
#Critique : Paradigme pornographique (The Deuce / HBO / OCS)
L’année passée, HBO échouait – dans des proportions spectaculaires – avec Vinyl, une fresque musicale déjà située dans le New York des années 70. Mais la proximité avec The Deuce s’arrête là. David Simon prolonge ici une œuvre remarquable par une nouvelle saillie sociale et romanesque. Indispensable !
« The Deuce » est un terme à multiples significations. Les férus de Tennis penseront immédiatement à cette situation égalitaire durant laquelle les deux joueurs sont à 40 partout. En baseball, l’expression sert à désigner une balle courbe. David Simon et George Pelecanos auront certainement pensé à ses particularismes secondaires. Mais le titre choisi par les deux créateurs de la série fait plus simplement référence à la 42ème rue, plus spécifiquement au quartier délimité par les 7ème et 8ème avenue, à New York donc. Ce bloc incluant Times Square regroupe – encore aujourd’hui – de nombreux cinémas mais, plus spécifiquement, le duo s’intéresse ici à l’émergence sur place du cinéma porno à partir de l’année de grâce 1971.
Néanmoins, et comme souvent avec David Simon, la série déborde très largement de son sujet. Il suffit pour cela de s’intéresser à la gestation du projet. À l’époque du tournage de Treme, un assistant régisseur était venu les trouver pour les convaincre de rencontrer le propriétaire d’un bar installé dans ce quartier et sous l’emprise de la mafia de l’époque. Il leur raconte tout un écosystème local et notamment sa transition vers le porno. Le duo est fasciné et décide de s’inspirer très librement de leur source/témoin pour en faire leur double personnage principal.
Double car il avait un jumeau souvent endetté. Dans The Deuce, c’est Vincent et Frankie Martino, interprétés par le même James Franco. Malgré leurs tempéraments différents, il n’est pas aisé de distinguer qui est qui (bien qu’une balafre tente de nous guider). Il faut reconnaître que c’est une constante des séries estampillées Simon et The Deuce n’y fait pas exception en développant un vaste ensemble de personnages.
Franco est très adroit dans une reconstitution qui lui correspond bien. Il bénéficie surtout d’un personnage bien plus nuancé que celui qu’il tenait récemment dans 11.22.63.
Mais on retiendra surtout la performance monumentale de Maggie Gyllenhaal. Dans un rôle bien plus expansif que l’intimiste – mais déjà remarquable – Nessa Stein pour The Honourable Woman, Gyllenhaal brille de mille feux alors que la trajectoire de son personnage (Candy) décline de manière implacable.
Les trajectoires, justement, se croisent sans cesse et le téléspectateur de ressentir parfois le début d’une frustration tant il aimerait pouvoir prendre le temps de s’appesantir avec des personnages tous plus fascinants les uns que les autres.
Parallèlement, l’évolution de ce business sulfureux et ses conséquences sociétales génèrent des enjeux multiples, décuplant ainsi l’intérêt au fur et à mesure que les épisodes s’enchaînent.
D’après George Pelecanos, The Deuce aurait été pensé sur trois saisons pour trois époques successives. On ne peut que lui souhaiter d’accomplir jusqu’au bout ce triptyque qui débute de manière admirable.
THE DEUCE (HBO) saison 1 en 8 épisodes,
diffusés sur OCS dès le 11 septembre.
(1er épisode déjà disponible sur OCS Go)
Série créée par George Pelecanos et David Simon.
Épisodes écrits par Megan Abbott, George Pelecanos, Richard Price, Will Ralston, David Simon et Chris Yakaitis.
Épisodes réalisés par Michelle MacLaren(1 & 8), Ernest R. Dickerson (2), James Franco (3 & 7), Alex Hall (4), Uta Briesewitz (5) et Roxann Dawson (6).
Avec Maggie Gyllenhaal, James Franco, Gary Carr, Margarita Levieva, Lawrence Gilliard Jr., Dominique Fishback, Emily Meade, Gbenga Akinnagbe, Emmanuel Akoto, Chris Bauer, Chris Coy, John Druzba, Kayla Foster, Anwan Glover, Don Harvey, Natalie Paul, Michael Rispoli, Daniel Sauli et Method Man.
Musique (composition et supervision) par Blake Leyh.
Visuel d’ouverture : Paul Schiraldi © 2017 Home Box Office, Inc. All rights reserved. HBO ® and all related programs are the property of Home Box Office, Inc.
Clair que ça rappelle Vinyl, dont je ne ferai jamais assez le deuil.
Encore une série à ajouter à ma collection de trucs à regarder, j’en ai plus qu’une dizaine à rattraper. Quelqu’un a une vie en rab à me prêter ?