On a lu…Miracleman (T.03) d’Alan Moore

On a lu…Miracleman (T.03) d’Alan Moore

Note de l'auteur

C’est l’histoire d’un homme qui a oublié qu’il était un super héros. C’est l’histoire d’un monde qui va le découvrir et changer à jamais. Avec la sortie du troisième tome de Miracleman, c’est également l’histoire d’une œuvre qui va pouvoir être enfin estimée à sa juste valeur en France.

 

Miracleman_1_Preview_3-600x911L’histoire : Michael Moran est journaliste indépendant. Il a une vie tranquille auprès de son épouse et doit faire avec un travail difficile. C’est un homme simple mais qui rêve parfois d’une autre vie. Alors qu’il couvre une manifestation contre le nucléaire, des voleurs débarquent et prennent en otage les manifestants. Au cours de l’attaque, une révélation apparaît à Michael, un nom « Kimota ». En le prononçant, il se transforme en un être surpuissant : le super héros Miracleman. Le voila de retour après des années d’absence, mais sa présence pose plus de questions qu’autre chose. Où était-il passé durant toutes ces années ? Pourquoi Michael ne se souvient de rien ? Que sont devenus ses compagnons Young Miracleman et Kid Miracleman? Mais surtout pourquoi personne ne se souvient que les super héros existaient réellement ?

 

Autour de la BD (1ère partie) : Autrefois appelée Marvelman, la série fut créée par Mick Anglo en 1954 afin de combler l’arrêt de la publication en Angleterre de la série de DC Comics, Captain Marvel (plus connu aujourd’hui sous le nom de Shazam). Ni une, ni deux, l’éditeur demande donc à Mick Anglo de créer un personnage équivalent. Marvelman était né et ses aventures allaient durer jusqu’en 1963. Faisons un bond dans le temps pour arriver en 1982, où l’éditeur Dez Skinn décida de relancer la série et confia le projet à un tout jeune scénariste : Alan Moore.

 

Mon avis : Œuvre trop peu connue en France du fait de son édition chaotique, Miracleman est, au même titre que V pour Vendetta et Watchmen, une des séries capitales d’Alan Moore. Elle peut d’ailleurs se voir comme le lien entre l’histoire de l’anarchiste dans une Angleterre fasciste et le récit de ce groupe dysfonctionnel de super héros à la veille d’un nouveau conflit mondial. Cet aspect multiculturel fait la grande force de Miracleman. Totalement ancrée dans le genre superhéroïque, la série n’en reste pas moins empreinte d’un radicalisme propre à la production anglaise de l’époque.

 

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Proposant des moments d’une grande violence (notamment lors d’un final apocalyptique) et n’hésitant pas à montrer les corps dans toute leur nudité, Miracleman fait partie de ces œuvres qui ont tenté de pousser les limites du média. Et encore aujourd’hui, une scène comme l’accouchement de Liz Moran serait impensable dans la production de Marvel ou DC. Combinée à une réflexion intéressante et novatrice, cette audace portera ses fruits en révélant alors une scène anglaise prompte à insuffler un vent nouveau sur la production américaine. Ce qu’elle fera quelques années plus tard à travers le label Vertigo.

 

Connu pour être un destructeur d’emblèmes afin de mieux les faire renaître, Alan Moore expérimente ici des idées qu’il réutilisera par la suite. Dans une sorte de mise en abyme metatextuel de l’œuvre, le scénariste de La Créature des marais va s’efforcer de moderniser une figure totalement ancrée dans l’âge d’or. La période d’oubli de Michael Moran et le gap entre sa dernière aventure et son retour justifie au sein de la fiction la fin de la publication de la série et sa relance en 1982. Plus fort encore, dans une démarche respectueuse mais également osée, Alan Moore va redéfinir les origines du héros afin de rendre crédible l’existence d’un personnage coloré dans la noirceur d’un univers réaliste.

 

miracleman-15-03-panelCette approche va conférer à l’œuvre une modernité incroyable posant les bases d’une réflexion sur la figure du super héros qui ira très loin. En effet, en découvrant sa véritable origine bien éloignée de celle, très folklorique, qu’il a toujours connue (ainsi que le lecteur), Miracleman va peu à peu se détacher de sa propre humanité pour évoluer vers un autre statut. Les aventures racontées dans ces trois volumes contenant tout le travail d’Alan Moore sont autant de récits superhéroïques baignés de méchants, de super méchants, de monstres et d’actes glorieux qu’un parcours initiatique qu’emprunte le héros pour atteindre la divinité. Jamais le scénariste n’avait autant fait le rapprochement entre la figure du super héros et celle du dieu. Se faisant dans la douleur (autant celle du personnage que celle de l’humanité), cette évolution va permettre également à Moore d’explorer l’impact de tels êtres sur la société humaine faisant au final de Miracleman le parfait complément d’un Watchmen.

 

Si vous aimez : Alan Moore, les super héros et même si vous les aimez pas d’ailleurs.

 

Autour de la BD (2ème partie) : Neil Gaiman prit la suite d’Alan Moore en 1990 pour un run tout aussi marquant mais entre problèmes économiques des différents éditeurs et conflits juridiques entre les ayants droit, la série fut bloquée durant plusieurs années et l’auteur de Sandman ne put alors terminer son projet. C’est seulement en 2009 que Marvel récupère l’ensemble des droits. Ayant dans un premier temps publié les épisodes de la série originale, l’éditeur des Avengers a ensuite réédité le run d’Alan Moore (en respectant le souhait du scénariste de ne pas citer son nom d’où l’emploi du terme « scénariste originel » dans la promotion) et s’apprête dorénavant à publier celui de Neil Gaiman que ce dernier pourra alors terminer.

 

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Sortie le 03 juin 2015 du troisième tome contenant les derniers épisodes d’Alan Moore. Editions Panini. 144 pages. 14,95 €

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