
Adaptation héroïque (critique de Captain America: Civil War de Anthony et Joe Russo)
Attention, cette critique comporte quelques légers spoilers.
Civil War. S’il y a bien un titre qui frise l’excellence auprès du lectorat comics, que ce soit par les amateurs éclairés comme par les profanes, c’est bien celui là. C’est donc presque naturellement que le mécontentement de ces derniers s’est fait entendre lors de l’annonce de sa transposition dans les salles obscures. En l’état, on ne doit pas toucher à Civil War. Et surtout, on ne peut pas. Vraiment ? On oublie pourtant que lors d’une adaptation, ce n’est pas nécessairement sa fidélité absolue dans le matériau d’origine qui compte, mais bel et bien que l’on préserve son essence intact. Ce que non seulement les frères Russo accomplissent ici avec une maestria monstrueuse mais en plus, édifie Captain America: Civil War au panthéon des films super-héroïques. Rien que ça.
Quand les aventures d’Ant-Man fermèrent la phase 2 du MCU, le résultat artistique de cette dernière s’apparente à une sacrée déconvenue après coup. Les deux suites les plus attendues de la phase 1 furent de sombres déceptions (Avengers l’Ère d’Ultron, Iron man 3), les nouvelles aventures du fils d’Odin ont à peine titillé notre intérêt, tandis que l’homme fourmi paradait tranquillement dans un contexte familial certes sympathique, mais sans trop d’envergure. Dans ce marasme marvelien, s’extirpait toutefois deux titres que l’on n’attendait pas, Les Gardiens de la Galaxie de James Gunn, et surtout, Captain America, le Soldat de l’hiver.
Le premier film des frères Russo, aux allures de Jason Bourne super-héroïque, exploitait le personnage de Steve Rogers avec une modernité incroyable, délivrant une caractérisation et une sympathie fabuleuse à son encontre. Mieux encore, les réalisateurs mettent en œuvre une réinterprétation intelligente et réussie du comics éponyme de Ed Brubaker et Steve Epting. Au travers de la plume habile des scénaristes Stephen McFeely et Christopher Markus, le premier vengeur retrouve et affronte son meilleur ami, Bucky Barnes créditant à ce second opus un succès sans précédent, tant critique que public. Toutes les conditions sont dès lors réunies pour rassembler la même équipe créative afin de s’atteler une fois encore à une adaptation, presque hérétique pour une bonne partie du public, celle de la mini-série Civil War, créée par Mark Millar et Steve McNiven.

Photo crédit : Film Frame © Marvel 2016
Comme annoncé plus haut, pour une énorme frange des lecteurs, plus particulièrement ceux qui ont découvert les comics sur le tard, Civil War, c’est avant tout le saint des saints dans le genre super-héroïque. On ne moleste pas Civil War, on ne le critique pas (sauf au Dailymars, avec notre spécialiste maison, Jérôme Tournadre), on le respecte. Malgré un prêt salvateur de Spider-man par Sony pour renforcer les rangs de ce groupe de super-héros un peu chiche, cela ne reste qu’un demi-rattrapage aux yeux du public. Le traitement, terriblement dramatique de l’homme-araignée dans le comics suscite alors l’inquiétude dans sa transposition à l’écran. Dès lors, l’incompréhension stagne dans les esprits : adapter Civil War relève définitivement d’une gageure. Trop de héros manquent à l’appel, et avec seulement une douzaine de personnages à l’écran issu du MCU, les lecteurs redoutent clairement une transposition mollassonne de leur œuvre chérie.
Pourtant, cela devrait être le contraire. À l’échelle d’un éditeur disposant de plus de 5000 individus à son actif et d’un historique vieux de plus de 75 ans chez Marvel, il est bon de prendre du recul sur le refus de cette adaptation sur grand écran. Depuis bientôt 8 ans, soit les débuts de Iron Man, les liens créés entre les personnages du MCU ne pourront jamais égaler ceux d’une œuvre en 7 parties comme Civil War, dont l’historique éditorial est bien trop important. Devrait-on attendre 2030 pour proposer une adaptation suffisamment chorale de Civil War ainsi que des personnages à la caractérisation éprouvée campés par des acteurs vieillissants, qui ne seraient peut-être plus enclin à revenir sur le plateau ? Pour apprécier Captain America: Civil War dans son adaptation, il faut d’abord passer par une phase d’acceptation et comprendre que l’œuvre de Millar et McNiven ne peut être adaptée comme on le fantasmerait dans nos rêves les plus fous…
Et donc, si cette version filmique de Civil War, par la force de l’historique de son univers partagé, doit amputer des éléments de l’intrigue de l’œuvre d’origine pour en préserver toute sa substance, c’est tout à fait normal. Le film obtient d’ailleurs d’emblée des facilités pour en conserver tout l’intérêt. Expurgé de la problématique identitaire de l’œuvre d’origine – Le Super Human Registration Act – dans Captain America, le Soldat de l’hiver (Black Widow dévoilant toutes les informations top secrètes de chacun sur le net à la conclusion de ce dernier), seul le conflit sur l’encadrement de ces héros, policiers du monde sans dirigeants, prend alors son importance dans cette adaptation.
