#Critique: Electric Wizard – Wizard Bloody Wizard

#Critique: Electric Wizard – Wizard Bloody Wizard

Note de l'auteur

Tremblez mortels ! Après un interminable silence de plus de trois ans depuis la parution de l’indispensable Time to Die, Electric Wizard est de retour avec les pires intentions du monde. Au programme, torture psychologique, apologie de substances illicites et de pratiques sexuelles déviantes, bacchanales avec le grand fourchu et surtout, une musique brute à défaut d’être brutale, angoissante et sombre, aussi terrifiante que le pire des cercles de l’enfer où elle a pris sa source…

Mais avant tout, un peu de provocation voulez-vous ? Comment qualifier la musique d’Electric Wizard ? De l’avis général, il s’agirait d’un mélange de doom metal (variante plus lente et oppressante du heavy metal) et de stoner rock (même famille avec une grosse dose d’hallucinogènes en plus). Si on pose la question à Jus Oborn, chanteur et âme (damnée) du groupe, il vous dira, entre deux bouffées d’une odorante herbe qui ne pousse pas en Provence, qu’Electric Wizard est un groupe de rock, point à la ligne.

Votre serviteur a une autre opinion sur la question, car Electric Wizard est peut-être bien le seul groupe de black metal digne de ce nom.

On est méchants… et pas gentils aussi !

Parce qu’enfin, qu’est-ce que le black metal ? Vaste question, qui divise les fans comme les artistes depuis que Venom a donné ce titre à leur mythique premier album, évolution naturelle d’un punk rock décadent vers une musique plus violente et plus spirituelle à la fois en raison des thèmes abordés et de l’univers graphique adopté.

Depuis, le terme désigne majoritairement des groupes à dominance scandinave, portant force maquillage, adeptes de mises en scène parfois très recherchées, rivalisant d’agressivité derrière les fûts, ayant conservé une certaine affection pour le père Lucifer ainsi que les légendes nordiques (pour les meilleurs), ou malheureusement, on se doit de le préciser, une inclinaison vers les thèses prônant la suprématie de la race blanche (pour les pires).

Rien de tout cela chez Electric Wizard si ce n’est une complicité affichée avec le malin et sa ribambelle de minions cornus, et pourtant l’auteur de ces lignes persiste et signe.

Electric Fucking Wizard

Parce que noirceur ne veut pas dire violence. Parce que les ténèbres ne sont pas synonymes d’outrances. Parce qu’il n’y a pas besoin de se maquiller comme un monstre pour pratiquer une musique monstrueuse. Parce qu’enfin, l’ami Mephisto par son omniprésence dans la musique depuis que Robert Johnson s’est décidé à franchir le pas à la croisée des chemins mérite mieux qu’une bande de guignols peinturlurés vomissant du sang synthétique pour faire passer son message ! Le gars Satan est un mec inquiétant et dangereux, et ça, Electric Wizard l’a bien compris.

Or Wizard Bloody Wizard ne nous propose pas autre chose. En six titres et à peine 43 minutes de musique, Electric Wizard nous offre un aller simple vers l’enfer, la bande originale idéale d’un film d’horreur où le diable tiendrait le premier rôle. Ici, point de légende, point de folklore, le groupe nous raconte une vérité ancrée dans notre quotidien, à savoir que le démon vit parmi nous, que l’homme est son sujet de prédilection et la mort son jouet favori.

Jus Oborn

See You in Hell annonce clairement la couleur en nous réservant cependant une petite surprise, une production limpide à laquelle le groupe ne nous avait pas accoutumés, doublée d’une ambiance bluesy également inhabituelle. On se rapproche plus que jamais du modèle originel de Jus Oborn, Black Sabbath, une filliation déjà assumée pleinement par le titre de l’album, référence directe au Sabbath Bloody Sabbath d’Ozzy & co, paru en 1973.

Necromania poursuit dans la même veine diaboliquement vintage, une veine sanglante à souhait pour un morceau étonnamment accessible. Electric Wizard deviendrait-il mainstream ? Loin s’en faut, nous sommes toujours en présence d’une musique à ne pas mettre entre toutes les oreilles… La différence vient en grande partie du travail effectué par le groupe dans leur propre studio pendant l’enregistrement de l’album.

Jus Oborn explique :

C’est anti-studio en définitive… Nous voulions mettre le moins de distance possible entre le groupe et la bande. On avait besoin d’éliminer le superflu et d’utiliser le moins d’équipement possible, parce que je pense que le son brut du groupe est mortel !

Il conclut :

Les studios ont progressivement rendu le processus d’enregistrement plus difficile et complexe. J’ai toujours pensé que les meilleurs enregistrements sont les plus simples et les plus basiques. Alors, ouais, on s’est construit le studio qu’on voulait… Des micros, une console, un magnéto…et c’est tout ! No Bullshit !

Et le résultat est là. Moins d’effets, plus d’efficacité ! De l’ambiance terriblement oppressante de Hear the Sirens Scream à l’orgue lugubre de The Reaper en passant par l’épique et hypnotique Mourning of the Magicians, Electric Wizard signe avec Wizard Bloody Wizard une immense réussite. À la fois sombre et brillant, cru et sophistiqué, cet album est la réponse idéale à un monde de plus en plus aseptisé.

De l’avis même du principal intéressé :

C’est une thérapie de choc mais le monde a subi un tel lavage de cerveau et se fait tellement chier qu’il a besoin d’être secoué. The Man nous endort et nous tue petit à petit avec sa technologie et ses mensonges… Il est temps de rendre les coups.

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