de ce film métaphysique et mélancolique, il y a… l’amour. L’amour de K qui entretient une relation d’une infinie délicatesse avec un hologramme, l’amour d’un humain pour un androïde, l’amour d’un père pour son enfant… Quel putain de film !
L’autre ENORME surprise de BR 2049, c’est le Québécois Denis Villeneuve. Excellent metteur en images de Prisoners, Premier contact ou Sicario, il ne semble plus boxer dans la même catégorie et son art évoque à la fois Kubrick et Tarkovski. Villeneuve impose son tempo, joue la carte du vide et du dénuement quand Ridley Scott saturait l’image de lumières bleu acier et de formes. Ici, on est dans un paysage mental, un enfer orange, horizontal, sous la neige, désigné par Dennis Gasner (qui a bossé sur les derniers James Bond ou pour Tim Burton) et éclairé par le génial Roger Deakins (No Country for Old Men, Sicario, L’Assassinat de Jesse James), qui devrait faire main basse sur l’Oscar. Comme Andreï Tarkovski ou Carlos Reygadas, Villeneuve donne à son film la forme d’un rêve, cisèle un trip de sable ocre, d’étendues désertiques, ponctué par un sound design dément constitué d’infrabasses qui tétanisent le spectateur. Et Villeneuve, malgré le budget, les SFX somptueux, l’armée d’informaticiens à gérer, se focalise sur son casting et se révèle un excellent directeur d’acteurs. Ryan Gosling, plus erratique que jamais, avance comme un somnambule, sans aucune expression sur son visage, un peu comme dans les trips de son ami Nicolas Winding Refn. Pour une fois concerné, Harrison Ford donne la meilleure interprétation de sa carrière et le casting féminin est absolument éblouissant. Ça vibre, ça vit, ça saigne : du grand art. Cadeau bonus, Villeneuve s’offre quelques réflexions passionnantes sur le cinéma, les écrans, le vrai/le faux et les avatars (avec les guest stars Frank Sinatra, Marilyn Monroe et Elvis Presley). Et il met en scène la meilleure scène d’amour de l’année, la plus troublante : une partouze à 3, en partie virtuelle. Inoubliable.
Souvent, lors de BR 2049, j’ai atteint l’état de sidération, retrouvé le vertige qui me saisissait quand je lisais les bouquins de Philip K. Dick et où il était question de moutons électriques. Comment Villeneuve a-t-il pu obtenir 200 millions de dollars pour ce blockbuster contemplatif, lent, hypnotique ? Et surtout, est-ce que le public va suivre Villeneuve dans son trip ? Comment les mômes qui font des triomphes planétaires aux Avengers et autres Batmaneries vont-ils réagir devant ce trip philosophique ?
En tout cas, vous savez ce qu’il vous reste à faire si vous voulez vous prendre la claque de l’année.
Blade Runner 2049
Réalisé par Denis Villeneuve
Avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Carla Juri et Jared Leto.
Sortie en salles le 4 octobre 2017
aie la meme note que rogue one… https://dailymars.net/critique-rogue-one-a-star-wars-story-lalignement-des-etoiles/
Le film est si mauvais que ça ?
Pas la même note. Et pas le même critique…
Petite question : est-ce un film verbeux? Je l attends depuis un moment mais ne pourrait le voir qu’en VO non sous-titrée…(j ai peur de me gâcher le film si les dialogues sont trop pointus, trop SF voire trop pseudo-philo et je ne voudrait pas en perdre une miette…auquel cas je passerai mon tour jusqu’au blu-ray). Par exemple Premier contact, tout du moins à mon sens,se passait de mots pour transmettre réflexions et émotions.
Il faut le voir en salle, notamment pour la photo de Deakins. Quand aux dialogues, il y en a bien sûr. Mais Ryan Gosling ne parle quasiment jamais.
Ryan Gosling ne parle quasi jamais…comme à son habitudes finalement.
Bon ok, au pire 2 visionnages s’imposeront.
Il FAUT le voir 2 fois !
Critique intéressante mais qui perd toute crédibilité dès la première phrase « Je n’ai jamais été un admirateur de Blade Runner. Tout dans la forme et pas beaucoup de fond » suivit de celle-ci « pas très reluisants Logan » qui descend bêtement et gratuitement un excellent film (on dirait du Dr No & c’est pas un compliment)
Comme je dis à chaque fois, c’est mon avis. Non, je ne suis pas fan du premier à cause de la forme qui dévore le fond. Les thèmes de l’AI, de l’humanité sont bien mieux exploités dans 2049.
Quant à Logan, je déteste les films de super-héros. Celui-ci est peut-être un peu mieux écrit et réalisé que la moyenne (Avengers, Fantastic 4 et autres X-Men), mais pour moi, cela n’a pas grand-chose à voir avec le cinéma.
