
#Critique L’Amant double
L’Amant double, nouveau thriller de François Ozon, est un film troublant, entre érotisme et psychanalyse, qui malgré son manque d’originalité, ne manquera pas de titiller les fantasmes du spectateur.
On suit le parcours de Chloé (la sublime Marine Vacth), une jeune femme troublée en pleine dépression, qui tombe amoureuse de son psy (le non moins séduisant Jérémie Renier). En somme, la protagoniste hitchcockienne parfaite, la blondeur en moins, avec tout ce que cela implique de positif (la fascination pour le trouble identitaire, la fragilité, l’inconscient) mais aussi de terriblement daté dans sa vision de la femme…
Ozon ne s’arrête pas à Hitchcock et multiplie les emprunts aux maîtres du suspens anglo-saxons (Cronenberg, De Palma, Polanski, Lynch…), parfois à l’excès, si bien qu’on en sort avec une impression un peu agaçante de déjà-vu. En cela, on peut rapprocher sa démarche à celle de De Palma dans Body Double qui signait un hommage vibrant à Hitchcock en s’appropriant son style et ses thèmes, pour un résultat qui par ailleurs portait sa propre identité et se démarquait avec brio. Ici, la sauce à la française prend un peu moins bien.
Certes, la photo est très belle. Le chef opérateur belge Manuel Dacosse, qui avait notamment signé le superbe La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, confirme son talent en travaillant une image en parfaite adéquation avec l’ambiance du film, à la fois sombre et élégante. Côté mise en scène et montage, c’est propre mais un peu trop sage, malgré une intrigue bien menée et quelques séquences très réussies, on a souvent l’impression que tout cela pourrait être plus fou, plus nerveux, plus prenant… Et puis cela souffre d’un certain manque de subtilité, avec une surenchère de plans en surimpression et d’effets de miroir qui insistent bien sur le thème du trouble de la personnalité… Rien de bien méchant, mais assez pour en agacer certains. Par ailleurs, les quelques fois où Ozon ose filmer la chair d’un peu plus près (un euphémisme quand on voit que le film s’ouvre sur l’intérieur d’un vagin en gros plan), il frise la vulgarité. N’est pas Cronenberg qui veut.
On en vient à la conclusion du film, qui malgré un plan final fort, a un petit arrière-goût de « tout ça pour ça ». C’est malheureusement le dilemme des films qui distillent beaucoup de mystère : trop expliquer quitte à décevoir le spectateur, ou bien ne pas en expliquer assez et le laisser sur sa faim. Ici, le pourquoi du comment peut décevoir par sa trivialité. On se dit qu’effectivement, ça alors ! Et puis on n’y repense plus tellement. Dommage car c’est un film qui donnait franchement envie de s’y perdre, de se laisser envoûter par ses comédiens et son ambiance pesante, hanter par son érotisme troublant, il s’en est fallu de peu. On se contentera de passer un bon moment de cinéma entre les mains d’un des rares réalisateurs français qui s’attaque encore à ce genre de films, et c’est déjà ça !
L’Amant double
Réalisé par François Ozon
Production France, Belgique
Sortie le 26 mai 2017
Avec Marine Vacth, Jérémie Renier