
Critique de Jadotville
Netflix sort un nouveau téléfilm de luxe dans lequel de gentils Casques bleus irlandais buveurs de Guinness doivent survivre face à d’affreux légionnaires français amateurs de cognacs. Tout un programme…
Dernière production Netflix, Jadotville (The Siege of Jadotville en VO) narre la survie d’un escadron de Casques bleus irlandais durant le siège de leur campement au Congo en 1961. Moustache au vent, un Jamie Dornan (50 nuances de Grey) bien trop jeune pour ce rôle incarne Patrick Quinlan, commandant de ces hommes, et fait face à notre Guillaume Canet national, crâne rasé et tatouage de gros dur. Clinquant en apparence, le casting demeure l’un des problèmes principaux du long métrage, la faute à des choix étranges dans le design des personnages. Inspiré de faits réels, donc voulant coller aux événements historiques et aux hommes les ayant vécus, fallait-il affubler Jamie Dornan d’une moustache de motard, Mark Strong (Kingsman, Sherlock Holmes, Kick-Ass…) d’une perruque aux cheveux gras manquant de s’envoler à chaque coup de vent et grimer Guillaume Canet en ersatz de Tom Hardy ? Malgré ces handicaps, ils réussissent tant bien que mal à tirer leur épingle du jeu, exception faite d’Emmanuelle Seigner en veuve endurcie par les conflits, qui, malgré sa présence réduite à l’écran, déclame son texte avec moins d’entrain qu’un élève de CP récitant sa poésie.
En dépit d’une reconstitution assez juste de l’époque, l’ensemble manque cruellement d’ampleur, la faute à la mise en scène relativement plate de Richie Smyth (ancien clippeur, dont Jadotville est la première réalisation). Défaut particulièrement présent lors des scènes d’action qui ne parviennent jamais à faire ressentir l’intensité des combats échangés. Plutôt que se focaliser sur le récit de survie de ces hommes abandonnés par leurs supérieurs en milieu hostile et les rapports entre eux, le scénario finit malheureusement par s’égarer dans les méandres de discussions téléphonico-politiques et perd ce qui aurait pu être l’intérêt principal du film. Dans son désir de réalisme, aucun soldat irlandais n’a perdu la vie lors de ce siège, le déroulement de l’assaut finirait presque par prêter à sourire : côté Casques bleus ou légionnaires français, les soldats tirent tous avec une justesse de stormtroopers myopes sous THC. Au premier assaut sur le village tenu par les Irlandais, dix bonnes minutes d’échange de coups de feu se passent avant que les premiers hommes ne soient touchés et tombent à terre.
Traités pour la première fois à l’écran, les événements de Jadotville, véritable Fort Alamo des temps modernes, offrent malgré tout une fraîcheur dans ce genre ultra-calibré qu’est le film de guerre même si en dehors de cela, le long métrage reste loin de ses glorieux aînés. À l’exception de Jason O’Mara (Life on Mars US, Terra Nova), le scénario laisse peu de places aux soldats, empêchant par là même l’attachement que l’on pourrait ressentir à leur encontre et enlevant toute tension lors des nombreuses séquences d’assauts, peu aidé il est vrai par la réalisation fade de Richie Smyth.
Nouvelle incursion de Netflix dans la production cinématographique, Jadotville s’avère moins catastrophique que ces prédécesseurs mais est loin d’entrer dans le panthéon des films de guerre. À voir pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de ces événements mais les autres peuvent (doivent) passer leur chemin.
Disponible sur Netflix depuis le 7 octobre.
2016. Irlande/Afrique du Sud. Réalisé par Richie Smyth. Avec Jamie Dornan, Guillaume Canet, Mark Strong…