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Sauvage et beau (critique de Le Dernier loup, de Jean-Jacques Annaud)

Sauvage et beau (critique de Le Dernier loup, de Jean-Jacques Annaud)

Note de l'auteur

DernierLoupAffAprès nous avoir baladés du Tibet au pays de l’or noir, nous avoir plongés au beau milieu de la bataille de Stalingrad et dans la Grèce pré-minoenne, nous avoir fait ressentir combien il est bon d’être nu sous une peau de bête ou une bure de moine franciscain, Jean-Jacques Annaud poursuit son œuvre à la démesure quasi herzoguienne en nous entrainant parmi les loups des steppes mongoles.

Expédié aux confins de la République populaire de Chine à la faveur d’une Révolution culturelle qui, en ces utopiques années soixante, prônait le brassage des populations comme seule voie possible vers la société égalitaire que les maoïstes appelaient de leurs vœux, le jeune citadin Chen Zhen va s’intégrer dans une tribu nomade et panthéiste qui partage sa terre sauvage avec les loups, au sein d’un fragile écosystème menacé par la bureaucratie aveugle des disciples du Grand Timonier.

DernierLoupPIC2A l’image de Kurosawa et son splendide Dersou Ouzala tourné au pays des soviets pour le compte de Mosfilm en 1975, Annaud répond à une commande des instances cinématographiques chinoises en adaptant un classique de la littérature populaire nationale. Fallait-il craindre une éventuelle mainmise de la part d’autorités peu réputées pour leur amour de la liberté d’expression ? A en croire certains plans ironiquement marqués du sceau de l’art officiel – le délégué du peuple sur son tracteur, au regard tendu vers un avenir radieux – il semblerait que le problème ne se soit pas posé. L’aspect lourdaud de quelques scènes viendrait plutôt d’une nécessité de faire avancer l’histoire des hommes car, côté nature, Jean-Jacques Annaud est fidèle à sa générosité proverbiale et nous offre des moments de grande aventure qui ne reposent pas seulement sur des paysages à couper le souffle.

DernierLoupPIC1Il faut dire qu’avec pareil sujet, le réalisateur de L’Ours et Deux frères n’en est pas à son coup d’essai, sachant toujours filmer le monde animal sans les travers du documentaire animalier ni la mièvrerie de l’anthropomorphisme. Ses bestioles sont des personnages de fiction à part entière et sa caméra, au cœur de la meute, parvient à saisir le désir de vengeance dans la course d’un loup autant que la terreur dans l’œil d’un cheval, rendant certaines séquences vraiment bluffantes. A la beauté des lieux répond la brutalité des actes, qu’ils soient attribuables aux hommes ou aux loups. Deux espèces promptes à engendrer des horreurs, de l’absurde massacre des louveteaux aux chevaux piégés par les glaces. L’album d’images refermé, un détail persiste : une manche à air en peau de loup qui donne l’impression que le vent a soufflé l’animal hors de son enveloppe. Vision d’épouvante et symbole de l’impitoyable intervention humaine.

En salles depuis le 25 février.

2015. France / Chine. 1h55. Réalisé par Jean-Jacques Annaud. Avec Shaofeng Feng, Shawn Dou, Ankhnyam Rachaa, Yin Zhusheng…

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