
#Critique La Horde : possession, je dis non
La possession d’une petite fille racontée de l’intérieur par le démon lui-même. L’idée est a priori séduisante. Mais il ne se passe finalement pas grand-chose dans le roman sans intensité de Sibylle Grimbert.
L’histoire : Laure est possédée par Ganaël. Le lecteur débarque dans le récit juste avant que celui-ci ne révèle sa présence à la petite fille de dix ans. Une fille drôle et douce, inventive et enjouée… qui ne le restera pas longtemps. Ceci dit, rien ne se passe comme prévu. Bien entendu.
Mon avis : Postulat de départ intéressant : l’histoire d’une possession racontée en direct par le démon lui-même, qui explore constamment ses interactions avec la jeune fille, ses pensées, ses actes, influencés par lui ou non.
La sauce, malheureusement, ne prend guère. La faute à un style plutôt terne. Pour un démon, Ganaël a un français parfait, une pensée calme et sous contrôle, une approche franchement morne de son propre devenir. Le récit manque singulièrement d’intensité – un comble pour une histoire que l’éditeur, en bandeau, compare à un film célèbre, posant la question en des termes bien peu ambigus : « Vous pensiez que rien n’était plus angoissant que L’Exorciste ? » Ce à quoi l’on pourrait rétorquer deux choses : j’ai pas mal d’idées de films, livres, etc., plus angoissants que L’Exorciste ; et même là, ce roman est à des années-lumière, en termes d’angoisse, du film de William Friedkin.
On est plus proche, ici, de la série de mangas Death Note (un démon laisse tomber un cahier sur terre qui permet, en y inscrivant un nom, de tuer la personne en question) que du long métrage à la bande-son signée Mike Oldfield. L’intérêt d’un récit souvent électrisant en moins.
Cette Horde ne décolle jamais, malgré quelques passages légèrement plus riches (mais jamais pleinement exploités), telle cette mise en abyme à la page 155, le démon comparant le jeu de poupées de Laure et son amie Élise avec son opération de possession. Trop analytique, trop cérébral, trop détaché, jamais viscéral ni réellement passionnant, La Horde ne captive pas malgré un style bien (trop ?) maîtrisé. Jusqu’au passage cité ci-après, qui s’applique parfaitement au roman lui-même, en une ultime mise en abyme peut-être.
Extrait : « Nous serions ainsi, Laure et moi, les prisonniers et les geôliers l’un de l’autre dans une existence sans air, sans solution. Toute possession est un échec, c’est ça la vérité, toute possession est un gâchis, et chaque pas vous enfonce un peu plus dans la monotonie. »
La Horde
Écrit par Sibylle Grimbert
Édité par les Éditions Anne Carrière
Truc de fou! O_O
Rien que l’extrait que vous proposez en fin de critique ôte effectivement toute envie de lire le bouquin!
Si tout est à l’avenant de ces deux phrases, je vois le truc d’ici : l’auteure intello-bobo qui a voulu faire cérébral là où il fallait faire viscéral.
Tout est assez à l’avenant, en effet. Il n’y a pas beaucoup d’émotion, de tension, de surprise dans ce livre. J’ai aussi pensé au côté « bobo-intello » (à une époque, c’était un peu la mode d’écrire des romas « classiques » en leur donnant des titres d’obédience fantastique, genre « La Compagnie des spectres »), mais il est impossible de savoir précisément l’intention de l’auteur. Du coup, je préfère ne pas m’engager sur ce plan… Ceci étant, c’est un livre qui laisse effectivement très froid. Tant qu’à faire, et si c’est l’intention de l’auteur de jouer sur ce plan, autant faire quelque chose de vraiment glaçant !