La véritable force des frères Russo, afin de faire préserver au maximum l’essence du comics éponyme, est donc de garder intact le tissu conflictuel entre ses personnages, tout en déplaçant en arrière-plan les enjeux politiques sur la gestion des super-héros, considérés comme dangereux. Un subterfuge malin, qui va permettre une caractérisation accrue pour la plupart des protagonistes par les forces en marche, y compris parmi les trublions de passage et nouveaux venus abhorrant héroïquement symboles de panthère, d’araignée ou de fourmi. Cette volonté de donner du corps envers tous les individus du film exploite au mieux le devenir de chacun. Ce qu’ils ont été, ce qu’ils sont ou veulent devenir est évoqué, leur prodigue du sens, leur donne de l’attrait.
Les accords de la Sokovie installent les avengers dans des conditions qui les obligent à prendre position, à choisir un camp et donc, à se dévoiler davantage. Tony Stark en est, et c’est surprenant, le meilleur exemple. Il abandonne l’arrogance qui lui a causé tellement de tort, esquisse à peine un trait d’humour et arrive même à se confier sur sa séparation avec Pepper sans dérision aucune. Le millionnaire charismatique à l’insolence ravageuse, emprunt de culpabilité sur ses erreurs passées, dévoile ici une humanité bienvenue permettant d’ailleurs à Robert Downey Jr. une de ses meilleures prestations dans ce rôle. Plus important encore, sa confrontation croissante avec Steve Rogers (Chris Evans) nous emmène d’ailleurs dans une thématique similaire, intelligemment raccordée à celle de Captain America, le Soldat de l’hiver.
En effet, le film utilise astucieusement la continuité du précédent opus en prolongeant l’idée de la lutte fratricide. Au-delà de la confrontation d’une équipe contre une autre, le film raconte avant tout une opposition entre deux individus. Après Bucky, le leader des avengers doit à nouveau se battre contre un ami qui lui est cher, Tony Stark. En exposant de manière paradoxale leurs désaccords tout au long du film, eux qui d’habitude ne peuvent se parler, Rogers et Stark n’ont en fait jamais été aussi proches. Leurs oppositions, leurs conflits, leurs combats les séparent à chaque fois un peu plus durant le film mais c’est aussi ce qui permet d’estimer leur amitié, finalement, très importante pour tous les deux et ainsi de la confronter complètement à la fin dans une bataille totale.
Cet excellent travail de caractérisation se voit renforcé par un apport de taille qui parsème tout le film : son univers. C’est bel et bien dans l’exploitation régulière, maîtrisée, de tout ce qui se réfère au MCU que le film expose avec finesse son intrigue. Régulièrement, le film s’auto-alimente de faits, de conséquences et même d’absences qui ont lieu dans son univers pour apporter une manne narrative essentielle à son intrigue. Pas de clins d’œil, de raccourcis trop faciles ou de références alambiquées. Non. Ce qui a tellement fait défaut à nombre de films de la phase 2, Captain America: Civil War lui s’en sert avec discernement et pertinence. Les scénaristes s’en inquiètent, s’en soucient et de ce fait flattent la mémoire du spectateur pour lui rappeler qu’il est dans un univers partagé persistant, et toujours en mouvement. Et c’est tant mieux. Chacun des personnages que l’on a découvert à ses débuts, a changé, a évolué, et il était temps de le signifier. Là où un film comme Avengers l’Ère d’Ultron évoquait un immense délire graphique diminué par des personnages sans grand intérêt, les frères Russo évitent le piège du film choral sans âme. C’est certainement ici que se trouve l’une des plus belles récompenses pour le spectateur (même si nous aurions souhaité une petite piqûre de rappel des événements qui secouent la série Agents of Shield à l’heure actuelle).

