
#Critique : De haut vol (Atlanta s2 / FX / OCS)
Après une longue attente – le temps de laisser à son créateur l’opportunité de jouer les Lando Calrissian dans le prochain Solo –, Atlanta est de retour pour une saison 2 affublée du qualificatif de « Robbin’ Season » ! Mais ne vous y fiez pas. Rien n’est dérobé ici, bien au contraire. Toutes les louanges et autres distinctions qui s’en suivront seront amplement méritées !
Dans le deuxième épisode de ce second opus, Earn (Donald Glover) accompagne son cousin rappeur Alfred (Brian Tyree Henry), répondant au nom de scène de Paper Boi, dans les bureaux d’une plateforme musicale. Le service en question n’est pas directement cité et même si l’on entrevoit un prête-nom, la couleur verte criarde des coussins du canapé évoque forcément Spotify. Glover, qui est aussi un artiste (Childish Gambino) sait de quoi il parle et ce détour est lourd de sens. En quelques scènes, l’épisode étale toute la force d’Atlanta. Un humour dévastateur, le choc des cultures, une piqûre de rappel du différentiel social et les formes insidieuses du racisme ordinaire. Non, Atlanta n’est définitivement pas une comédie ordinaire.
À bien des égards, la série créée, écrite, interprétée (et ponctuellement réalisée) par Glover se rapproche de Girls. Et le point commun de départ est tout trouvé puisqu’il y fit une apparition le temps de deux épisodes (en saison 2). Atlanta partage ce caractère de déversoir à toutes les pensées profondes ou légères de son créateur. Elle se construit également comme une chronique à la lisière de l’autobiographie en forme d’entonnoir si vaste qu’elle apparaît (à tort ou à raison) comme représentative. Si Lena Dunham (Girls) « s’autoproclamait » comme « la voix d’une génération », Glover reste néanmoins bien plus modeste, du moins en apparence.
Liberté. Car il ne semble pas y avoir de sujet qui puisse être étranger avec Atlanta dès lors qu’il répond aux contraintes locales. Une voiture invisible ? Un alligator ? Pas de problème. Tout cela trouvera naturellement sa place dans un épisode pour servir une thématique, bien sensée quant à elle, et notamment s’il s’agit des frontières ténues délimitant le périmètre des légendes urbaines.
Mais Atlanta exerce aussi une liberté de tonalité particulièrement singulière. On se souvient de l’épisode 7 (B.A.N.) en saison 1 dans lequel Paper Boi paradait au sein d’une émission à débat de société. Une satire aussi burlesque que signifiante pour un grand écart à l’opposé du politiquement correct.
Géographie. Prédisons un peu l’avenir : vous aurez sûrement l’occasion de lire, entendre et voir combien tout un chacun s’extasie devant Donald Glover, l’artiste total (et c’est, pour une bonne partie, très justifié). Mais Atlanta est l’œuvre d’au moins une autre personnalité importante. Il se somme Hiro Murai et on lui doit l’essentiel de la mise en scène des épisodes de la série. Nous soulevions ici la sobriété de son travail dès les débuts de la série. Depuis, Murai s’est brillamment signalé en tant que mercenaire sur d’autres productions de la chaîne (FX). Citons Legion et Snowfall pour, à chaque fois, des prestations saillantes.
Pour Atlanta, Murai retranscrit parfaitement les particularités d’un décor très spécifique, à la fois saturé en bétons et végétations, où cohabitent le délabrement de l’urbanisation et une nature qui n’a pas renoncé à imposer ses herbes folles. Un milieu dominé par les contrastes, totalement imprévisible pour des ambitions tout aussi imprévisibles.
Dans un long portrait pour le New Yorker, Glover confie toutefois qu’il n’envisage pas de prolonger très longtemps sa série. Il entrevoit « peu d’histoires disponibles » pour ses personnages. Faut-il y voir la modestie d’un créateur conscient de l’hérédité de ses choix, ou bien une authentique conscience de ses limites artistiques ? Quoi qu’il en soit, nous aurions bien tort de ne pas profiter des épisodes qu’il nous offre d’ici-là.
Pour n’avoir vu que les trois premiers épisodes, cette critique de saison 2 ne sera pas accompagnée de la note maximale, mais ce n’est pas passé loin.
ATLANTA (FX) Saison 2 en dix épisodes,
diffusés sur OCS CIty dès le 2 mars.
Série créée par Donald Glover.
Saison écrite par Donald et Stephen Glover (entre autres).
Saison réalisée (essentiellement) par Hiro Murai.
Avec Donald Glover, Brian Tyree Henry, Lakeith Stanfield et Zazie Beetz.
Visuel : Atlanta © 2018 FX Productions, LLC. All rights reserved.