
#Critique How to Get Away with Murder, Les Mauvaises Personnes (3×10)
Après avoir usé les nerfs des spectateurs, How to Get Away with Murder (ABC) avait finalement révélé le personnage sous le drap. Une révélation douloureuse qui a provoqué torpeur et léthargie devant la macabre découverte. Une fois l’information digérée, comment la série allait-elle rebondir ? À son habitude, en jouant avec les contrastes et prolongeant l’angoisse pour une quarantaine de minutes supplémentaires.
L’épisode avant la trêve hivernale, modèle de construction perverse, plongeait le spectateur dans l’effroi douloureux. Peter Nowalk avait promis la mort d’un personnage principal, l’auteur n’a pas failli. Nous découvrons Wes, étendu sur la table d’autopsie, le corps à moitié brûlé. Il y a le choc de la découverte et le choc de son état. La série ne nous épargne rien, ménageant un suspens vicieux pour mieux cueillir son audience : on ne veut pas y croire, on ne veut pas voir.
How to Get Away with Murder (HTGAWM) ne démonte pas les mécaniques du soap où les morts viennent souvent redonner de l’énergie à une série en manque de souffle, elle les épuise. Et le spectateur avec. Nowalk, en agent instructeur sadique, ne laisse aucun répit à sa série, imaginant dans les brefs moments de pause, l’introspection et le constat nécessaires qui précèdent la prochaine explosion. Les saisons sont souvent construites selon un modèle d’action/réaction : une première moitié qui impose une pression, un compte à rebours ; une seconde qui évalue les dégâts et tente une résolution partielle.
We’re Bad People (3×10) prolonge l’état de stress un peu désespéré qui accompagnait la fin de l’épisode précédent, Who’s Dead ?. Une angoisse latente et venimeuse où chaque personne se voit distribuer une carte de l’étape du deuil (choc, déni, colère, tristesse, résignation en attendant l’acceptation et la reconstruction). La série balaye néanmoins le droit au répit et continue de broyer ses personnages dans le tumulte de l’urgence. Le récit suffoque de son agitation permanente comme il se nourrit de la tempête. S’y exercent des forces parfois contraires mais qui prédestine ce spectacle total, fait de lacets tortueux, de boucles et d’exercice de manipulation. Et c’est lorsqu’elle semble à bout de souffle, qu’elle trouve une énième respiration.
Dans cet ensemble à l’horizon bouché, aux noirs profonds, à l’atmosphère anxiogène s’intercalent des flash-backs à l’éclat empoisonné. De brefs moments répartis entre les personnages comme autant de souvenirs un peu futiles, donc indispensables, de Wes. Des conversations sans importances, des instants détachés de la toxicité des événements, des scènes que la série ne montre (presque) jamais. Tout y est apaisé, éclairé par une lueur interne qui efface les ombres, repoussent les abysses dans lesquels se débattent les étudiants. Une façon cruelle de montrer l’extinction de l’espoir : un groupe amputé doit apprendre à vivre sans l’un de ses membres ; le spectateur comprend que personne n’est à l’abri.
La mort de Wes fut un électrochoc, la suite nous fait comprendre que l’issue sera tragique. Quand la première partie de la saison tentait d’anticiper le futur composé, la seconde cherche à consolider un passé décomposé. Il existe, dans la pause hivernale, une frontière invisible, comme un miroir que Peter Nowalk nous invite à traverser. Il compose sa saison selon un immense champ/contrechamps auquel il additionne des éléments hors de ce temps pour mieux nous perdre, nous manipuler, nous diriger. C’est le schéma de New Rose Hotel d’Abel Ferrara, même façon de tordre le récit, de le plier et de créer du vide comme moyen de spéculation avant de le combler avec la perversité d’un manipulateur de point de vue. HTGAWM pourrait se résumer comme la quête d’une séquence à écrire…
HOW TO GET AWAY WITH MURDER (ABC), 3×10 : We’re Bad People
Créé par : Peter Nowalk
Écrit par : Sarah L. Thompson
Réalisé par Jennifer Getzinger
Avec Viola Davis, Alfred Enoch, Jack Falahee, Aja Naomi King, Karla Souza, Matt McGorry, Liza Weil,…