
#Critique Fantastic Four 1 2 3 4 par Grant Morrison et Jae Lee
Quasi absent des rayons des librairies françaises, les Quatre Fantastiques nous manquent cruellement. La publication de la mini-série Fantastic Four 1 2 3 4 dans la collection 20 ans de Panini est d’autant plus une bonne nouvelle, qu’elle permet la redécouverte d’une histoire peu connue. Unique incursion d’un célèbre scénariste chez les Fantastiques, ce récit n’en reste pas moins déstabilisant.
Ça raconte quoi ?
Les Quatre Fantastiques, l’équipe fondatrice de l’univers Marvel composée de Reed Richard (Mister Fantastic), Susan Richards (la Femme Invisible), Johnny Storm (la Torche) et Ben Grimm (la Chose) traverse une crise. Alors que Reed s’est enfermé dans son laboratoire, sa femme se sent délaissée et est prête à retomber dans les bras de Namor. Ben et Johnny quant à eux se confrontent à leurs propres démons. Même si certains de leurs proches estiment qu’il s’agit là d’une crise habituelle concernant des gens hors du commun, le fait est que Fatalis semble agir en coulisse pour les détruire.
C’est de qui ?
Au dessin le trop peu présent Jae Lee, dessinateur connu pour ses nombreuses couvertures mais aussi pour son travail sur la série Namor écrite par John Byrne ou le plus récent Before Watchmen: Ozymandias. Au scénario, on retrouve le célèbre scénariste écossais Grant Morrison (Batman, New X-men, Les Invisibles) dans ce qui reste sa seule incursion chez la famille la plus célèbre de l’univers Marvel.
À savoir pour briller en société.
Rééditée par Panini dans le cadre de sa collection 20 ans, la mini-série bénéficie d’une couverture magnifique signée Denis Bajram (Universal War).
C’est bien ?
Oui, même si on pouvait s’attendre à quelque chose de plus fort compte tenu du talent du scénariste. Retour dans le passé : en 2001, la stratégie éditoriale de Marvel pour reconquérir le public porte ses fruits. Celle-ci trouve son origine dans la gamme Marvel Knights qui propose de nouvelles séries (Daredevil de Brian Bendis ou Punisher de Garth Ennis notamment) avec une approche résolument plus sombre et des équipes créatives audacieuses (une idée similaire qui donna naissance à Vertigo chez DC Comics).
Si Jae Lee est déjà un habitué des productions Marvel (notamment pour sa série Inhumans avec Paul Jenkins au scénario), Grant Morrison quant à lui vient d’arriver chez Marvel. Le bonhomme est auréolé de son succès avec JLA, le voilà prêt à relever le défi de relancer la machine X-Men. À coté de cela, il propose plusieurs projets tel Marvel Boy, mais également une proposition sur les Fantastic Four qui deviendra donc Fantastic Four 1 2 3 4 dans le cadre de la collection Marvel Knights.
Alors que le groupe est moribond (la série est à un an de renaître de ses cendres grâce à Mark Waid et Mike Wieringo), Morrison propose un traitement de choc qui hérisse le poil du fan aux premiers abords. Mais à y regarder de plus prêt, on se rend vite compte que l’idée du scénariste est d’extraire les caractéristiques premières de la série de Stan Lee et Jack Kirby et de les proposer sans les auréoler du sens of wonder habituel. Si les Quatre Fantastiques sont un groupe de super-héros et des explorateurs de l’impossible, Morrison nous rappelle qu’ils sont aussi les héritiers d’un éditeur qui fut prolixe en matière de récit de monstre. Relisez les premiers épisodes de la série et vous verrez à quel point leurs aventures tiennent plus de ce genre que des histoires de super-héros.
Il n’est donc guère surprenant de voir les quatre héros affronter Fatalis mais aussi l’Homme-Taupe et Namor. Ceux-ci faisant partie des premiers ennemis de l’équipe. Ce retour aux sources sert d’appui à une histoire très sombre. Certes, le lecteur est habitué à voir la Chose maudire son sort et le couple Reed/Susan se déchirer pour mieux se réconcilier. Mais dans Fantastic Four 1 2 3 4, c’est l’accumulation de ces problèmes qui apporte à la mini-série un caractère très anxiogène, renforcé par le dessin de Jae Lee. Celui-ci arrive à trouver l’équilibre entre des héros iconiques et des monstres de foire terrorisés. On pense au début du récit à la Chose à Yancy Street bien sûr, mais surtout à cette scène de discussion entre Alicia Masters et une Susan Storm prête à tout faire basculer.
Si la noirceur du récit est contrebalancée par un final remettant en avant l’intelligence suprême de Reed Richards et sa capacité d’anticipation, la très faible quantité d’épisodes (quatre) semble toutefois limiter le scénariste. On peut ainsi s’en rendre compte dans une conclusion très abrupte même pour un auteur usant magistralement de l’hyper-compression. Reste que, sachant qu’il y avait dans ses cartons un projet pour la version Ultimate de Fantastic Four (repoussée par Marvel pour ne pas parasiter la grandiose relance de Mark Waid et Mike Wieringo), on peut voir dans Fantastic Four 1 2 3 4, les germes d’une potentielle grande œuvre avortée.
Fantastic Four 1 2 3 4 (20 ans Panini Comics, Panini Comics, Marvel Comics) comprend les épisodes US de Fantastic Four 1 2 3 4 #1 à #4
Écrit par Grant Morrison
Dessiné par Jae Lee
Critique basée sur la première édition française de l’œuvre