
On a (aussi) lu…Polar (T.1) de Victor Santos
Après le surprenant Golem chroniqué cette semaine par le compère martien Mathieu Poitier, nous revenons aujourd’hui sur l’excellent Polar. Une histoire dont les influences dépassent largement le cadre du comic-book.
Ça raconte quoi ?
Black Kaiser est un agent secret qui coule une retraite peinard dans un chalet perdu au fin fond de la montagne. Après des années d’assassinats et d’espionnage, il n’aspire qu’à la tranquillité. Pas de bol, un groupe de soldats vient pour l’envoyer six pieds sous terre, sur les ordres de l’agence Damoclès. Les inconscients neutralisés et enterrés, Black Kaiser part en quête de son ancien employeur afin de lui expliquer fermement la définition du mot « retraite ».
C’est de qui ?
Polar – Venu du froid est écrit et dessiné par Victor Santos, un artiste espagnol dont on a déjà pu voir le travail chez Glénat avec les titres Furious et Black Market.
Pourquoi t’as tiré la tronche quand tu l’as reçu ?
Ben, parce que c’est de Victor Santos justement ! Parce qu’il faut bien l’avouer, si Furious est sympathique mais quelconque, Black Market fait partie des titres les plus mauvais de l’année 2015. On en a causé pas plus tard qu’il y a quelques mois, et aujourd’hui on peut imaginer que l’échec qualitatif est plus dû à Frank J. Barbiere qu’à Victor Santos.
Ha ! parce que c’est bien Polar ?
Oh que oui !
Si d’emblée le choix graphique de Victor Santos semble nous obliger à établir instinctivement une comparaison avec Sin City, la lecture de Polar révèle rapidement une personnalité propre, construite sur des influences beaucoup plus variées que la seule œuvre de Frank Miller. Nous ne sommes pas dans une ville pluvieuse et anxiogène (renforcé par une construction verticale des planches) mais dans un environnement ouvert, dopé par le format italien (c’est-à-dire, horizontal) et modifiant la donne quand à la composition des planches, le rythme et l’atmosphère. Santos s’amuse également à construire des scènes au sein de son cadre. Il attire l’attention, il casse régulièrement sa structure pour créer du suspens et du rythme. Si ces procédés font penser à ce que peut faire récemment un Andrea Sorrentino ou ce que nous à offert Jim Steranko (à l’époque de Nick Fury, Agent of S.H.I.E.L.D.), l’auteur revendique pour sa part l’influence¹ de l’anthologie Grendel Red, Black and White de Matt Wagner et consorts.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la simplicité de l’intrigue ainsi que celle, de prime abord, du dessin ne desservent pas l’œuvre. Elles en renforcent au contraire l’impact. C’est encore plus frappant après un Black Water imbuvable par sa propension à se prendre les pieds dans le tapis à force de jouer sur les flash-backs et autres allers-retours. En déroulant une histoire allant d’un point A à un point B, Santos se débarrasse de toutes lourdeurs et s’octroie alors le temps nécessaire pour construire une mise en scène solide dans laquelle les armes parlent plus que les hommes. À ce titre, il n’est d’ailleurs guère étonnant qu’au détour d’une case, il cite Sergio Leone et Jean-Pierre Melville (L’Armée des ombres, Le Samuraï, Le Cercle Rouge), deux apôtres de l’efficacité dans la lenteur.
Mais alors c’est comme Tarantino hé ! Ça repompe à droite, à gauche et c’est marre.
Bon alors, déjà tu te permettras ce genre de remarque sur Quentin quand tu seras capable de capter toutes les références sans les avoir lu ailleurs et quand tu cesseras de tout faire revenir à Sin City en voyant une œuvre en noir et blanc. Toutefois, on ne va pas se mentir, Polar est traversé d’influences mais de la même manière que pour d’autres grands auteurs, Victor Santos a su assimiler celles-ci pour créer quelques choses de personnel. L’efficacité de l’œuvre compensant alors la simplicité de l’histoire.
Polar – Venu du froid (Glénat Comics, Glénat, Dark Horse)
Écrit et dessiné par Victor Santos
Prix : 15.95 €