
On a lu… Deadly Class (T.1) de Rick Remender et Wes Craig
Quand Rick Remender s’éloigne de Marvel pour revenir dans les terres de la création personnelle, il nous offre toujours de belles choses telles que cette rencontre improbable entre l’école de Poudlard et la série Oz. Excitant n’est-ce pas ? Et le mieux c’est que cela débouche sur une histoire excellente. Bienvenue à l’École Kings Dominion des Arts Létaux où l’on forme les assassins de demain.
Égaré dans la vallée infernale, notre héros s’appelle Marcus. Produit rejeté de l’Amérique des années 80, le voilà errant dans les rues de San Francisco en quête d’un peu de nourriture afin de survivre un jour de plus. Le jeune adolescent n’a aucun avenir devant lui jusqu’au jour où les circonstances l’amènent à rencontrer un groupe de lycéens et le directeur de leur école. Un établissement spécial qui forme des assassins mais au sein duquel la vie est aussi pourrie que dans un lycée normal.
Deadly Class, c’est avant tout une atmosphère unique comme seules quelques œuvres peuvent nous l’offrir. Débutant lentement sur le quotidien d’un garçon sans domicile fixe, la série va nous prendre soudainement à la gorge pour nous plonger dans une action sans retenue. Mise en image avec maestria par un Wes Craig qui déconstruit soudainement un gaufrier très classique, le dessin devient une véritable tornade qui fait fi des angles et des lignes droites. Un pur régal renforcé par une colorisation soulignant fort justement les changements de ton et d’état d’esprit de Marcus. Orphelin de parents victimes indirectes d’une politique d’exclusion, celui-ci va être le référent d’un lecteur plongé dans un monde nouveau tant sur le lieu (un lycée secret) que l’époque. Période subissant un revival nostalgique incompréhensible (sans déconner faut vous faire la liste des horreurs vestimentaires, des merdes musicales et des étrons cinématographiques pour que vous arrêtiez d’enjolivez une époque ?), elle n’en reste pas moins historiquement importante et représentée par une figure tutélaire : le président Ronald Reagan.
Objet de la haine de Marcus, son meurtre deviendra le moteur pour l’adolescent en perdition qui voit dans cet établissement le moyen d’atteindre son but. Encore faut-il pouvoir survivre à cette institution. Si prendre cette difficile période et ce lieu charnier dans la vie de tout un chacun pour jouer avec plusieurs symboliques n’est pas chose nouvelle (on pense bien sûr en premier lieu à Buffy, The Vampire Slayer), force est de constater que Rick Remender y apporte à la fois son talent d’écrivain et une certaine rage qu’on sentait transparaître dans ses récits ultérieurs. Car l’École Kings Dominion des Arts Létaux n’est clairement pas le lieu où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Bien au contraire. Dès le deuxième épisode, le cadre est posé entre l’emploi du temps chargé de cours aussi sophistiqués que celui sur la décapitation et un communautarisme prononcé entre groupe de lycéens rejetant celui qui n’est pas de leur clan. Les Bourges, la mafia Dixie, Soto Vatos, Les rois de Jersey, le dernier ordre mondial ou bien encore le syndicat Kuroki… en voici quelques-uns qui arpentent les couloirs du lycée de la même manière que les différents gangs arpentent les couloirs de la prison d’Oz.
Au milieu de ce microcosme, Marcus va tenter vainement de trouver sa place, lui qui se considère comme un paria chez les parias. Alter ego de Rick Remender dont on sent l’investissement profond dans la création, le jeune homme porte en lui tous les doutes et problèmes de la génération de son époque portée par le rock punk, la drogue, l’envie de renverser les choses mais aussi de retrouver la sérénité et la paix. Tiraillés par toutes ces contradictions, lui et ses jeunes camarades ne sont pas plus différents que les autres. Quel que soit le lieu ou l’époque. Le périple à Las Vegas qui fait office de deuxième partie à l’album permet, en s’éloignant du cadre de l’école, de plonger encore plus dans l’errance de cette génération perdue.
On pense en effet au film de Joël Schumacher, à Breakfast Club ou bien encore à la série Buffy par son cadre, elle aussi, du lycée et du passage à l’âge adulte. On pense à beaucoup d’œuvre. Mais Deadly Class est unique et fait résonner une musique bien à elle sortant du tréfonds de l’histoire d’un auteur brinquebalé durant sa jeunesse. Si Rick Remender semble totalement à bout de souffle dans son travail pour Marvel, il démontre qu’il a encore beaucoup de choses à sortir dans ses projets personnels.
Deadly Class – Tome 1 : Reagan Youth (Urban Indies, Urban Comics, Images) contient les épisodes US de Deadly Class #1 à #6
Ecrit par Rick Remender
Dessiné par Wes Craig
Prix : 10,00 €