
#Critique La Saison de la sorcière : Magie fait de la résistance
Histoire à double visage, le roman de Roland C. Wagner mélange magie et internet, géopolitique brutale à l’américaine et résistance gouailleuse à la française. Un cocktail détonant et détonnant.
L’histoire : Des attentats magiques défraient la chronique : un ptérodactyle géant a fait disparaître la tour Eiffel, le château féerique de Schönbrunn a été transformé en bonbon, des statues de Mao ont ravagé Pékin… Les États-Unis ont à la fois constitué une armée de sorciers et débarqué dans nombre de pays du monde, notamment la France. Apparemment, une Résistance de magiciens s’est organisée. Et ne compte pas baisser les bras face à cette démonstration de force.
Mon avis : Il y a deux visages dans cette Saison de la sorcière, dont le titre évoque directement un film de 1973 de George A. Romero (Season of the Witch, où une femme découvre avec quelques amies qu’une femme du coin pratique la sorcellerie). Dans le roman du français Roland C. Wagner, une moitié du récit s’attache aux basques de Fric, récemment libéré de prison et embarqué dans la lutte contre l’occupant « tazu » (diminutif d’« étazunien »).
Cette partie du roman, avec ses personnages aux noms disparus au profit de surnoms gouailleurs (Lord, Vater Traüm, Tête de Maure), son langage populo et son antimilitarisme génétique, s’inscrit pleinement dans la littérature de l’imaginaire française. Et évoque, du côté de l’éditeur Bragelonne, un Dylan Pelot (Les Bracas), pour citer une publication assez récente. Le ptérodactyle en plein Paris fait aussi penser à Tardi et à son Adèle Blanc-Sec.
L’autre visage de cette « saison ensorcelée » se déroule sur le continent américain (même si les personnages concernés oublient le nom de ce pays poisseux et exotique sitôt les frontières franchies), et pêche son énergie du côté américain du roman. Une sorcière (une vraie de vraie… enfin… c’est plus compliqué que cela, et il faut aller jusqu’au bout du roman pour avoir le fin mot de l’histoire, littéralement) est capturée par des soldats, puis emmenée en France afin d’aider à la capture de la Résistance. Un perso comme Vater Traüm et la troupe de Résistants fait d’ailleurs penser aux Lone Gunmen de X-Files (dans le cas de Vater T, plus particulièrement à Langly).
Avec un Trump à la Maison-Blanche, un doigt sur le bouton « On » de la guerre nucléaire et l’autre recoiffant sa mèche affolée, un roman tel que celui-ci est évidemment – et malheureusement – d’actualité. Il est extrêmement bien écrit, ce qui n’enlève rien. On reste cependant un peu sur sa faim. Certes, il se termine sur un bon vieux Chuck Berry, mais on aurait souhaité qu’il se close sur quelque chose d’un peu plus… définitif et enlevé, à l’image du reste du récit.
Autour de l’œuvre : Ce roman de Roland C. Wagner a décroché les prix Rosny aîné et Bob Morane en 2004. Soit huit ans avant la mort tragique de l’auteur dans un accident de voiture. Wagner laissait alors une centaine de nouvelles et une cinquantaine de romans.
Extrait : « « Pourquoi ? » chuchota une voix féminine d’outre-tombe dans l’oreille de celui-ci.
Bon sang ! Voilà que la chose se mettait à parler maintenant ! Butch dut accomplir un effort de volonté considérable pour ne pas tirer son revolver d’ordonnance et en vider le chargeur sur l’ectoplasme.
Andy et Ted devaient avoir entendu la voix, eux aussi, car ils tournèrent soudain les talons pour se mettre à patauger dans le gué.
« Pourquoi ? répéta la silhouette vaporeuse.
– Parce que… nous avons besoin… de ta magie… pour combattre le Mal, haleta Butch avant d’accélérer le pas.
– Le Mal ? » s’étonna l’ectoplasme.
Ses yeux brillaient comme deux soleils en miniature, mais ils n’émettaient aucune chaleur. Rien que cette luminosité insoutenable. »
La Saison de la sorcière
Écrit par Roland C. Wagner
Édité par Les Moutons électriques