Radiohead – A Moon Shaped Pool (XL Recordings)

Radiohead – A Moon Shaped Pool (XL Recordings)

Note de l'auteur

radiohead-new-album-a-moon-shaped-pool-download-stream-640x640Qu’on les adore ou qu’on les déteste, qu’on les suive depuis toujours ou qu’on vienne de sortir d’une longue hibernation et qu’on les découvre tout juste, Radiohead fait à jamais partie de ces groupes mythiques qui aujourd’hui, n’ont plus grand-chose à prouver. Et pourtant, avec leur neuvième opus, il montre une nouvelle fois, qu’il est l’une des seules formations à apporter du sang neuf dans le petit monde saturé du rock britannique. Cinq longues années après le très minimaliste et désincarné The King of Limbs, voici donc Thom Yorke et sa clique de retour avec un album délicat, rempli de fulgurances soniques. Le quintet anglais retrouve ici, une musicalité qu’il avait mise de côté pendant un moment. A Moon Shaped Pool, sorti d’abord en digital sur le net, sera disponible en CD et vinyle dans les semaines à venir. Celles et ceux qui ont eu la chance de l’écouter, ont pu se perdre avec délectation dans les méandres de cette nouvelle cuvée 2016.

 

En 2011, le groupe sortait The King of Limbs, certainement l’album le moins abordable de leur discographie. Un étrange objet complexe, froid et labyrinthique, dans lequel les nappes de synthés avaient définitivement pris le pas sur les instruments dits plus traditionnels. Sans pour autant se renier, avec A Moon Shaped Pool, Radiohead laisse les sonorités plus organiques et instrumentales reprendre leur place. Ce neuvième album pourrait presque s’apparenter à une synthèse de la carrière du groupe. On y retrouve la richesse mélodique de OK Computer qui se mêle aux expérimentations électroniques de Kid A et Amnesiac, tandis que l’album In Rainbows apporte lui, sa richesse de compositions merveilleusement ciselées. Ce nouvel opus montre toute la palette du groupe à travers des arrangements éthérés et inspirés, nous conviant à un voyage pop en plein spleen, dont lui seul a le secret. À force de triturer les sonorités, les cinq orfèvres vétérans (30 ans de carrière tout de même), parviennent à nous offrir certainement l’un de leurs meilleurs albums. La mélancolie qui en découle n’est pas de celle qui vous plombe, au contraire, il émane d’elle, une luminosité fragile et vacillante. Se jouant des textures sonores, Radiohead accouche d’un écrin dont le cœur renferme des compositions pleines d’amplitude et d’élégance.

 

radiohead-daydreamingLe second titre dévoilé, intitulé Daydreaming en est un parfait exemple. Sa lente progression mélancolique accompagnée de quelques notes de piano sur laquelle vient se poser la voix apaisée de Thom Yorke, est à l’image de l’album. Aussi hypnotiques, qu’impalpables, les morceaux s’enchaînent dans une incroyable cohérence. Thom laisse de côté ses gémissements et ses vocalises geignardes et maussades pour revenir à une voix plus affirmée, plus audible et moins capricieuse. On retrouve avec délectation ce qui nous a séduits dans les premières heures de la formation. Après l’ambiance anxiogène et claustro de The King of Limbs, le groupe reprend une bouffée d’oxygène. Une respiration salutaire pour les fans de la première heure, qui craignaient que le groupe ne se retrouve dans une impasse artistique, une forme d’autisme musical. Mais c’est sans compter sur la faculté qu’a la groupe à se remettre en question. Peut-être ce second souffle est-il aussi dû à la présence sur l’album du London Contemporary Orchestra. Dès le premier titre, le magnifique Burn the Witch et ses violons sous tension, l’orchestre londonien apporte un souffle qui traverse absolument tous les morceaux. Violons et chœurs trouvent parfaitement leur place et donnent à certains morceaux comme Glass Eyes ou Decks Dark des textures et des ambiances sonores pleines de variations. A Moon Shaped Pool revient aux fondamentaux tout en explorant de nouvelles voies, nous offrant une infinité de tonalités.

 

Qu’elle soit aérienne, sensuelle, lumineuse, sombre ou encore mélancolique, la musique de Radiohead et mue par cette inexorable soif d’expérimentations. De cette envie de toucher à tout, de prendre des risques et d’affronter le vide, résulte un album caméléon. La délicatesse folk de Desert Island Disk, la douceur et la rondeur bossa de Present Tense, la pop au parfum très 70’s de The Numbers, ce nouvel album des Anglais déploie des trésors mélodiques qui dévoilent un peu plus de leurs secrets à chaque écoute. En retournant à certains fondamentaux sans pour autant revenir en arrière, ils nous offrent une expérience musicale riche et émouvante. En atteste le dernier titre, True Love Waits, joué pour la première fois en 1995 mais qui n’était apparu sur aucun disque à ce jour, si ce n’est sur un EP live. Troquant la guitare acoustique pour un piano aux sonorités fantomatiques, le morceau se voit métamorphosé, symbole du retour aux sources d’un groupe qui ne cesse de se réinventer. Son aura reste intacte et sa pertinence est toujours de mise, même après 5 ans d’absence. Radiohead sait se rendre parfaitement indispensable et ce, depuis plus de 30 ans. Chapeau, les gars !

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