
CRITIQUE : PULP DE FLORIAN HABICHT
Autodérision et panache. Deux atouts maîtres de Pulp qui offre au rock britannique des années 90 quelques-uns de ses plus brillants singles, des titres irrésistibles et dansants. Pulp sait aussi se montrer plus sombre et bouleversant, comme sur l’immense This is hardcore, à la fin de la décennie. Pulp ou les rêves de gloire de l’extravagant parolier et chanteur Jarvis Cocker… Celui-ci crée le groupe à Sheffield en 1983 alors qu’il est encore un ado dégingandé, à la dentition approximative (c’est lui qui le dit au NME), condamné à porter des lunettes pour couronner le tout. Dans ces conditions, quoi de mieux qu’un groupe de rock pour séduire les filles ? Pulp galère tout au long des années 80 et ne perce vraiment que durant la décennie suivante, alignant les tubes et s’imposant comme une coqueluche du rock indé, avant de se séparer en 2002.
Pulp n’échappe pas à une reformation en 2011 pour une série de concerts qui les conduit le 8 décembre 2012 à Sheffield. Retour à la case départ donc et dernier concert d’une tournée auquel s’attache le réalisateur allemand, Florian Habicht. Il en tire la matière de son documentaire sobrement intitulé Pulp et vendu comme « A film about life, death & supermarkets« . L’idée originale de Florian Habicht, c’est de s’intéresser pour l’occasion aux habitants de Sheffield et ce qui les relie à Pulp. Le journal The Star fait un titre sur le concert et s’interroge (« Last concert ? »), Hallam FM parle de l’événement, deux vieilles Anglaises font des suppositions sur la parenté de Jarvis Cocker avec Joe Cocker, encore de ce monde au moment où les images sont tournées. Des moments saisies par la caméra qui va aller ainsi à la rencontre de divers habitants dans cette ville industrielle du nord de l’Angleterre, où le chanteur de Pulp a dû travailler dans une poissonnerie, se récurant ensuite les mains à l’eau de javel pour faire passer l’odeur.
Et le film avance ainsi par petites touches. Jarvis Cocker livre ses impressions, Candida Doyle évoque ses débuts dans le groupe et son arthrite, deux enfants devant une maison en briques rouges réagissent à l’écoute de Disco 2000, une chorale répète Common People, une fan venue d’Amérique témoigne… Autant de moments sympathiques qui ne suffisent malheureusement pas mis bout à bout à constituer un tout convaincant. Le film souffre d’un manque de direction à multiplier les approches, ce qui le rend frustrant. L’idée de départ ne se concrétise pas vraiment à l’écran et le spectateur se demande s’il a sous les yeux un documentaire sur Pulp, les préparatifs d’un concert de Pulp, la ville de Sheffield, les textes de Jarvis Cocker, les fans… Bref, Florian Habicht ne tranche pas et se retranche derrière ses vignettes. La réalisation, plutôt terne, ne tire pas non plus Pulp vers le haut. L’ensemble manque de souffle contrairement à son sujet qui se démène sur scène. L’adolescent de Sheffield a laissé place à un quinquagénaire fringant qui en impose toujours sur scène. Au final, ce que le groupe a inspiré de mieux à une caméra reste encore à ce jour le clip de This is 1ardcore, un petit bijou.
Pulp de Florian Habicht, 2014, 1h30, en salles le 1er avril 2015.