
#Critique La Piste cavalière de Michel Faure
Tu sais, c’est pas si facile d’être une femme libérée. Le grand philosophe, Christian Dingler, a parfaitement résumé l’affaire. Bon, c’était en 1985 et là, on est plutôt en 2016, mais ça marche quand même. Comme pour Être une femme de l’illustre sémiologue Michel Sardou en 1981. Entre, une très jolie histoire qui combat les stéréotypes. Sans bons sentiments et avec talent.
L’histoire : Betty et Rose-Mai, à la ville comme à la scène, forment un couple bien singulier. Deux jeunes femmes qui aiment les gros engins et les chevaux. Au point d’exceller dans un milieu réservé à la gent masculine. Au point également d’être vite jalousées voire embêtées. Et pas forcément par ceux que l’on croie.
Mon avis : c’est un petit extraterrestre que ce one shot. Pas par le dessin qui est objectivement d’une grande beauté, plutôt par le scénario. C’est un peu comme si on réunissait tous les clichés de la terre pour les démonter un à un sans pour autant tomber dans ledit cliché.
De façon moins conceptuelle, nous sommes en présence de deux jeunes femmes, qui s’aiment, une blanche et une métisse, qui travaillent à la campagne, qui sont des pros de la mécanique et qui pour l’une conduit un camion à fort tonnage et pour l’autre une pelle mécanique. Vous mélangez tout ça, vous le confrontez à une forme d’aristocratie anglaise et vous obtenez une histoire aussi émouvante que propice à la lutte des classes. À la lutte des sexes. À la lutte des générations. À la lutte des ethnies. À la lutte tout court.
Pour vivre comme on l’entend, en sortant des carcans et en épousant la liberté. Et là pas de tweet hastag #balancetonporc, juste une bonne mornifle quand un geste déplacé vient souiller le séant de ces demoiselles. Il n’y a pas de morale à deux sous, juste une très belle histoire.
Le cheval est le fil conducteur de ce récit. Il révèle souvent les caractères des humains qui les côtoient. Ils sont à leur avantage et dégagent une force brute assez dingue mais aussi pas mal de petites faiblesses.
C’est frais, c’est rythmé, c’est entraînant, c’est plaisant. J’ai beau chercher, je ne vois pas ce qui ne fonctionne pas dans cette BD.
En accompagnement : Alexandra Ledermann 8, les secrets du haras, sur toutes les bonnes consoles qui se respectent.
Si vous aimez : Bob le bricoleur, version filles.
Autour de la BD : à 70 ans, Michel Faure est un auteur accompli qui n’a pas besoin de pisser de la copie mais qui se contente du meilleur. On l’a vu il y a deux ans sur Le Baron fou et deux ans encore avant sur Camargue. Scénariste et dessinateur, un mec complet et au talent reconnu.
Extraits : « Mademoiselle Rose-Mai, entre vous et moi, ce sera comme aux temps de nos aïeux : un noir n’a pas le droit de parler à un blanc. Et je vous paye pour travailler. Attendez d’être loin de chez moi pour faire vos saletés. »
« Merde alors… Je croyais que ça n’existait plus des gens comme ça… »
« Le pire, c’est que ça a vraiment existé… Et il n’y a pas si longtemps. »
La Piste cavalière
Écrit et dessiné par Michel Faure
Édité par Glénat