Photo Crédit: Film Frame © Marvel 2016
Forcément, on lui concédera certains atours d’Avengers 2.5 à ce Captain America: Civil War. Il n’empêche que son intrigue majeure se concentre autour de l’homme au bouclier, qui se retrouve au carrefour de tous les conflits. À l’instar du second opus des Russo, le film reste incroyablement sérieux durant presque deux heures, parfois grave durant certaines parties. Excepté Sam Wilson (Anthony Mackie) plaçant deux trois bons mots comme à l’accoutumée, le film consent à être indubitablement dans une tonalité plus adulte. Mais la partie récréative chez Marvel Studios n’est jamais bien loin de revenir à la charge.
Car la partie formelle de ce nouveau Captain America force l’admiration dans sa propension à délivrer des morceaux de bravoures absolument dantesques. Généreux, épique, proposant des séquences d’actions vertigineuses, le long métrage marvelien entreprend d’être constamment inventif dans le domaine. Poursuites en cascade, affrontements riches et variés, chorégraphies au corps à corps sensationnelles… Le point d’orgue se situant dans la géniale séquence centrale avec son gigantesque combat qui fera date dans l’histoire des films super-héroïques.
Mélangeant d’innombrables duos qui s’affrontent dans un maelström extraordinaire d’humour, de castagne et de sfx, la scène offre tout ce que l’on souhaite en termes d’affrontement dantesque, se renouvelant sans cesse à chaque seconde. Pour sa première apparition, Spider-man prodigue au travers de ce moment de grâce et de fun total, une bonification incroyable à l’univers partagé de Marvel. Très proche du personnage originel issu des comics, jeune, plein de fougue, d’humour et d’insolence, Peter Parker, brillamment habité par Tom Holland, explose littéralement à l’écran. La promesse est belle de voir le personnage grandir et évoluer au fil des années. Une merveilleuse idée d’installation, en tous points remarquables, que l’on a hâte de découvrir dès 2017 dans son film solo Spider-man Homecoming. Mais que dire de T’challa, alias Black Panther ? Campé par Chadwick Boseman, le roi du Wakanda en impose. D’une présence folle, tant dans les coups portés que par l’aura qu’il dégage, voilà encore un protagoniste à suivre de très près dorénavant, qui sera lui aussi bientôt de retour à l’écran courant 2018 dans ses propres aventures.

Photo Crédit: Film Frame © Marvel 2016
Le film des Russo’s brothers n’est pas exempt de défauts, loin de là. La matrice marvelienne a encore fait des siennes et on ne pourrait être que de mauvaise foi si nous ne pouvions admettre que le film s’indispose avec quelques formules déjà trop éprouvées. L’une des plus évidentes s’articule sur la division de ses personnages, une idée qui fut déjà le plan des précédents vilains dans Avengers et sa suite. Certes, les accords de la Sokovie préparent le terrain en ce sens, mais c’est bel et bien l’utilisation de Bucky, par le biais du très bon « bad » guy du film, Zemo, simple humain tourmenté qui a perdu ses proches en Sokovie, qui déclenche l’intrigue conflictuelle entre les avengers.
De même, ces problèmes de séparation dans l’équipe sont menés de front par Tony Stark, meneur de la fameuse loi. Et au regard des précédents films du MCU, le film présente à nouveau le playboy multimillionnaire comme étant la source de tous les problèmes, de celui qui est dans l’erreur. Si ce n’est pas sa technologie qui en est la cause cette fois-ci, ce sont les conséquences de celle-ci, issues de la trilogie Iron Man et du dyptique d’Avengers, qui lui placeront, d’une certaine manière, à prendre la « mauvaise » décision pour rattraper ses erreurs passées. Ici se trouve peut être la limite à trop centraliser les problèmes des avengers sur les actes du même personnage, qui répètent inlassablement les mêmes fautes en essayant cette fois-ci de s’amender. Finalement, « l’erreur » de ce Civil War, qui n’a de civil que le nom d’ailleurs, est d’arriver après tous les autres films du MCU pour pouvoir se permettre de telles comparaisons. Si nous devions taquiner les frères Russo, d’ailleurs un poil inférieur à leur précédent opus tout de même, nous aurions presque pu renommer leur film, Avengers Wars…
Ces quelques peccadilles doivent toutefois être à prendre avec de larges pincettes. Le plaisir est là et bien là. Les moments jubilatoires demeurent nombreux, les confrontations exposent, plus qu’à leur tour, de grands moments de bravoure épique, savoureux au possible, et le tout emballé dans un enthousiasme communicatif à proposer un spectacle super-héroïque à la hauteur de nos attentes. Un sentiment que nous n’avions peut-être pas retrouvé depuis… Captain America, le Soldat de l’hiver justement !
