#Critique Et maintenant nous sommes en vie

#Critique Et maintenant nous sommes en vie

Note de l'auteur

Quand le cinéma français souhaite se renouveler, il ne s’en donne jamais les moyens. Ainsi, malgré un budget dérisoire, Thibault Arbre accouche d’une dystopie réfléchie et émouvante, quoique inégale et superficielle.

et-maintenant-nous-sommes-en-vie-afficheNous sommes dans un futur proche, dans une société que nous semblons reconnaître et qui pourtant, est différente. À l’âge de 25 ans, les hommes doivent choisir la fille idéale, les yeux bandés, au simple son de sa voix. Après quoi ils devront enquêter pour la retrouver avec pour unique souvenir, la tessiture charnelle de leurs futures femmes. Nous suivons alors Tom, dont le destin viendra à subir cette quête de l’épouse imaginaire, après avoir choisi sa dulcinée. Durant ses recherches, il la fantasmera, la nommant même Jeanne et imaginant son physique dans sa psyché torturée. C’est alors que Léa apparaît et lui annonce qu’elle est sa voix et donc son épouse, ce que Tom réfute, continuant son errance mentale pour retrouver Jeanne.

En y réfléchissant bien, la contre-utopie est un genre redoutable. Entre pamphlets sociétaux aigus (l’immense Fahrenheit 451 de Truffaut) et annonces d’apocalypses humanitaires (le tout aussi brillant La Jetée de Chris Marker), c’est bien le style de long métrage à creuser les méninges d’un spectateur français, doucement hypnotisé par des comédies salaces ou des drames parisiens larmoyants. Malgré tout, certaines institutions se résignent à changer, les financements peinant à tomber pour des projets originaux, préférant s’allouer à des valeurs sûres.

Malgré tout, c’est plein de courage et de volonté que le jeune Thibault Arbre se lance dans un projet ambitieux et simple : imaginer une société sous un angle différent. Tous les ingrédients sont donc présents, notamment les personnages abrutis par des directives qui les dépassent ou encore l’éternel révolte mentale du héros, montrant la force du libre arbitre face aux institutions autoritaires. On pourra reprocher un manque d’engagement politico-social, surtout dans un cadre où même l’amour et la raison sont emprisonnés, mais les efforts sont présents, notamment dans les réflexions pertinentes que sous-entendent une telle épreuve. La passion amoureuse se retrouve magnifiée, dans sa toute-puissance singulière et fédère ainsi la force de décision et la volonté d’émancipation sentimentale. Une puissance parfaitement retranscrite grâce aux talents de ses têtes d’affiches (l’étonnant Charles Lemaire et l’angélique Victoria Oberli) ainsi que la partition musicale poétique et lancinante du long métrage.

Cependant, bien que le talent évident de Thibault Arbre et la volonté quasi chevaleresque de s’essayer à la dystopie soit louable, il n’en reste pas moins que le budget limité plombe un film qui ne brille pas par son image. Entre la photographie approximative, les cadrages dignes d’un (mauvais) téléfilm M6 importé d’Allemagne ou encore le rythme parfois assommant du récit, force est de constater que la jeunesse et l’inexpérience planent sur le premier long métrage du réalisateur. Ces erreurs empêchent l’œuvre d’être marquante, quand le genre prêtait justement au contraire. Dommage, notamment face aux fourmillements d’idées narratives que propose Et maintenant nous sommes en vie, dans son errance psychique fantasque.

Contre-utopie engagée au scénario astucieux, Et maintenant nous sommes en vie s’avère aussi réjouissant dans son fond qu’il reste décevant dans sa forme. Présenté dans le cadre du PIFFF, reste à espérer que ce long métrage permette de faire fleurir de nouvelles œuvres originales et d’éveiller les consciences quant au modèle de financement du cinéma français.

Et maintenant nous sommes en vie
De Thibault Arbre (France ; 2016) 1h37
Avec Laure Haulet, Charles Lemaire, Victoria Oberli

Produit par Title Media. Disponible en VOD le 1er octobre 2016

Et Maintenant Nous Sommes en Vie – Teaser from Thibault Arbre on Vimeo.

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