
#Critique : La forme de l’eau
Au début des années 60, une femme de ménage muette s’éprend d’une créature aquatique. Par le réalisateur de Hellboy et autres Pacific Rim, Le Fabuleux destin de la créature du lac noir. Résultat : 4 Oscars, dont celui du Meilleur film…
Je n’ai jamais été vraiment convaincu par le cinéma du Mexicain Guillermo del Toro. L’homme est un geek sympathique, mais le cinéaste s’apparente plus à un enlumineur qu’un auteur. De fait, depuis 20 ans, del Toro œuvre exclusivement dans le fantastique et usine des films virtuoses qui titillent la rétine, mais se révèlent des exercices de style inutiles et vains. Des films peuplés de monstres et de petites filles, de vampires qui font du kung-fu et de robots castagneurs. Des hommages inoffensifs où la forme – sublime – dévore le fond, de beaux livres d’images, mais vides de sens et d’émotion. Dans sa filmo, il n’y a guère que L’Échine du diable qui m’a véritablement transporté, une histoire de fantômes au temps du franquisme, rencontre des peurs collectives d’un pays et celle d’un garçon de 12 ans. Pour le reste, del Toro fait dans le divertissement ripoliné : c’est bourré de freaks gentils et d’humains méchants, avec des scripts que l’on imagine bricolés par un enfant de 5 ans (oups, c’est del Toro lui-même qui s’y colle), et une photo ciselée par des pointures comme Dan Lausten ou Guillermo Navarro. Du Luc Besson en moins con ?
Le pitch de La Forme de l’eau tient en six mots : la belle se tape la bête. C’est est un peu juste, jeune homme. Pour le reste, le film résulte d’un trauma : quand il était môme, Guillermo a été percuté par L’Étrange Créature du lac noir (Jack Arnold, 1954) qu’il a vécu comme un pur « Home invasion ». Pour lui, le monstre aquatique était la victime des humains qui s’introduisaient dans son coin de paradis, le persécutaient, avant de le tuer (rappelez-vous, Guillermo aime les monstres, c’est son credo). L’horreur absolue. Dans La Forme de l’eau, un gentil monstre amphibie a été capturé par de très méchants miliaires US, pendant la guerre froide, persuadés qu’il y a un complot communiste là-dessous. Torturée par des scientifiques, la créature va faire fondre le cœur de Sally, femme de ménage muette qui se met en tête de libérer la bébête à écailles de la base militaire top-secrète. Bientôt, une improbable love story se développe entre les deux laissés-pour-compte…
Feel good movie, pamphlet antiraciste et féministe, plaidoyer pour la tolérance, ode à la différence, le film coche toutes les cases du politiquement correct actuel. Résultat : des critiques dithyrambiques et pas moins de 13 nominations aux Oscars. Ce film de la maturité (c’est ce que Guillermo raconte partout) est une fable sur la force de l’amour, mais les personnages sont tellement caricaturaux qu’il est difficile de s’émouvoir. Il y a l’handicapée au cœur d’or, le dessinateur homo, la femme de ménage noire, l’espion russe, le militaire forcément psychopathe… Comment s’intéresser à ces clichés sur pattes ? À notre époque désespérée et cynique, Guillermo del Toro oppose l’amour fou qui emporte tout sur son passage, comme un torrent… Le réalisateur surjoue la naïveté alors qu’il aurait peut-être fallu un brin de subtilité pour que l’ensemble fonctionne.
