
#critique Burning Fields de Moreci, Daniel, Lorimer, Lafuente
Dans les champs de pétrole irakiens, un tueur en série menace la fragile paix que cette région tente de maintenir. Ce ne sont pas de simples meurtres mais une boucherie rituelle. Ce qui risque de réveiller un monstre qui se nourrit du sang des hommes.
L’histoire : Dana Atkinson, enquêtrice déchue de l’armée américaine, est rappelée au Moyen-Orient pour élucider une série de meurtres particulièrement barbares. Des assassinats qui jouxtent le complexe pétrolier de la société Carapex près de Kirkouk. Avec Aban Fasad, un policier irakien, elle remonte peu à peu les traces menant à celui qui sacrifie ses victimes. Sauf qu’à chercher trop loin et trop profond dans les entrailles de la terre, elle pourrait réveiller des forces occultes qui visent à annihiler l’humanité.
Mon avis : attention chef-d’œuvre. Et pas en péril. Cette BD est d’une noirceur absolue, elle en est même dérangeante mais qu’est-ce qu’elle est prenante ! On nage dans une intrigue abyssale, géopolitique, matinée de présences surnaturelles et mystiques. On se perd souvent devant la complexité du dessin ou du scénario mais, par une sorte de franc miracle, on se raccroche toujours au fil de l’histoire. Un récit que l’on peine à quitter mais qu’on est quand même soulagé de terminer. Parce qu’il y a un happy end dans ce drame perpétuel. L’humanité triomphe toujours des ténèbres. Même s’il a fallu que l’héroïne meurt à la fin. Pardon à ceux qui voient là le suspens battu en brèche.
On est quand même bien dans le réel quand les auteurs décrivent le nord de l’Irak avec les différents groupes (kurdes, État islamique, arabes…) qui s’entretuent pour contrôler et bénéficier de la manne financière pétrolifère. Idem lorsqu’ils évoquent les conséquences catastrophiques de l’intervention américaine au « Pays des deux fleuves ». Et son corolaire quand les « GI » se sont retirés : ces milliers de mercenaires qui constituent autant d’armées privées qui garantissent les intérêts des puissants investisseurs yankees contre le bien de la population autochtone. On est toujours dans la vraie vie, la sale, quand on voit les attentats meurtriers, la violence ininterrompue et impudique.
On part dans d’autres sphères, en revanche, lorsqu’on constate que le tueur en série arrache les langues de ses proies, leurs yeux ou leur tranche la tête. Ou lorsqu’une société secrète, la confrérie de Ninurta, préfère que ses membres, les gentils qui luttent contre le mal, se fassent amputer de la langue pour que le démon ne puisse pas avoir leurs paroles. Ou enfin, quand apparaît le monstre, hideux et avec des yeux partout, sur le point d’être libéré pour éradiquer l’espèce humaine.
C’est dense, c’est dur, c’est compliqué, c’est une aventure au long cours (208 pages), ça ne laisse pas toujours un bon goût dans la bouche, mais c’est à lire absolument.
Si vous aimez : passer des heures devant Assassin’s Creed.
En accompagnement : un bon éclairage, type gros halogène ou led, parce qu’à certains moments, cela fait peur. Si, si.
Autour de la BD : ce thriller fantastique, comme le présente Ankama, a été très bien traduit. Les scénaristes sont américains, Michael Moreci et Tim Daniel, et ont travaillé notamment sur The Curse.
Le dessin de Colin Lorimer est d’une dureté incroyablement accrocheuse.
Extraits : « Je ne m’y connais pas trop en relations sociales… Mais je vois bien que tu es anormalement calme. Qu’est-ce qu’il se passe ? »
« Je veux savoir ce qui s’est passé à Chicago, Dana. Pourquoi tu as quitté Chicago pour revenir… là-dedans ? »
« Et tu poses la question maintenant ? »
« Dana, j’ai une famille. Une femme et des enfants. On travaille peut-être ensemble mais nos enjeux ne sont pas les mêmes. Je ne peux pas faire comme si c’était mon dernier jour. »
« Ah donc c’est pour ça que j’ai droit au questionnaire… Tu crois que je pense comme ça ? Sérieux, Aban, tu me demandes vraiment si je suis la folle, cette meuf instable que tout le monde pense que je suis. »
« Non, Dana, ce n’est pas ça. Je veux savoir à quoi m’attendre de la part de mon partenaire. On est sur le point de franchir une ligne importante, et je ne prends pas ça à la légère. »
« Très bien Aban, tu veux tout savoir ? J’ai tué quelqu’un. »
Sortie : 2 novembre, Ankama, Label 619, 208 pages, 15,90€.