
Rage de glace (critique de Refroidis, de Hans Petter Moland)
Humour noir et paysages immaculés, sang chaud et meurtres de sang froid… Norvège, terre de contrastes !
Un vieux proverbe klingon prétend que la vengeance est un plat qui se mange froid, les hivers norvégiens sont donc particulièrement adaptés à qui veut se faire justice. Lorsqu’il découvre que le décès de son fils par overdose cache une exécution perpétrée par la pègre, Nils, modeste conducteur de chasse-neige, citoyen exemplaire, père tranquille et mari idéal, se mue en justicier enragé et remonte la piste des criminels en semant les cadavres sur son passage jusqu’à défier un paranoïaque, drôle et terrifiant – et végétalien – baron de la drogue surnommé Le Comte. Les mafieux, dont l’assurance n’a d’égale que l’immaturité, n’imaginent pas qu’un cave comme Nils puisse orchestrer une telle hécatombe. Ils se persuadent alors d’être la cible de la concurrence serbe et déclenchent bien malgré-eux une guerre des gangs qui purge le pays de ses canailles. Les acolytes de Pål Sverre Hagen dans le rôle du Comte et de Bruno Ganz, laconique et impérial en chef de la mafia serbe, s’entretuent allègrement sous le regard indolent d’un Stellan Skarsgård parfait dans le rôle de Nils, et devant la caméra pince-sans-rire du réalisateur Hans Petter Moland dont on avait déjà pu apprécier l’humour et la précision de la mise en scène avec Un chic type (2009).
Plus qu’une comédie policière, Refroidis joue la carte tragicomique aux frontières de l’absurde où les personnages s’emberlificotent avec le plus grand sérieux dans un piège qu’ils se tendent à eux-mêmes, une comédie macabre rythmée par le décompte des cadavres qui s’empilent au fond d’un ravin. Si l’on craint un temps que le procédé (qui donne au film son titre international In Order of Disappearance) ne soit trop systématique, le film évolue heureusement grâce à ses personnages barrés et assez stupides. Le contraste entre leurs caractères et leurs agissements produit un effet comique d’autant plus dévastateur qu’il procède avec une distance et une décontraction qui donnent son ton au film. Allant parfois jusqu’à ralentir ses plans, le réalisateur impulse à Refroidis le rythme imperturbable d’une mécanique qui avance vers une issue sanglante, délicatement nonsensique et toujours drôle.
En salles le 24 septembre.
Kraftidioten. 2014. Norvège / Suède / Danemark. 1h55. Réalisé par Hans Petter Moland. Avec Stellan Skarsgård, Bruno Ganz, Pål Sverre Hagen, Birgitte Hjort Sørensen…