
Critique : Everybody Knows
Mater Dolorosa, Penélope Cruz pleure pendant deux plombes à la recherche de sa fillette kidnappée. Sous le soleil ibérique, un mélo lacrymal et convenu, un Farhadi tout petit.
Grosse saga viticole sous le soleil ibérique, Everbody Knows sent le téléfilm qui tâche, la telenovela industrielle. Ça commence TRÈS mal et ce dès le générique. Le cinéaste iranien Asghar Farhadi a tellement confiance en son spectateur qu’il signe une série de plans sur-signifiants sur le mécanisme grinçant d’un clocher, métaphore du destin inéluctable qui broie les êtres, du temps qui passe… Bref, on n’est pas là pour rigoler…
Débarquée d’Argentine avec ses deux enfants, Penélope Cruz rentre en Espagne pour le mariage de l’une de ses sœurs. On picole, on mange des tapas, on danse le flamenco : ce n’est plus un film, mais une pub du syndicat d’initiative de Castille, sublimée par l’image du chef op d’Almodovar. Mais bon, Asghar Farhadi n’est pas vraiment un auguste plaisantin et il va bientôt te mettre le seum. Lors de la fiesta, l’ado de Penélope disparaît, s’ensuit une nuit d’angoisse, avant une mystérieuse demande de rançon. Passé le choc, la cellule familiale va exploser, tout le monde soupçonnant… tout le monde, et les vieilles haines recuites refont surface. Ce n’est pas follement original et Farhadi, en toute petite forme, s’offre un twist asthmatique. Pour le reste, le réalisateur a oublié le trépied de sa caméra et le cadre bouge pendant plus de deux plombes. Lors de moments particulièrement pénibles, je me suis surpris à contempler ce cadre flottant, tenu par un opérateur ivre, perdu dans ses rêveries. De leurs côtés, les acteurs font ce qu’ils peuvent. Penélope en Mater Dolorosa se frotte les yeux entre deux tremblements d’effroi venus des années 50. Javier Bardem s’en sort un peu mieux, même s’il n’est pas aidé par les dialogues. La palme à Ricardo Darin, très constipé, qui balance des platitudes comme « J’ai demandé à Dieu de me tuer ou de me sauver ». Au secours ! Parce que Farhadi est un AUTEUR, il y aussi quelques considérations sur les étrangers ou même Dieu, avec en final le plan symbolique d’un employé municipal nettoyant une croix au Karcher. Bobo la tête !
Sorti de la salle, j’avais déjà oublié ce pathétique Everybody Knows, qui laisse dubitatif sur le reste de la compétition de ce 71e festival de Cannes. Et surtout sur la suite de la carrière de Farhadi qui, – rappelez-vous – a quand même signé des merveilles comme À propos d’Emily, La Fête du feu ou Une séparation.
Everbody Knows
Réalisé par Asghar Farhadi
Avec Penélope Cruz, Javier Bardem et Ricardo Darin
Sortie en salles le 8 mai 2018
Effectivement, j’en suis moi-même ressorti avec un sentiment… de rien. D’eau tiède. Rien ne reste en tête une fois le générique avalé. Etrange chose, mal (ou pas) écrite, plus ou moins jouée. Aucun élément vaguement original dans cette histoire d’enlèvement. La famille implose ? Même pas vraiment. Le trauma originel qu’on nous promet (trop) longtemps n’est qu’un pétard mouillé. On pourrait se dire « oui, mais ce qui intéresse le réal, c’est moins l’histoire d’enlèvement que les gens eux-mêmes ». Sauf que les personnages sont inconsistants au possible.
Seul moment un tant soit peu intense (mais forcé) : le regard de la mère sur sa fille dans la montée d’escalier, où tout est révélé. A mon sens, c’est là que le film aurait dû commencer, pour explorer cette idée « comment vivre dans une famille après avoir fait ce qu’on a fait ». Bref, une totale déception. Même 2/5 me paraît une note très très favorable !