
#Critique : prolongement stérile (Top of the Lake s2 / Arte)
En se transposant d’un coin reculé de Nouvelle-Zélande vers les faubourgs balnéaires de Sydney, Top of the Lake s’est muée en un tout autre animal. Mais ne vous fiez pas à l’ajout du sous-titre “China Girl”, il s’agit simplement d’une saison 2 dépourvue de l’ambition de la première.
Quatre ans après les événements de la “minisérie” originale, Robin Griffin quitte son village natal de Laketop (en Nouvelle-Zélande donc) pour reprendre du service en tant qu’inspectrice de police à Sydney. Ses exploits pour démanteler un réseau de pédophiles ne sont pas passés inaperçus mais ses collègues – masculins – semble retenir uniquement le fait qu’elle ait ouvert le feu sur un flic. Visiblement marquée par son départ, dont les raisons nous échappent encore, Robin doit faire ses preuves. Et cela commence par une affaire de femme retrouvée sans vie dans une valise échouée sur la plage…
De Moke Lake à la Mer de Tasman, la continuité de l’élément liquide sert immédiatement de repère. Mais là où il était synonyme d’une source de vie durant la saison 1, il devient un vecteur de vide et agit en creux pour initier un récit paresseux. On comprend rapidement que les auteurs se sont laissé aller à un simple jeu de miroir. Il est désormais question d’immigrées asiatiques exploitées dans une maison close en lieu et place des victimes enfantines.
Top of the Lake prend également bien soin d’entretenir sa réflexion sur la question féministe. Cela passe une nouvelle fois par deux figures aussi influentes qu’imparfaites. À Holly Hunter et Peter Mullan (dans la saison 1) succèdent Nicole Kidman et David Dencik. Le personnage de Kidman – que l’actrice australienne interprète pourtant avec conviction – symbolise justement toute la faillite des enjeux de cette saison 2. Son personnage arborant fièrement les convictions d’un féminisme militant est bouffi d’incertitudes et opte systématiquement pour la fuite face à l’adversité, au mépris de tout ce qu’elle prétend être.
Si ces six nouveaux volets parviennent à se maintenir à la surface, c’est uniquement grâce au talent d’un casting remarquable. Signalons notamment trois actrices dont la bouleversante Alice Englert (Jonathan Strange & Mr. Norrell) avec un personnage qui offre un contrepoint bienvenu face à celui de Kidman. À ses côtés, Gwendoline Christie impressionne dans une performance touchante à des années-lumière de son personnage dans Game of Thrones. Et Elisabeth Moss se signale à nouveau par un talent et une justesse à couper le souffle.
Pour China Girl, leurs trois parcours dessinent les plus belles séquences écrites par Jane Campion et Gerard Lee. Il y est principalement question de relations mère-fille, ainsi que de la maternité. Il s’en détache une force que l’on devine comme une volonté de réaction des auteurs face au mal qu’ils dressent par ailleurs. Au final, leurs tentatives laissent le plus souvent désorienté mais ces échanges sont, de loin, les plus belles respirations en saison 2.
Elles rappellent aussi cruellement que Top of the Lake n’a plus la même ambition formelle. Oublié ce magnifique plan-séquence durant lequel on suivait en travelling la jeune Tui sur son vélo durant les débuts de la série. On regrettera ainsi tout le talent du chef opérateur (Adam Arkapaw) du premier opus. La photographie reste très soignée mais la⸱e sériephile averti⸱e n’y verra rien de plus que dans un bon Nordic Noir.
À l’heure où l’on s’attarde à débattre de l’éventualité du caractère “filmique” pour une série, Top of the Lake vient rappeler de manière cinglante qu’un⸱e cinéaste ne transcende pas systématiquement son art quand la durée s’étire !
TOP OF THE LAKE: CHINA GIRL saison 2 en 6 épisodes.
Diffusés sur ARTE dès le 7 décembre.
Série créée et écrite par Jane Campion et Gerard Lee.
Épisodes réalisés par Jane Campion et Ariel Kleiman.
Avec Elisabeth Moss, David Wenham, Alice Englert, Ewen Leslie, Nicole Kidman, David Dencik, Gwendoline Christie et Clayton Jacobson.
Photographie de Germain McMicking.
Musique originale de Mark Bradshaw.
Visuel : Lisa Tomasetti © See Saw Films, Fulcrum Media Finance, Media Super, BBC, BBC Worldwide Australia & New Zealand, Sundance TV, avec la participation d’ARTE France.