
#Critique Lemmy – White Line Fever
Les autobiographies dans le monde du rock sont une denrée assez rare… D’abord parce que les journalistes se chargent eux-mêmes de rédiger des ouvrages très complets sur le sujet et d’autre part parce que les artistes ont rarement envie de lever le voile sur leur passé parfois peu glorieux à certaines époques ! Heureusement, il y a Lemmy. Est-il besoin de présenter Lemmy Kilmister, figure emblématique du rock couillu, frontman charismatique du groupe Motörhead depuis plus de trente ans ? Eh bien s’il y avait besoin, le gars s’en charge très bien tout seul !

La version française – Camion Blanc
Lemmy a tout vu, tout vécu, tout survécu même. Né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il était là lorsque le rock’n’roll a vu le jour, a traversé les sixties en profitant à l’excès de tous les plaisirs de l’époque et a cessé de vieillir dans les années 70, période pendant laquelle il décide définitivement que sa vie sera dévouée à faire du rock ou ne sera pas. Il raconte tout ça d’un ton amusé et à peine nostalgique, égrenant les centaines de conneries qu’il a pu faire avec ses différents groupes, les milliers de filles qui sont passées dans son lit (et ailleurs), et bien sûr toutes les drogues qu’il a consommé, tout ça sans la moindre trace de moralisme ou de prosélytisme.
Il ne dit jamais « faites ci ou ne faites pas ça », il dit juste qu’il l’a fait et que c’était assez marrant ou selon son expression favorite, « intéressant » ! Prenez ce passage génial où après une prise de sang, son médecin lui déclare « le sang qui circule dans votre corps n’est plus de nature humaine. D’ailleurs, je vous déconseille de donner du sang. Vous tueriez une personne normale, tellement votre sang est toxique. » Pete Doherty peut aller se rhabiller !
C’est tout Lemmy ça… On lui annonce un truc pareil et ça le fait marrer ! Et nous, avec parce que qu’est ce qu’on rigole en lisant ce bouquin, entre les anecdotes de tournées hilarantes (les accidents à répétition de Philty, les embrouilles avec la police, les managers, les producteurs, les fans, etc.), les réflexions impitoyables sur les autres groupes (ou très généreuses, Lemmy étant un grand sentimental) ou encore les souvenirs de jupons, on a le choix !

Lemmy et Wendy O’Williams des Plasmatics
On découvre à ce propos un Lemmy à mille lieues de l’image macho qu’il veut bien se donner… Féministe dans le bon sens du terme, il aime les femmes qui le lui rendent bien. Il parle avec beaucoup d’émotion de l’amour de sa vie, morte d’overdose (ce qui l’a vacciné contre l’héroïne) et source d’une réflexion profonde sur le regard des autres (elle était noire et leur couple a subi toute l’ignominie des préjugés, d’un côté comme de l’autre, tout ça à l’époque du soi-disant « Peace & Love »).
Et puis, il y a la saga Motörhead. Chaque album est abordé avec franchise, humour et un luxe de détails pour les fans qui y trouveront leur bonheur et même au-delà. À cette occasion, on découvre que rien n’exaspère plus Lem’ que les gens qui lui parlent sans arrêt d’Overkill et d’Ace of Spades… Motörhead a eu une vie depuis, une carrière riche d’albums de grande qualité et Lemmy n’en est pas peu fier. Il suffit d’écouter Rock’n’Roll, 1916, Bastards, Snake Bite Love ou encore Kiss of Death pour s’en convaincre ! Sans parler des autres…
Et puis Lemmy parle de ses textes, que nombre de gens sous-estiment parce qu’après tout, ce n’est que du hard rock… Erreur grave ! Les exemples sont innombrables des fulgurances du bonhomme, en voici une tirée de No Voices In the Sky (1916), une charge impitoyable contre les religions : « You don’t need no going cross to tell you wrong from right, the world’s worst murderers were those who saw the light » (« tu n’as pas besoin d’une croix pour te dire ce qui est bien ou mal, les pires assassins sont ceux qui ont vu la lumière »). Que du hard rock hein ? Après, le message balancé en ouverture d’Overkill (« Only way to feel the noise is when it’s good and loud ») peut sembler simpliste, mais en même temps, peut-on faire plus direct et authentique? Plus VRAI ?
On sort donc de White Line Fever avec un sourire réjoui sur le visage, une pêche d’enfer et l’envie de se replonger dans la discographie fournie du groupe anglais le plus bruyant de tous les temps avec dans les tripes une impatience brûlante de revoir Motörhead sur scène très bientôt, ce qui n’arrivera malheureusement plus puisque malgré l’impression donnée par ce livre, Lemmy n’était finalement pas increvable…