Critique de Love de Gaspar Noé (Festival de Cannes 2015)

Critique de Love de Gaspar Noé (Festival de Cannes 2015)

Note de l'auteur

thumb-2Love de Gaspar Noé a déjà fait parler de lui plus d’une fois en créant l’attente à l’aide de ses affiches choc ! Mais qu’en est-il de ce film porno sentimental 3D annoncé comme une claque cinématographique ? Beaucoup de bruit pour rien ? Ou réelle production indécente ?

Un 1er janvier au matin, le téléphone sonne. Murphy, se réveille entouré de sa jeune femme et de son enfant de deux ans. Il écoute son répondeur. Sur le message, la mère d’Electra lui demande, très inquiète, s’il n’a pas eu de nouvelles de sa fille disparue depuis longtemps. Elle craint qu’il lui soit arrivé un accident grave.
Au cours d’une longue journée pluvieuse, Murphy va se retrouver seul dans son appartement à se remémorer sa plus grande histoire d’amour, deux ans avec Electra. Une passion contenant toutes sortes de promesses, de jeux, d’excès et d’erreurs…

Le challenge est clair ici, il est même énoncé dans les dialogues du film : faire un film avec du sperme, des larmes et du sang. Tout un programme donc.

Sous ses allures de film porno, Love dépeint avec justesse une histoire d’amour, le sentiment de perte, de jalousie, ainsi que la sensation d’impuissance face à une vie que l’on a pas choisie. Ces scènes qui auraient pu être gratuites, exhibs et un peu too much, semblent trouver leur place dans la narration de cette histoire de couple finalement assez universelle. Car tout le monde peut se retrouver à un moment ou un autre dans ces attitudes d’amour destructrices auxquelles sont en proie les personnages. Murphy et Electra nous renvoient à nos démons, à nos espoirs sans jamais que l’on reste en dehors de l’histoire. Gaspar Noé nous intègre dans la tête de Murphy en nous gratifiant de ses pensées en voix off et provoque chez nous une empathie directe au personnage et à l’histoire. On ne peut que compatir à l’impuissance de cet homme qui s’est piégé lui même dans un destin qu’il n’a jamais désiré. La thématique du couple et de son étiolement est traitée avec une grande justesse à l’aide de ces paradoxes de pensées que l’on ne connait que trop bien (comment expliquer qu’on se lasse de quelqu’un qu’on aime profondément ? Sommes-nous fait pour être exclusifs ? Comment gérer une jalousie dévorante ? Une relation amoureuse passionnelle est-elle forcément destructrice ?)

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Sans jamais se prendre au sérieux (coucou les blagounettes de Gaspar et son apparition que l’on qualifiera de « top moumoute »), Love étonne par son humour et sa construction narrative. C’est une histoire désassemblée dont on recolle les morceaux petits à petits comme si on ramassait les morceaux de cette relation brisée.

La mise en scène est convaincante. On observe une maitrise graphique et visuelle totale. Les couleurs hyper saturées thumb-4donnent aux plans des allures de photos figées dans le temps. L’effet d’image noire très brève fait penser à un clignement de notre oeil et joue sur notre perception de la scène. L’utilisation de grand angle donne l’impression que la magnifique Aomi Muyock possède des jambes interminables. Le choix d’acteurs inconnus est forcément malin, impossible d’identifier ces derniers à qui que ce soit, ils SONT Murphy et Electra. L’aspect très esthétisants des scènes « porno », ou érotiques dirons nous, pose une distance et ne choque pas tant que ça au final. Dans ce sens, on regrette de s’être fait tout un monde à partir d’une technique marketing choquante et bien rodée. Finalement, la caméra d’ Abdellatif Kéchiche dans les trous de nez d’Adèle choque plus que celle de Noé planant au dessus de ses comédiens.

Love est donc un challenge cinématographique réussi et nous prouve qu’il faut se méfier du battage médiatique autour de trois pauvres affiches créées pour faire scandale.

Love, France-Argentine, (02h15), réalisé par Gaspar Noé, avec Kari Glusman, Aomi Muyock, Klara Kristin.

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