Moins solide que son prédécesseur, Captain America: Civil War accomplit pourtant son devoir sous une bannière étoilée pleine de bon sens dans son adaptation et part au front avec fierté et tous les honneurs qui lui sont dû, en délivrant un film magistral. Les imperfections existent bien sûr mais ne nuisent jamais à l’enthousiasme généré par un spectacle d’une ampleur juste incroyable. La générosité des frangins Russo, au travers de l’exploitation d’un ton beaucoup plus grave qu’à l’accoutumée, délivre ici une puissance épique formidable, provoquant un ravissement incroyable pour le spectateur. On sort de la salle, heureux, conquis et surtout, embarqué à nouveau dans le tumulte du MCU et de l’ouverture de cette nouvelle phase. En attendant leur colossal Avengers Infinity War, les réalisateurs prouvent pour la seconde fois, qu’ils magnifient les films Marvel et s’imposent comme un modèle et une référence à suivre.
Captain America: Civil War, de Anthony Russo et Joe Russo (2h28mn). Sortie nationale le 27 avril.
La critique de Phillipe Guedj, c’est par là.
C’est quoi ce publi-reportage déguisé en critique ? Je sais bien que la critique est un exercice où la subjectivité est de mise mais ça n’empêche pas l’auteur de justifier ses choix en matière de superlatifs.
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Pierre Alexandre Chouraqui >>> On oublie pourtant que lors d’une adaptation, ce n’est pas nécessairement sa fidélité absolue dans le matériau d’origine qui compte, mais bel et bien que l’on préserve son essence intact. Ce que non seulement les frères Russo accomplissent ici avec une maestria monstrueuse mais en plus, édifie Captain America Civil War au panthéon des films super-héroïques. Rien que ça.
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Qui ça ON ? Les geeks, les incultes, ceux qui vont voir ce genre de film sans avoir jamais ouvert le comic book en question ? Les fameux intégristes qui viennent se plaindre sur les forums que le matériau d’origine n’est pas respecté et qu’ils ne voient pas au nom de quoi ?
Effectivement une adaptation n’est pas par essence le résultat d’une fidélité absolue surtout d’un medium à un autre. Le langage de la bande-dessinée n’étant pas le même que celui du cinéma. Mais…
Néanmoins, il ne faut pas confondre adaptation et trahison. C’est parce que le titre Civil War est justement bien connu des profanes, même s’ils ne l’ont jamais lu que Marvel Studio reprend le titre en le vidant son essence. Le titre est juste un appeau à consommateur et un piège à cons.
A la base le comic book Civil War est un prétexte. Utiliser les Super-héros, non pas pour les voir se mettre sur la gueule – c’est secondaire – mais pour traiter de l’atteinte aux libertés individuelles au pays de la liberté via le Patriot act. Civil War est donc un titre au contenu politique qui voient s’affronter ce gros con servateur de Tony Stark et le défenseur des valeurs Américaines fondamentales, Captain America. En gros un milliardaire alcoolique et froussard qui va se réfugier dans le jupes du gouvernement fédéral contre l’incarnation même des valeurs des Pères fondateurs.
Civil war le film n’a gardé que le foutage sur la gueule de deux équipes de super-héros sur fond de loi pour réglementer l’activité des super-héros. Faudra m’expliquer où est passé l’enjeu politique et la critique de l’administration Bush du comic book. Mais venant d’un studio Conservateur comme Disney il ne fallait s’attendre à plus qu’une bagarre déclinable en équipes pour que les gamins en court de récré rejouent le film à l’aide de figurines ou de cartes. Le martelage marketing nous avait déjà mis la puce à l’oreille avec le « choisi ton équipe ».
Donc non, l’essence du comic book n’est pas du tout intacte. Je dirais même que le film arrive non seulement à vider le comic book de son essence mais pire rend l’enjeu débile. C’est la vacuité absolue. Juste un délire pour gosses attardés qui aiment voir de la destruction massive sur grand écran.
Quant aux superlatifs toutes les phrases de cette critique concernant la maestria des frères Russo on n’a pas dû voir le même film.
Cette critique est un pur foutage de gueule. Pour en lire une sur le site qui ressemble à quelque chose, qui est nuancée et pas juste une éjaculation nocturne de geek prépubère qui s’excite sur le moindre blockbuster dans lequel des images de synthèses se foutent des pains en se balançant des vannes pourries, rendez-vous là : https://dailymars.net/le-piege-marvel-critique-de-captain-america-civil-war-de-anthony-et-joe-russo/
J’attends avec impatience la version mongoloïde du Docteur.