
On a lu…Ex Machina (T.4) de Brian K. Vaughan et Tony Harris
Il aura fallu neuf années d’attente mais, enfin, voici que débarquent en France les épisodes inédits d’une des séries les plus importantes de Brian K. Vaughan. L’attente valait-elle le coup ? Clairement oui.
Mitchell Hundred, cet ancien super-héros capable de contrôler les machines devenu aujourd’hui le maire de New York, n’a pas le temps de s’ennuyer. Entre une visite au Vatican, un entretien avec des auteurs de bandes dessinées pour la création d’un comic sur sa vie et la traque d’une fan un peu timbrée, l’homme le plus important de la Grosse Pomme est partagé entre la satisfaction du travail accompli et la frustration face à la lenteur administrative et des chantiers à mettre en place. Un sentiment de plus en plus important qui le pousse à embrasser une nouvelle destinée.
Si Ex Machina peut sembler bien éloignée de la saga post-apocalyptique ou du space opera, elle n’en reste pas moins l’œuvre la plus facilement représentative d’un auteur intéressé par la politique au sens premier. Que ce soit dans Y, le Dernier Homme ou bien Saga, Brian K. Vaughan nous parle de systèmes politiques, les questionne et les confronte à des événements exceptionnels tout en gardant l’individu au centre de son échiquier. C’est ce rapport entre l’humain et la société auquel il appartient qui rend passionnant les œuvres les plus marquantes du scénariste. On reste peu surpris de le retrouver dans l’équipe d’une série tout aussi intéressée par ces questions, à savoir Lost. On retrouve d’ailleurs dans Ex Machina cette capacité à jongler avec les flash-backs, ce qui fait le charme de la série.
De la série télévisée, on pense également à À la Maison Blanche. En suivant les aventures de ce maire, c’est une partie des arcanes de la ville de New York qui nous sont dévoilées. Mais loin de vouloir faire un documentaire sur le sujet, Brian K. Vaughan et Tony Harris préfèrent poser un parallèle intéressant entre la figure de l’homme politique et celui du super-héros, deux personnages se regroupant sous l’image de l’homme providentiel. Plus que dans les précédents épisodes, c’est la question des limites de tels individus (et des structures autour d’eux, voire des personnes croyant en elles) qui est posée. Tout au long des onze épisodes de ce volume, Mitchell Hundred (cet ingénieur porté par un pragmatisme teinté de social) se retrouve à devoir gérer une ville avec une impuissance grandissante. En noir et blanc (Ex Machina #35) est à ce titre un des exemples les plus parlants jouant à la fois sur cette frustration ainsi que sur la complexe question de la culpabilité du Blanc envers les Noirs.
Avec Au nom de la loi (Ex Machina #34), il est également un des rares épisodes bouclés faisant office de pause entre deux arcs tout en développant parfaitement les multiples personnages secondaires qui font la richesse de la série. Telle la découverte du passé du commissaire Angotti ainsi que son rapport avec Hundred du temps où ils furent opposés. On passera rapidement sur Sans pitié (Ex Machina #40) qui clôture le tome dans une sorte de mise en abîme du travail des auteurs. Même si c’est très drôle (on ne peux s’empêcher d’y voir une certaine parodie de l’exercice), il n’en reste pas moins anecdotique (voir fatiguant pour peu qu’on ait un peu soupé des récits métaproutprout et de leurs interprétations jouissives par une frange critique semblant y voir dedans l’alpha et l’oméga d’un bon récit).
Les deux arcs principaux de ce volume, quant à eux, vont rester dans la tradition de la série et jouer habilement du récit politique et du récit super-héroïque. Bien qu’intéressant, l’arc du Vatican reste quand même assez lourd dans son propos et son traitement et, bien que la conclusion soit attendue, elle arrive tout de même comme un cheveu sur la soupe. Heureusement, l’arc de la convention Républicaine et de la perturbatrice Grabuge permet de faire remonter l’ensemble. En nous présentant une sorte d’Harley Quinn (revue et corrigée par un Tony Harris toujours aussi incroyable au dessin) et en posant la question de l’avenir politique d’Hundred ainsi que des rapports de force et diplomatiques entre des hommes opposés, la série revient dans toute l’ambiguïté qui fait sa force.
Mise en pause par Urban (probablement face à des ventes décevantes, merci à toi lecteur), il est vraiment agréable de voir enfin arriver la suite d’une des séries les plus passionnantes et originales de la BD américaine. Cerise sur le gâteau, la suite ne va pas tarder. Rendez-vous en août pour la fin du mandat de la Grande Machine.
Ex Machina – Tome 4 (Vertigo Essentiels, DC Comics, Vertigo) comprend les épisodes US de Ex Machina #30 à #40
Écrit par Brian K. Vaughan
Dessiné par Tony Harris
Avec la contribution de Garth Ennis, Jim Lee et Richard Friend
Prix : 22,50 euros