
#Critique Justice League International (T.1) de J.M. DeMatteis, Keith Giffen et Kevin Maguire
En octobre 1988, les amateurs des X-men, alors au fait de leur gloire, purent découvrir une nouvelle série qui détonna par son originalité : la comique et épique Excalibur. Mais si la série de Chris Claremont et Alan Davis trouva rapidement sa place dans le cœur des lecteurs français, il n’en fut pas de même pour une autre œuvre toute aussi folle alors publiée chez DC Comics. Une injustice enfin corrigée aujourd’hui avec la publication du premier tome de Justice League International.
Si Crisis on Infinite Earths est l’acte fondateur d’une grande ère éditoriale aux États-Unis, il en fut tout à fait autrement en ce qui concerne la France. La saga monumentale de Marv Wolfman et George Pérez fut en effet une des dernières histoires publiées par l’éditeur Arédit/Artima. Et si, entre-temps, des gens comme Fershid Bharucha permirent la découverte de récits extraordinaires tels que ceux de Batman (The Cult ou Year One), ce n’est quand 1997 que l’univers DC revint s’installer durablement. De fait, c’est tout un pan de la culture comics qui passa sous le radar du lecteur français qu’on redécouvre véritablement aujourd’hui. Après la mise en lumière de l’avant-gardiste Suicide Squad de John Ostrander et Luke McDonnell, c’est maintenant au tour du monument Justice League International alias la pire équipe du monde super-héroïque de débarquer.
Contrairement à une idée reçue, cette série ne fut pas la nouvelle ligue de justice lancée après Crisis on Infinite Earths. En effet, ce grand chambardement ne perturba pas dans l’immédiat l’équipe composée notamment d’Aquaman, Zatanna, Martian Manhunter, Elongated Man, the Vixen, Gypsy, Steel, et Vibe. C’est en 1987 avec la saga événementielle Legends et le récit en parallèle End of the Justice League of America (Justice League of America #258 à #261) que l’équipe changea profondément. Car si la mort de certains membres de l’équipe provoqua la dissolution de celle-ci, il apparaissait évident, à l’issue de Legends, qu’une nouvelle Ligue de justice était nécessaire. Ainsi, autour du Limier Martien se réunirent Captain Marvel, Batman, Green Lantern (alias Guy Gardner), Dr Fate, Blue Beetle, Black Canary, Doctor Light et Mister Miracle. Se joindront par la suite Booster Gold, Captain Atom ou bien encore Fire.
Déjà scénariste des derniers épisodes de Justice League of America (après des années sous l’égide de Gerry Conway), J.M. DeMatteis se voit donc confier la charge d’une relance importante pour l’éditeur mais qui, paradoxalement, n’accède pas à sa demande initiale. En effet, alors qu’il envisageait de faire revenir les grandes figures de l’équipe, on lui répond que Superman, Flash ou bien encore Wonder Woman sont considérés chasses gardées par les auteurs qui ont relancé les titres. Qu’à cela ne tienne, c’est de cette problématique que jaillira la magnifique pépite.
Bien plus libre de leurs mouvements au final, DeMatteis, Keith Giffen et Kevin Maguire vont aller là où personne ne les attendait. Alors que l’équipe s’est toujours distinguée par la puissance de ses personnages, leur noblesse et leur solidarité, les auteurs vont poser rapidement une situation permanente de tension entre les super-slips. Mais à l’opposé de la noirceur qui parcourt la production de l’époque, le trio infernal va doucement construire une ambiance comique absolument réjouissante. Grâce à une caractérisation parfaitement dosée des personnages (jouant savamment entre l’archétype à même de construire des situations comiques et une ambivalence prompte à nourrir une bonne dramaturgie), Justice League International va peu à peu faire l’unanimité. Si ces super-héros sont capables de sauver le monde et participent activement à l’univers partagée de DC Comics, il n’en reste pas moins que le sel de la série provient des conflits souvent drôles entre les héros.
Coincé entre un duo de potes absurdes (Blue Beetle et Booster Gold), un candide (Captain Marvel) et, surtout, un vantard beauf et crétin (Green Lantern), le pauvre Batman a bien du mal à mettre un semblant d’ordre dans tout cela. Ce qui, au final, ne fait que renforcer sa personnalité rigide à la limite du ridicule. Oui, même le grand Chevalier noir en prend pour son grade dans JLI. Pour autant, les auteurs arrivent à se moquer tout en offrant de vrais morceaux de bravoure à leurs personnages. Telle une véritable sitcom (dont il reprend les grands principes notamment des dialogues percutants et des échanges très rapides), JLI ménage ses héros. Ils sont drôles, on rit d’eux et avec eux mais quand les choses sérieuses arrivent, ils sont capables de sauver le monde. Car DeMatteis, Giffen et Maguire n’oublient pas qu’ils racontent les aventures de super-héros et à ce titre, il est assez remarquable de voir leur capacité à donner à affronter des menaces de grandes envergures. On saluera à ce titre la qualité de l’éditorial d’Urban Comics qui remet dans le contexte les épisodes faisant office de récits annexes aux sagas événementielles de l’éditeur.
Personnages drôles, histoires passionnantes, récits comiques etc. Justice League International n’a que des qualités. Mais au final, la plus grande reste enfin cette capacité à construire une série sur la longueur et à la rendre crédible par des petites touches disséminées à chaque épisode. On aime la JLI parce que ce sont des amis qu’on aime retrouver. Et bon sang on a déjà hâte qu’ils reviennent.
Justice League International – Volume 1 (DC Essentiels, Urban Comics, DC Comics) comprend les épisodes US de Justice League #1 à #6, Justice League International #7 à #13 et Suicide Squad #13.
Écrit par J.M. DeMatteis, Keith Giffen, Bill Willigham et John Ostrander
Dessiné par Kevin Maguire et Luke McDonnell
Prix : 35,00 €
Et quel talent que celui de Maguire dans la variété des expressions faciales.
https://www.newsarama.com/32078-keith-giffen-on-second-chances-deadlines-legion-of-super-heroes.html