
On a lu…Paul Dini présente Batman (T.3)
Avec la sortie du troisième et dernier volume de Paul Dini présente Batman, nous voici arrivés à la fin d’un cycle passionnant d’un auteur qui a su gérer au mieux les contraintes éditoriales pour offrir des histoires dignes héritières de l’œuvre qui a fait connaître le papa d’Harley Quinn.
Avec la disparition de Batman, suite à sa confrontation fatale avec Darkseid, un nouveau Batman fait son apparition à Gotham City. Comment la police de Gotham va-t-elle appréhender ce « nouveau » Chevalier Noir ? Sera-t-il seulement à la hauteur de son modèle ? C’est ce que le commissaire Gordon s’apprête à découvrir alors que Firefly déclenche une série d’incendies dévastateurs dans toute la ville. Au même moment, le milliardaire Bruce Wayne et ses projets de rénovations font les gros titres des journaux, s’attirant inexplicablement l’hostilité de Batman, Robin et des membres de la Justice League.
S’inscrivant dans un nouveau départ pour Batman après les événements contés dans Infinite Crisis (dont le dernier volume sort au mois d’avril chez Urban), le début de cycle de Paul Dini sur Detective Comics était le parfait complément du travail de refonte que Grant Morrison effectuait au même moment. Tandis que le génial Écossais s’amusait à donner un fils à Bruce Wayne et à tisser les fils d’une grande trame narrative, le scénariste de Batman – The Animated Series construisait des épisodes solides mettant en valeur l’aspect « détective » du personnage. Le tout avec son style habituel et son amour pour les frappadingues.
Petit à petit, le papa d’Harley Quinn allait changer la perspective de son récit. Batman restait la figure centrale de la série mais en restant plus en retrait, devenant une sorte d’observateur actif des mésaventures d’une galerie de personnages. Si cet état de fait n’est pas continuel dans les épisodes de Detectives Comics, il en est par contre la colonne vertébrale de Street of Gotham dont nous découvrons les épisodes dans ce troisième recueil. Alors qu’on assiste de nouveau à une redistribution des rôles au sein de Gotham, Dini va tirer son épingle du jeu afin que sa série ne soit pas une copie des autres.
Dick Grayson est donc devenu Batman à la suite de la mort de Bruce Wayne et, tandis que Grant Morrison nous raconte ses premiers pas au côté d’un nouveau Robin (Damian Wayne) dans Batman & Robin, Judd Winick va quand à lui s’occuper de la main mise de Black Mask sur Gotham. Bien que présent dans la série, ces éléments vont surtout servir de contextes sur lesquels le scénariste va prolonger son travail entamé dans Detective Comics et Batman – TAS. Plus que jamais, Paul Dini va se servir de l’incroyable galerie des personnages de l’univers de Batman pour en faire les acteurs principaux de ses récits mettant ainsi d’avantage en valeur le Chevalier Noir. Ceux qui se souviennent de l’incroyable épisode de Batman – TAS : Almost Got ’Im dans lequel Killer Croc, le Joker, Double-Face, Poison Ivy et le Pingouin s’échangent des histoires sur la manière dont ils ont failli avoir Batman, ne seront pas dépaysés par l’ambiance de Street of Gotham.
Ainsi après une première histoire classique dans laquelle Batman tente d’arrêter Firefly (mais où déjà Harley Quinn fait un peu des siennes), le héros prend du recul et laisse les autres parler pour lui. Contre Victor Zsasz, c’est Damian et son nouveau copain de jeu qui mèneront la danse. Plus tard, c’est au travers du Courtier et du Charpentier que l’histoire se déroulera. Deux personnages à la fonction fascinante (le premier trouve et loue les bâtiments servant de QG au vilain, la deuxième les retapes aux goûts des nouveaux propriétaires) qui confirment le talent de Dini dans la création de personnages captivants et décalés.
Ce choix narratif porte ses fruits quand arrive le retour de Bruce Wayne. Événement majeur du run de Grant Morrison avec lequel les autres scénaristes doivent composer, il est ici une simple donnée parfaitement intégrée à l’histoire et cela malgré le fait qu’il se déroule en plein milieu d’un arc. Relié à une grande œuvre, le travail de Dini n’en reste pas moins totalement indépendant et ne dévie jamais de sa route. Toutes ses qualités, combinées aux dessins d’un Dennis Nguyen en grande forme, font de cette fin de cycle un excellent moment de lecture. Tout le talent de Dini explose dans un final haletant conjuguant à la fois les figures mafieuses de Gotham et les monstres hauts en couleur. Une manière de dire que les uns n’ont pas vraiment remplacé les autres mais que tous évoluent au sein d’un même écosystème auquel ils sont tous liés. Cela particulièrement face à un passé prompt à revenir éclabousser le présent comme le montre le sommet du tome, La maison de Silence, et son histoire liée aux parents de Bruce et Tommy Elliot.
La lecture des derniers épisodes de Paul Dini nous laisse sur des sentiments contradictoires pourtant. À la fois heureux d’avoir lu de si bonnes aventures, mais également déçu de constater à quel point le relaunch qui se profilait allait effacer certaines bonne idées, la relation Batman/Catwoman en tête. Il n’en reste pas moins qu’en trois volumes, voilà un cycle qui reste un des grands moments de la vie éditoriale récente de la chauve-souris. En attendant le prochain auteur à venir.
Paul Dini présente Batman – Tome 3 : Les rues de Gotham (DC Signatures, Urban Comics, DC Comics) comprend les épisodes US de Streets of Gotham #1 à 4, #7, #10 à #14 et #16 à #21.
Écrit par Paul Dini
Dessiné par Dennis Nguyen
Prix : 28 €