
#Critique Fantastic Birthday
En Australie, une ado introvertie commence à paniquer à l’approche de l’anniversaire de ses 15 ans. Une comédie pop et colorée sur la fin de monde de l’enfance, sous influence de Wes Anderson.
C’est un petit film, fragile, magique et beau. Premier long métrage de Rosemary Myers, une réalisatrice australienne, c’est une fable pop et colorée sur la puberté, et la révélation d’un talent insolent. Le pitch est pourtant minimaliste. Greta va avoir 15 ans. Introvertie et timide, elle est plus intéressée par les origamis que par ses copains d’école. Surcouvée par des parents gentiment allumés, courtisé par un geek en uniforme jaune, elle a du mal à s’intégrer et est la tête de turc d’une bande de garces, les filles les plus populaires de son collège. Quand sa mère décide de lui préparer une fête pour son anniversaire, c’est la panique. Greta se réfugie dans sa chambre et se retrouve bientôt propulsée dans univers parallèle peuplé de monstres et de créatures improbables.
À l’origine, Rosemary Myers mettait en scène des pièces de théâtre sur l’adolescence. Inspiré de ses spectacles, le scénario, à la fois drôle et touchant, égrène les symboles comme le Petit Poucet. Nous sommes en Australie, dans les années 70, et avec un ton étonnement décalé mais constamment juste, le scénariste signe une série de vignettes hilarantes mais bienveillantes sur une gamine attachante qui va devoir quitter le monde de l’enfance. Puis, quand la fête bat son plein, le film entame un virage à 180°. Telle Alice dans le terrier du lapin blanc, Greta se retrouve propulsée dans une forêt magique, dans des décors expressionnistes. Le côté sucré de l’entreprise se teinte d’effroi, le rêve se métamorphose en cauchemar et les parents apparaissent alors sous la forme de créatures abjectes. C’est étonnant, déstabilisant et le spectateur est plongé au cœur des tourments et des angoisses adolescentes.
Mais ce qui séduit définitivement dans Fantastic Birthday (Girl asleep en V.O.), c’est l’intensité joyeuse, la perfection de la mise en scène. Les cadrages sont au cordeau, le format carré (en 4 :3), les personnages regardent et parlent face caméra. La symétrie des plans, souvent fixes, les couleurs Instagram, le look vintage, le décor carton-pâte filmé comme une maison de poupées : c’est sûr, nous sommes dans un film de Wes Anderson. Même attention maniaque aux détails, aux décors, aux couleurs des costumes (on a même un personnage avec un turban indien), même science du cadrage, même symétrie des plans. Cela pourrait être horripilant, insupportable, pourtant, cela fonctionne parfaitement. Avec ces principes de mise en scène, Rosemary Myers capte quelque chose de l’enfance et son film ne ressemble jamais à un exercice de style ou une copie carbone. C’est simplement du cinéma dense, vrai, où l’on sent également les influences de Spike Jonze et de Michel Gondry, pour le côté bricolo Do it yourself. Encore plus fort, à mi-parcours, Rosemary Myers change de style. Au bout du jardin de Greta, il y a une forêt, une forêt sombre dans laquelle la jeune fille s’enfonce. Une forêt qui semble sortie d’un cauchemar de Tim Burton, voire de David Lynch. L’enfance serait donc une prison dont on ne s’échappe qu’à regret ? Avec ce film en forme de promesse, Rosemary Myers, qui a cartonné en festivals, vient de placer son nom sur la carte mondiale du 7e art.
Fantastic Birthday
Réalisé par Rosemary Myers
Avec Bethany Whitmore, Harrison Feldman.
En salles depuis le 22 mars 2017.