On a lu… Denver & Other Stories

Note de l'auteur

Ne jamais juger un livre d’après sa couverture est un credo que tout lecteur devrait porter en lui. Mais dans le foisonnement des sorties, cela est bien difficile. Avec Denver & Other Stories, Glénat Comics nous montre que le marketing ne rend pas toujours service à une œuvre.

En choisissant de mettre une couverture de Painkiller Jane #1 – Everything Explodes! signée Amanda Conner, l’éditeur français espère bien attirer les amateurs de la délurée Harley Quinn. Malicieusement construite, elle donne à croire au lecteur qu’il va se retrouver face à une émule de la partenaire du Joker servie par la même équipe créative. Non seulement il n’en est rien, mais l’épisode de Painkiller Jane est le plus anecdotique (en termes de pages et d’intérêts) dans ce qui se trouve être un recueil d’histoires écrites par Jimmy Palmiotti.

Débutant par une introduction passionnante de l’auteur dans laquelle celui-ci raconte sa vie, Denver & Other Stories propose en fait au lecteur une compilation de deux récits : Denver, Trigger Girl 6 ainsi que les dix premières pages de Painkiller Jane. S’il est compréhensible d’un point de vue marketing, le choix de mettre en avant cette dernière risque de décevoir des lecteurs qui n’y trouveront pas leurs comptes. On avoue notre incompréhension face à cette maquette-là où une proposition plus franche en tant qu’anthologie de l’auteur aurait gagné en clarté et n’aurait pas desservi deux excellents récits.

Car si Painkiller Jane brille par ses excès de cul et son absence d’intérêt, Denver et Trigger Girl 6 sont autrement plus excitants. Dessiné par Pier Brito (Lobo), Denver est un polar classique à première vue centré sur le chantage envers un garde-côte par un groupuscule terroriste. Toute la particularité du récit étant alors son contexte. Située dans un futur post-apo qui a vu la ville de Denver devenir la seule cité encore immergée après une titanesque montée des eaux, l’aventure de Max Flynn prend racine dans le cinéma de science-fiction des années 70/80. Des films comme Soleil vert ou Blade Runner nous viennent ainsi tout de suite en mémoire à la lecture de ce récit complet. Cultivant cette même capacité à décrire un univers fantastique servant de cadre à un récit policier, l’histoire de Jimmy Palmiotti et Justin Gray nous séduit par son rythme, ses personnages bien caractérisés (en tête le duo Max Flynn et Jane Duke dont les relations ambiguës font beaucoup dans le charme de la série) et une intrigue palpitante.

Alors que Denver nous décrit une ville ayant mis en place une politique d’immigration drastique pour causes de ressources limitées créant par la même une atmosphère sombre et anxiogène, Trigger Girl 6 prend un chemin différent avec une aventure pleine de couleurs servie par un Phil Noto fidèle à lui-même (comprenez donc que si l’ensemble est bon, le dessinateur commet quand même quelques horreurs). Là encore, la teneur écologique du récit renvoie à tout un pan de la science-fiction. Mais là où Denver prenait le temps de poser son intrigue, Trigger Girl 6 est un condensé d’actions trépidantes et sans temps morts mettant en scène la tentative d’assassinat du président des États-Unis par une mystérieuse et incroyable agent secrète.

Deux récits pour deux tempos différents mais avec des points communs permettant de mieux cerner les préoccupations d’un scénariste de plus en plus en vue. On regrette donc d’autant plus la mise en avant d’un troisième récit anecdotique et une présentation qui dessert beaucoup les histoires. Ne jamais juger un livre d’après sa couverture est un credo que tout lecteur devrait porter en lui. Cela est d’autant plus vrai avec Denver & Other Stories et, passer au-delà d’une présentation exagérée, c’est se garantir le plaisir d’une lecture de deux bonnes histoires.

Denver & Other Stories (Glénat Comics, Glénat, Paper Films) contient les épisodes US de Denver, Trigger Girl 6 et Painkiller Jane.

Ecrit par Jimmy Palmiotti et Justin Gray

Dessiné par Pier Brito, Phil Noto et Lee Moder

Prix : 16,95 euros