Bonne journée
Et moi je deviens gris en lisant que le même qualificatif « pas très reluisant » s’applique ici à Covenant.
Mais j’en remets une couche, j’avais déjà signalé mon trouble dans la critique ad hoc.
Il faut que la vie continue malgré tout.
?
Ca y est j’ai enfin vu ce fameux BR2049 que j’attendais depuis des mois (cela faisait longtemps que je n’avait pas été aussi impatient pour un film).
Contrairement à l’auteur de la critique je suis un fan total de Blade Runner que j’ai vu au cinéma lors de sa sortie au début des 80’s et que je considère comme mon film préféré.
Je souscris totalement à la critique de Marc Godin. C’est une petite merveille, clairement. D’une beauté à couper le souffle. J’ai néanmoins des petits bémols. D’abord la musique (qui quand même fait parti de l’adn du film original)… En effet, même s’il est impossible de passer après le score légendaire de Vangelis, il s’agit plus ici d’un sound design que d’une véritable bande originale (mais finalement c’est ce que fait Hans Zimmer ces dernières années) … Au fond cela colle assez bien au film, froid, clinique, glauque, mécanique, onirique et ultra-sombre. Par rapport au Blade Runner original, le côté polar film-noir est ici moins présent (et ça me chagrine un peu ça), la ville cyberpunk aussi (bien que quand même des plans hallucinants sont au rendez-vous, mais moins de scène dans les rues, au contact de la faune urbaine). L’univers s’étend et là où le BR de 1982 se cantonnait à un Los Angeles ultra urbain, ici on découvre un peu plus l’extérieur, le monde post-apo. C’est sombre, très sombre, il y a moins de vie que dans le BR de 1982, moins de rythme aussi, nous sommes ici sur un tempo lent, parti pris de Villeneuve. Mais je crois qu’il ne faut pas le comparer à son ainé. Ce BR2049 est un tour de force cinématographique, une belle réussite là où il y avait quand même bien des chances de se vautrer.
Un mot rapide sur le scénario que j’ai trouvé réussi. Quelques surprises sont au rendez-vous et l’histoire est à mon avis bien trouvée.
En résumé, Villeneuve assure sans égaler le chef-d’oeuvre de Scott, il délivre un film puissant, beau, à contre-pied de tous les standards actuels hollywoodien (et rien que ça c’est bon)… Du coup tous les espoirs sont permis pour Dune…
J’ai un problème avec le film : Deckard amoureux de Rachel et s’enfuyant avec elle c’est le happy end imposé par la warner avec la scène du train. Dans la version director’s cut, Deckard sans la voix off ( rajoutée en post prod contre la volonté de Scott ) apparait comme une ordure ( dans la scène d’amour Rachel est limite contrainte, Deckard la réduit à son statut de pantin post humain ) et à la fin le « dommage qu’elle doive mourir » est sans equivoque et le doute sur l’humanité de Deckard réel ( la licorne en origami qui apparait dans son rêve, les nombreuses photos de famille sur le piano comme celles des replicants ). Pour moi le film de Villeneuve est une trahison qui se pose là. Scott de bousiller ses merveilleux premiers films.
Même avis que la critique.
Merci Denis Villeneuve 1millons de fois!
Un film qui m’a mis dans un état de sidération et d’orgasme audio-visuel en quasi continu.
Si ce n’était parfois le rythme un peu lent.
Quelle claque!
Sans vouloir les comparer j’aime celui ci au moins autant que le premier.
Avec quelques mois de retard j’ai vu le film, puis enchainé l’écoute de la critique de « No Ciné » puis la lecture de celle-ci … et les 2 critiques sont en exacte opposition, et je suis d’accord avec les 2 !
Je dois être plusieurs dans ma tête.
J’aime Blade Runner, j’aime moins BR2049 mais j’aime quand même.
D’accord avec M Godin pour la beauté de la photo, l’histoire d’amour, l’univers.
D’accord avec No Ciné pour l’univers pas si foisonnant que dans le 1er, le jeu d’acteur caca (surtout Jared et Harrison) même si ce sont des réplicants ou humains déshumanisés.
No Ciné (après j’arrête de leur faire de la pub éhontée) dénonce un film creux ou mort. Cela peut aussi être versé au crédit de Villeneuve comme une intention. Mais ce choix cumulé avec plusieurs autres défauts ne semble pas passer auprès de certains.
Merci pour cette critique dans laquelle mon double se retrouve
Be seeing you,
Mentine
Content d’avoir pu contenter vous et votre double.
No Ciné ils comprennent rien au ciné.