
#critique La religion (1. Tannhauser) de Jacamon, Willocks et Legrand
Chrétienté contre islam dans la seconde moitié du XVIe siècle, cela donne le Grand siège de Malte. L’empire ottoman va-t-il coloniser l’Occident ? L’ordre de Saint-Jean de Jérusalem va tenter de s’y opposer et de le repousser hors de Méditerranée. Tous les expédients seront bons pour y parvenir.
L’histoire : Oh le joli mois sanglant de mai 1565. Malte, la très catholique, assiégée par les troupes de Soliman le magnifique, est défendue par La religion, a.k.a. les chevaliers hospitaliers. Le combat est perdu d’avance. Mattias Tannhauser, ancien janissaire, est le dernier espoir de la chrétienté.
Mon avis : Prévu en quatre tomes, ce début de récit est totalement réussi. Du point de vue de ce premier opus. Il nous donne envie de découvrir la suite. À la fin de cette ouverture, le décor est posé et les Turcs déferlent sur les murailles de la place forte du Borgo. Avec près de 60 000 hommes contre les quelque 6 000 chrétiens massés entre les murs de la citadelle, la partie est jouée. C’est quasi sûr. Et si Malte tombe, alors la chrétienté dans son entier sera menacée par les armées d’Allah.
Fidèle à l’histoire mais par essence romancée, cette intrigue est connue sous le nom de Grand siège de Malte. C’est le début et la fin de ce premier tome. Entre, Tannhauser, marchand d’armes et mercenaire, qui se veut commerçant prospère et uniquement cela, est embrigadé dans cette croisade défensive par la troublante servante Amparo et sa maîtresse, la belle Carla de la Penautier. Cette dernière, ancienne conquête d’un inquisiteur, Don Ludivico Ludovici, va retourner à Malte pour y retrouver le fruit de cette union interdite, son fils. Tannhauser sous le charme de cette noble va donc retourner au feu.
Personnage principal, ce trafiquant d’armes et d’opium, devenu agnostique, est un ancien partisan du Sultan. Un « malgré nous », converti gamin à l’islam et engagé lorsque des soudards tuèrent sa sœur et sa mère. Ce qui fait de lui un Devshirmé du nom de ces enfants enlevés par l’Empire ottoman et recrutés de force dans les pays des Balkans. Il connaît parfaitement les deux camps et sera, on le présume, le facteur X de ce combat par trop déséquilibré. Personnalité complexe, il n’hésite pas à se servir de son épée pour réparer les outrages subis par les siens.
La violence est ultra-présente comme le veut l’époque dans cette forme de guerre de civilisations. Que trépassent, si les chevaliers hospitaliers faiblissent. Ils sont les gardiens de l’Occident face à un Orient velléitaire qui vient de leur infliger une sévère déculottée au siège de Rhodes (1522).
Ce qui est aussi intéressant, c’est le rôle joué par les « purs et durs » catholiques dont le grand inquisiteur qui préfère faire la chasse aux Luthériens plutôt qu’à l’ennemi ottoman. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite, hein.
Si vous aimez : L’histoire des chevaleries chrétiennes.
En accompagnement : Le Rendez-vous des civilisations d’Emmanuel Todd.
Autour de la BD : Cette BD est directement adaptée du livre de Tim Willocks, qui s’est fait connaître en France avec La Religion. Au scénario, on retrouve Benjamin Legrand dont le palmarès éloquent parle pour lui. Luc Jacamon (Le Tueur) est un habile complice.
Extraits : « Et cette île perdue, où nous sommes, est le dernier rempart de la chrétienté. »
« Combien de temps nous reste-il ? »
« Dix jours ? Une semaine ? Peut-être moins, colonel… »
« Je croyais que nous avions encore un mois ! »
« Nous nous trompions… Notre renfort inattendu de 400 soldats espagnols et de 32 chevaliers de l’ordre tombe à point. »
« France, Provence, Auvergne, Italie, Castille, Aragon, Allemagne et Angleterre : les huit langues de notre ordre ont répondu à l’appel aux armes : au total 522 frères ! »
« Avec eux, nous avons 800 tercios espagnols et une quarantaine de gentilshommes aventuriers. »
« La milice maltaise dépasse à peine 5 000 hommes… »
« J’ai entendu dire que Soliman envoyait 60 000 gazi pour nous détruire. »
Sortie : 19 octobre, Casterman, 80 pages, 16,50€.