Sur le plan formel, c’est bien sûr très zoli et le chef op Dan Lausten compose un camaïeu vert-bleu absolument somptueux, avec des couleurs ultra saturées en post-production. Des meubles flottent sous l’eau, une silhouette se détache, des meubles dérivent, il y a des bubulles qui remontent à la surface : on dirait une pub pour Canard WC (je déconne). Pour faire riche, del Toro multiplie les emprunts et citations à Jules Verne, Freaks, En suivant la flotte ou La Belle et la Bête, version Cocteau. Mais c’est surtout à Amélie Poulain que l’on pense car del Toro repompe sans vergogne l’esthétisme formol-kitsch de Jean-Pierre Jeunet. Pendant deux plombes, le spectateur a la douloureuse impression de se farcir Le Fabuleux Destin de la créature du lac noir, avec en cadeau bonus dans la bande-son La Javanaise. Bref, ça pique les yeux et on n’est pas loin du viol auditif. À l’arrivée, il ne reste qu’une seule question : comment un film censé vanter l’amour fou peut-il se révéler aussi fade, castré de scènes troubles, sensuelles, qui te serrent la gorge ? Pourquoi Guillermo del Toro échoue avec ses gros sabots ce que réussi sublimement, subtilement, Paul Thomas Anderson dans l’extraordinaire Phantom Thread, sorti un peu plus tôt ? Peut-être que filmer l’obscur objet du désir, la naissance d’une passion nécessite plus que du savoir-faire et de l’esthétique toc de la pub…
Bon, aux États-Unis, les professionnels de la profession ont récompensé de 4 Oscars La Forme de l’eau, dont celui du Meilleur film de l’année. Quant à Phantom Thread, il a récupéré celui des Meilleurs… costumes. Cherchez l’horreur…
La Forme de l’eau
Réalisé par Guillermo del Toro
Avec Sally Hawkins, Michael Shannon.
En salles le 21 février 2018
Merci !!! Enfin une vraie critique cinema sur ce film.
Avec Besson au moins on sait ce que l’on va voir 😉 Mais ici juste une belle arnaque.
J’ai jamais lu une critique avec autant de mauvaise foi, de mépris et si peu de fond. C’est juste un avis en l’air en fait, je ne comprend pas ce que ça fait sur ce site, ça n’a rien d’une critique : on dirait que le mec dit juste « j’aime pas, c’est nul » comme si son avis faisait office d’argument, mais je les cherche encore les arguments…
Vous ne comprenez pas ce que cette « critique » fait sur ce site. Dommage, cela fait deux ans que j’écris le critiques ciné du Daily Mars !
Oui, je pense aussi.
Mince, je suis totalement d’accord. Et totalement pas d’accord à la fois, bravo !
Déjà, c’est un conte, une sorte de « petite sirène » inversée, non ? Alors évidemment qui dit conte dit archétypes…
! ATTENTION SPOILER PARTOUT PARTOUT !
« l’handicapée au cœur d’or, le dessinateur homo, la femme de ménage noire, l’espion russe, le militaire forcément psychopathe… »
Ah bon ? je l’a trouve pas très aimable, l’héroïne, plutôt égoïste. Elle sauve la créature parce qu’elle est séduite, pas par bonté.
Le dessinateur, ben euh homo, je vois pas le cliché, à part que c’est un vieil homme seul, ostracisé par la société, et par lui-même en un sens.
La femme de ménage noire… l’héroïne est également femme de ménage !
L’espion russe (mais humain)… c’est raccord avec l’époque.
Le militaire psychopathe, bof, c’est pas son métier qui le caractérise, plutôt son côté facho capitaliste-scientiste – et la satire n’est pas très consensuelle pour le coup.
Enfin, si c’est un film qui s’amuse à mélanger les genres, il ne relève du fantastique qu’à la toute fin. Jusque-là, c’est une sorte de comédie romantique entre deux êtres vivants évoluant dans des milieux différents sur fond d’espionnage.
Ce que j’ai trouvé intéressant et assez malin, c’est l’ouverture et conclusion sur l’idée de Dieu, de sa forme et de la place qu’on lui laisse ou non. La fin limite gaguesque, c’est plus un questionnement qu’une conclusion : « et si ? »
Enfin, pour conclure ma tartine, on est raccord sur le ripolinage excessif et la musique (oh Lord !) atrooooce, mais ça plait, c’est de la France de carte postale. Et si c’est calibré pour fonctionner, faut pas oublier les origines mexicaines du bonhomme, peut-être que je lui prête beaucoup, mais il y a à mon sens une autre lecture à faire de ce film que je trouve vraiment pas feelgood.
