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Les copines d’abord (critique de Bande de filles, de Céline Sciamma)

Les copines d’abord (critique de Bande de filles, de Céline Sciamma)

Note de l'auteur

BandeFillesAFFRegardons le côté plein du verre, le pari est à moitié réussi pour la réalisatrice de Tomboy, qui réalise un portrait de fille avec groupe aussi réjouissant que frustrant.

Pour son troisième film, Céline Sciamma brosse un nouveau portrait d’ados, posant sur un groupe de filles de banlieue parisienne le regard original et perçant qu’elle portait déjà sur les nageuses de La Naissance des pieuvres (2007) et la garçonne de Tomboy (2011). Au fil de cette trilogie de la féminité adolescente – ou au sortir de l’enfance concernant Tomboy – le propos affiche de plus en plus son féminisme, prenant comme cible le machisme accablant qui règne dans la cité où se déroule l’action, reflet brut de comportements répandus souvent plus sournoisement dans les autres strates de la société.

Marieme, 15 ans, passive et réservée, se heurte à la sentence de l’école, à la rigueur du quartier et à l’autorité abusive de son grand frère. Sa vie prend un tournant radical lorsqu’elle croise le chemin de trois filles libres et récalcitrantes qui l’intègrent dans leur bande et lui apprennent à dire “je fais ce que je veux !” Bande de filles est donc un récit d’apprentissage avec ses étapes habituelles qui conduisent le personnage de la prise de conscience au passage à l’acte, de l’ascension à la chute, de l’enfance à l’âge adulte. Il le fait avec talent, une direction artistique irréprochable et une mise en scène discrètement sophistiquée, équilibre délicat s’il en est. La stylisation de la forme contrastant avec le réalisme du motif permet à Céline Sciamma d’éviter le naturalisme – aujourd’hui, voyez-vous, le naturalisme au cinéma c’est mal, ne me demandez pas pourquoi – et de flirter avec une abstraction qui, à force de ritournelle entêtante composée par Jean-Baptiste de Laubier, déjà responsable de la musique des précédents films de la réalisatrice, finit par laisser une vague impression d’esbroufe.

Marieme, avant sa rencontre avec la bande.

Marieme, avant sa rencontre avec la bande.

Le grand risque était pourtant moins de sombrer dans le naturalisme que dans le communautarisme du “banlieue-film”, comme on disait maladroitement à l’époque de La Haine. Le piège est évité, mais c’est au prix du rejet du film choral sur le terrain duquel Bande de filles campait de manière bien réjouissante. Car dans la troisième partie, l’action se resserre autour de Marieme, qui tient certes le point de vue du spectateur depuis le début. Marieme est le fil conducteur du récit, et même son sujet, mais la bande des quatre en formait le moteur. En concentrant ses enjeux, Bande de filles perd en personnalité ce qu’il gagne en tenue, et garde le cap jusqu’au bout au détriment de son originalité, voire contre son intérêt. S’il conserve mieux que jamais son intrigue, il cesse de nous intriguer.

 

En salles le 22 octobre.

France. 1h50. Réalisé par Céline Sciamma. Avec Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Mariétou Touré, Idrissa Diabaté

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