On a lu…Hector (T.01) – Manigances et Coups tordus de Marc Dubuisson et Régis Donsimoni
« Dis Hector tu veux faire quoi cette nuit ? »
« La même chose que chaque nuit. Tenter de conquérir le monde ! »
L’histoire : A l’instar de la souris surdouée, Hector le parangon veut donc devenir le maître de la planète. Mais on ne peut pas dire qu’il soit parti avec les mêmes dispositions. Certes, il n’est pas affublé d’un minus de compagnon et il ne vit pas dans un laboratoire, mais difficile d’échafauder des plans de conquêtes quand on est le nouveau doudou d’une fille nommée Luce et qu’on vit tranquillement dans la maison familiale. Alors, en attendant de régner sur la Terre, Hector va s’occuper de diriger le foyer.
Mon avis : Véritable genre à part entière au sein de la bande dessinée humoristique, les séries sous forme de courtes histoires mettant en scène la vie quotidienne d’enfants (accompagnés ou non de bestiaux) traversent les ans et se révèlent toujours d’une richesse incroyable et d’une grande capacité à capter son époque. Qu’ils soient anciens (Quick et Flupke d’Hergé) ou récents (Titeuf de Zep), ils sont le témoin de leur temps. Et si certains conservent un classicisme plaisant (Cédric de Cauvin et Laudec) malgré un cadre différent (le sympathique Nina Tonnerre de Labarde et Poinsot), d’autres poussent le genre dans ses limites pour en faire une véritable réflexion sur la société (Calvin et Hobbes de Bill Waterson) ou une vraie histoire de vie (le merveilleux Lou ! de Julien Neel).
Dernier avatar en date d’un genre protéiforme, Hector semble pécher au premier abord par son envie de jouer sur différents niveaux. Citant à la fois Calvin et Hobbes (pour le caractère trublion), Boule et Bill (pour le récit au quotidien d’une famille) ou bien encore Lilo et Stitch (donc Hector semble être un descendant), la série de Régis Donsimoni et Marc Dubuisson a du mal à trouver son propre ton. Ainsi, on s’étonnera que l’arrivée et la présence d’Hector ne dérange personne malgré son caractère exceptionnel et cela dans un environnement décrit comme normal. Même si cette approche peut se voir comme une forme de métaphore quant à l’un des aspects les plus respectables de cette série (voir plus bas), il n’en reste pas moins que le décalage n’aide pas à bien cerner la bande dessinée dans son ensemble.
Toutefois, hormis ce point, Hector se révèle d’une lecture très agréable. Les gags s’enchaînent bien. La plupart ont des chutes très drôles et certains gags récurrents (notamment celui de la représentation théâtrale) touchent juste. Le dessin de Régis Donsimoni est très classique mais reste maîtrisé et arrive à sortir des sentiers battus par moment pour notre plus grand plaisir. L’univers de la série en elle-même est très sympathique et se révèle d’une modernité rafraîchissante sans jamais être trop lourde. On sent que les auteurs aimeraient donner plus d’ampleur à leur histoire notamment dans une narration plus longue et plus poussée. On saluera le subtil traitement de la question de la mort d’un proche (source d’un gag à la fois drôle et touchant) mais surtout la manière de ne jamais appuyer et de surligner (que ce soit dans l’album ou même dans sa promotion) la situation familiale de Luce. Elle a deux papas et ceci n’est jamais traité comme une situation exceptionnelle mais comme un fait acquis, normal et accepté par tous. L’homosexualité des parents de Luce n’est jamais source et origine de gag contrairement à leurs caractères ou leurs professions. Cette normalité jamais surlignée est à saluer tant elle contribue d’une belle manière à l’évolution des mentalités sur une situation encore malheureusement trop critiquée.
Si vous aimez : Boule et Bill et Lilo et Stitch
En accompagnement : Un sandwich au thon
Autour de la BD :
un parangon : un modèle, un exemple, parfois aussi d’une autre qualité (exemple : un parangon de vertu, parangon de l’artiste maudit) ;
• le parangon : un marbre noir d’Égypte et de Grèce ;
• parangon : une pierre sans défaut, en joaillerie ;
• parangon : vieux terme d’imprimerie désignant deux caractères, l’un de vingt et un points (le « gros parangon »), l’autre de dix-huit points (le « petit parangon ») ;
• le Château du Parangon, un monument de la commune de Joinville-le-Pont.
(Rigolez pas, j’ai appris des trucs ce soir)
Extrait : « Ma première action en tant que maître du monde sera d’interdire le sport »
(Je vote pour lui)
Sortie : juin 2015. Delcourt. 48 pages. 10,95 €