Complètement d’accord avec vous Ozephe sur les faiblesse de la critique de Godin.
Ca me rappelle une critique faite (à raison, à mon sens) à Tim Burton : il serait un directeur artistique plutôt qu’un cinéaste. Peut-être qu’effectivement, c’est le cas de del Toro… J’avais bien aimé « Le Labyrinthe de Pan », ceci dit. Je mettrais « L’Echine du diable » en n° 2 (pas totalement convaincu, perso). Bon, il faut oublier « Pacific Rim », évidemment…
J’ai adoré im Burton, mais j’ai eu l’impression qu’à un moment, il se contentait de ressortir ses recettes, ses trucs gothiques, avec de moins en moins d’intérêt pour les scénarios. Mais j’ai l’impression que Frankenweenie était un super retour ne force.
Je pense, monsieur Godin, que tu es passé à côté du film mais aussi de ta critique.
Amélie Poulain d’abord. Oui, moi aussi j’ai pensé un moment au film de Jeunet, les 5 premières minutes en fait. Del Toro donne à voir une représentation de l’Amérique d’après guerre qui ressemble à une réclame de la même époque. Seulement ce n’est pas une représentation de la façon dont Del Toro voit cette époque qui est montrée à l’écran, c’est la façon dont les Américains se représentent cette époque. La réalité de l’époque, elle, est montrée à travers la télévision et les agissements des différents protagonistes du film. Sous la couche de vernis d’une Amérique triomphante où tout est neuf et chromé, la merde. Le racisme systémique, la discrimination à tous les étages, le despotisme des petits chefs que ce soit derrière leur comptoir, dans leur foyer, dans leur entreprise, au volant de leur vaisseau spatial rutilant sur roues, avec un accent russe ou sans.
Tous les cons dans ce film sont des hommes attachés à des symboles dérisoires censés donner à voir leur puissance sur les autres. La matraque électrique made in Alabama, les grosses bagnoles rutilantes, les étoiles sur des épaulettes.
Là où Amélie Poulain n’était qu’un film au design putassier dont le seul objet était de plaire au marché du film Américain pour permettre aux ambition américaines de Jeunet de se concrétiser dans le pire volet de la saga Alien, The shape of water utilise les préjugés américains sur leur propre histoire pour mieux montrer ce qu’était à l’époque et ce qu’est toujours aujourd’hui l’Amérique du Nord, un état fasciste déguisé en pays de la liberté grâce à la propagande consumériste et le american way of life.
D’ailleurs il met dos à dos le communisme stalinien et le capitalisme montrant que la quête de ces deux visions du monde derrière les idéologies n’est rien d’autre que le pouvoir pour le pouvoir.
Je trouve qu’avec ce film Del Toro a atteint une étape importante de sa filmo. D’abord par une totale maîtrise technique et narrative. Ensuite en se permettant de faire un film de genre qui n’a rien à voir avec les séries B gonflées aux CGI qui satures nos écrans de ciné aujourd’hui.
The shape of water est un conte non crétin – non disneyen – pour adulte.
Un conte de fée réalisé par un Mexicain qui donne sa vision des États-unis au monde entier et qui en plus se fait oscarisé.
Excuse-moi, mais tu es passé à côté du message politique en n’allant pas plus loin que la forme.
Oui m’enfin faut quand meme avouer que rien de très subtil, ni de nouveau, ni de profonds dans la facon de passer ces « messages »… J ai trouvé ca simpliste. Ce n est que mon avis.
Et surtout zero emotion… Certains contes pour enfants te prennent plus aux tripes que ce contes pour adultes.
Effectivement, on peut dire que je suis passé à côté du film. La forme parasite peut-être le fond. Mais en plus, je ne trouve pas le fond très passionnant…
Oui m’enfin faut quand meme avouer que rien de très subtil, ni de nouveau, ni de profonds dans la facon de passer ces « messages »… J ai trouvé ca simpliste. Ce n est que mon avis.
