
#critique Groenland vertigo de Tanquerelle
Groenland nous voici. Entre Tintin et le récit d’aventure, plongée dans un univers parfois réel, parfois moins. Une grande balade au milieu des icebergs qui nous réchauffent le cœur. Et nourrit jusqu’à satiété.
L’histoire : mêler des artistes et des scientifiques dans une expédition au Nord-Est du Groenland, c’est le pari fou tenté par quatorze personnes de nationalités diverses sur le navire Aurora avec l’installation en prime d’une œuvre dérangeante sur un énorme iceberg. Une aventure parfois burlesque avec du whisky hors d’âge dedans.
Mon avis : paternités avouées et assumées, Hergé et Jørn Riel guident les pas d’Hervé Tanquerelle, aka Georges Benoît-Jean, auteur de bd sans imagination, dans ce récit tragi-comique. Le fond, une expédition scientifique, ressemble à celui de l’écrivain danois, proche de Paul-Emile Victor, qui avait également visité et aimé le Groenland. Et avec qui Tanquerelle a lui-même voyagé. La forme aussi, où on s’attend à voir débouler à chaque instant le professeur Calys, directeur de l’observatoire, héros décalé de L’Étoile mystérieuse. Jusqu’au nom du bateau, les références sont nombreuses au dixième album de Georges Rémi. La présentation de l’équipe engagée sur le navire en est une autre preuve. Georges se fait également gentiment appeler Tintin par ses comparses. Et puis comment ne pas voir en Jorn Freuchen, écrivain voyageur, le capitaine Archibald Haddock. Surtout pour son amour pour les boissons ambrées. Les références et les clins d’œil au monde d’Hergé sont en tout cas légion.
Pour le reste, on prend un énorme plaisir à déguster ce récit autobiographique qui part dans tous les sens. L’auteur a voulu en faire un racontar : « Un racontar, c’est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge, à moins que ce ne soit l’inverse », se plait-il à expliquer. Le fond est vrai mais l’adaptation forcément décalée et très rigolote. Tels les ingénieux stratagèmes de Freuchen pour éloigner les autres, Georges mis à part, et tenter d’exhumer deux caisses d’excellents breuvages qu’il avait aperçues lors d’une précédente expédition. La proximité des pôles fait souvent perdre la tête. Cette étape n’y fera pas exception.
Ça ne se prend pas au sérieux et ça se lit sans peine. On est même frustré que cela se termine malgré l’énorme travail de 104 pages. Cette retranscription d’un fait réel en prenant toutes les libertés est un pari totalement gagné. Il n’y qu’une chose à redire, c’est le nombre de coquilles et de fautes laissées dans cet opus. Casterman assume aussi en adjoignant une feuille volante de corrections mais la relecture a connu quelques ratés. Vivement la prochaine impression.
Si vous aimez : l’univers de Tintin dans son acception la plus générale.
En accompagnement : une bonne rasade d’aquavit. Faut bien se réchauffer dans le froid polaire qui l’est de moins en moins, remarquez.
Autour de la BD : auteur complet, Hervé Tanquerelle bénéficie en sus d’une mise en couleur juste parfaite d’Isabelle Merlet.
Extrait : « Sens-moi ça ! »
« Mouais, pas mal. »
« Pas mal ? Tu rigoles ou quoi ? »
« Haha ! Nan, mais je déconne ! Je suis prêt à le déguster votre petit whisky. »
« Petit whisky ? Je me demande si j’ai choisi la bonne personne pour un tel privilège. »
« Rhooo, ça va ! Allez, servez donc. »
« Fabuleux ! Incroyable ! J’ai jamais bu un truc pareil ! Tu te rends compte ? »
« Mmmh ! Le petit Jésus en culotte de velours ! »
Groenland Vertigo
Scénario et dessin d’Hervé Tanquerelle
Mise en couleur d’Isabelle Merlet
Édité par Casterman