Et surtout zero emotion… Certains contes pour enfants te prennent plus aux tripes que ce contes pour adultes.
Exactement ce que je reproche au film.
C’est bien ce que je dis, vous n’avez pas dépassé la forme 🙂
Disons que le fond n est pas tres neuf ni surprenant non plus.
Aucune prise de risque, que du consensuel.
Seul le traitement de la solitude, de toutes ces solitudes, trouve grâce à mes yeux.
Tout le monde s’agite pour en faire un film politique… Faut pas exagérer quand même.Le même film 30 ans an arrière peut-etre..et encore.
Message universel ? Oui ben le 5eme element de Besson aussi tiens !!
Laissons ce film etre ce qu’il est.. joli sur la forme, mais au fond un peu creux.
On a le droit d’aimer… Ou pas.
marrant que personne ne parle de l’énorme ref a « Abraham sapien »..
C’EST TELLEMENT ÉNORME, C’EST JUSTE LE MÊME BESTIAU !
Parce que ce n’est pas très pertinent et que c’est ce que la plupart des gens ont d’abord remarqué lors de la diffusion de la première bande-annonce.
La créature de The shape of water a certes un design proche mais plein de détails différents. Il ne bouge pas de la même façon et ne parle pas.
Est-ce que Del Toro fait une référence à Hellboy ou bien est-ce que le design de sa créature est en fait une évolution/hommage de celui de La créature du lagon noir ? Je penche plutôt pour l’hommage à La Créature du lagon.
Plein de gens voit dans The shape of water une préquelle au personnage de A.Sapien. Pourtant il n’y aucune passerelle entre les deux univers. The shape of water est conçu comme un stand alone.
Encore une fois, vous en êtes resté à la forme sans aller plus loin que ça. C’est juste incompréhensible sur un site comme Dailymars où on s’attend à autre chose qu’une critique de type j’aime/j’aime pas.
La forme de The shape of water est le conte. Del Toro parle de l’Amérique au travers d’une forme de récit allégorique où le monstre représente quelque chose, les femmes racisées ou handicapées autre chose, le méchant attaché aux symboles phallique une autre chose, jusqu’à la couleur de la garniture des tartes dessinée par le publiciste, etc, etc…
C’est là que se situe l’analyse du film, celle à côté de laquelle vous êtes passé en restant bloqué sur la forme 1er degré du film.
Bon, ce n’est pas grave.
Un peu sévère et rapide la critique. Elle manque de la subtilité que vous-même reprochez au film et à son réalisateur. C’est pas bien ça. Vous avez vu trop de film Mr Godin, votre oeil s’est certes aiguisé, mais il a perdu beaucoup en fraicheur et innocence. A force, je peux prédire que bientôt vous ne pourrez plus voir aucun qui trouve grâce à vos yeux. Ne vous en faites pas je suis moi-même certainement atteint de cette maladie, mais à un moindre degré ;-). Bref, pour le dire un peu rapidement, ça ressemble trop à la critique d’un cinéphile blasé qui en a trop vu.
Attention, je ne pas dis que c’est un film du siècle, qui vous marque à vie, mais vous, vous être beaucoup trop sévère. Je ne me suis pas ennuyé du tout, car il ouvrait sans arrêt des petites bulles de réflexions intéressantes dans lesquelles on pouvait s’évader. Ce qui à l’évidence ne s’est pas produit pour vous. Et puis, j’ai trouvé le scénario très bien écrit et construit, réservant de belles surprises, la photo est magnifique, les acteurs excellents… Et donc l’esthétique, le côté linéaire de la narration ne m’a pas dérangé.
Ben moi je soutiens le collègue Godin ! En lisant sa chronique, j’ai soudain pigé pourquoi je m’étais ennuyé à mourir pendant tout ce film, oscarisé tout plein qu’il est ! Et je ne parle même pas des plagiats divers, probablement innocents de la part de Del Toro qui voulait sans doute rendre hommage à des films qu’il aime sincèrement. Sur ce je m’en vais revoir « La Revanche De La Créature », non mais !