
#Critique Rogue One : A Star Wars Story
Premier opus de la franchise Star Wars à dévier de la saga sur les Skywalker, Rogue One se focalise sur une parenthèse historique du règne impérial : le vol des plans de l’Étoile de la mort. Le résultat nourrit-il toutes les espérances ?
Sur ses deux premiers films, Gareth Edwards s’est fait un malin plaisir de prendre le contre-pied de son audience, s’écartant à chaque fois du titre pour parler d’autre chose. Dans Monsters, il est moins question de créatures géantes que d’une relation humaine et du voyage dans la nature qui en découle, le tout dans une ambiance souvent contemplative. Après cette première incursion réussie dans le cinéma indépendant, le filou s’est vu confier par la Warner Bros le soin de ranimer un colosse en sommeil depuis 1998 sur le sol américain : Godzilla. Là encore, sa proposition artistique n’a pas forcément répondu à toutes les attentes des spectateurs, Edwards optant pour une sous-utilisation du kaijū, dont le temps de présence à l’écran fut réduit à une portion quasi-lilliputienne. Le réalisateur britannique était donc tout indiqué pour apporter une texture différente à l’univers imaginé par George Lucas.
Rogue One raconte avec force détails la mission suicidaire d’une bande de rebelles visant à subtiliser les plans de l’Étoile de la mort pour porter un coup fatal à l’Empire. Situé entre La Revanche des Sith et Un nouvel espoir, il s’agit de la pièce manquante permettant d’expliquer le caractère périlleux de cet épisode précis et de mettre en lumière les visages ayant contribué à faire vaciller le régime sanguinaire de Palpatine.
Un équipage hétéroclite
Sur la trilogie originale, George Lucas avait su s’entourer de génies créatifs (Ralph McQuarrie, John Williams, Frank Oz) pour amplifier la puissance de son histoire. De son côté, Edwards disposait déjà d’un sujet potentiellement intéressant et il pouvait en outre s’appuyer sur le travail de ceux qui l’ont précédé. Il a décidé d’adjoindre à cela une signature visuelle embrassant totalement la thématique guerrière et a pu s’appuyer sur un casting divers pour donner vie aux héros de son récit. Jyn Erso (Felicity Jones) constitue la pierre angulaire de cette équipe, puisqu’elle est la fille de Galen Erso (Mads Mikkelsen), qui a imaginé les plans de l’arme de destruction massive créée par l’Empire ; endossant le costume d’une frondeuse, Jones se révèle intense et place son personnage dans la même galerie de femmes fortes où trône Rey. Mais les pérégrinations de Jyn l’amènent aussi à rencontrer des figures hétéroclites qui deviendront par la suite des frères d’armes. Le capitaine Cassian Andor (Diego Luna), virtuose de la gâchette ambivalent et têtu, et son camarade K-2SO (Alan Tudyk, juste et attachant), un droïde impérial reprogrammé en allié perspicace et polyvalent. Sans oublier le très spirituel Chirrut Imwe (Donnie Yen), tourmenteur de stormtroopers à temps partiel, et son valeureux compère Baze Malbus (Jiang Wen), qui font partie d’une clique bien mystérieuse : les Gardiens des Whills sur Jedha. Chaque parcelle humaine de cette équipée rebelle apporte sa contribution à la cause.
Une cause dont les implications sont d’ailleurs régulièrement questionnées, que ce soit par Jyn, résolument indépendante dans ses choix, ou Cassian, peu à l’aise avec certaines directives. Si le film épouse le point de vue de la Rébellion, il met donc en place une forme d’introspection sur ses actes en montrant que les mauvaises décisions ne sont pas seulement l’apanage de l’Empire. Dans le camp d’en face, Palpatine et Vador sont au-dessus de tout le monde et la hiérarchie peut évoluer au moindre étranglement de force. Orson Krennic (Ben Mendelsohn) tente de mener d’une main de fer ses hommes, mais son excès de confiance le conduit à un certain aveuglement, que ce soit face à ses supérieurs ou devant l’adversaire traqué. Et Mendelsohn a beau apporter son charisme au personnage – notamment dans les tout premiers instants –, difficile pour lui de rivaliser lorsqu’il est mis sur le même plan que Vador.
Une montée en tension parfaitement gérée
Si Edwards n’hésite pas à casser les codes autant au niveau narratif (usage de flash-back) qu’au niveau symbolique (aucun texte défilant), il fait preuve d’un certain respect pour le matériau d’origine en truffant son film de clins d’œil ici et là (à la cantina ou à une fameuse réplique). Vador est utilisé avec parcimonie, mais la forme de ses interventions est ciselée – tantôt par un jeu d’ombres tantôt par un effet sonore – et pensée pour accentuer la menace qu’il incarne. D’autres visages familiers sont convoqués et endossent un rôle plus ou moins grand. À ce titre, l’équipe chargée des effets spéciaux a réalisé deux petites prouesses en défiant la mort et le vieillissement. D’aucuns pourront voir dans ce coup de force un gadget visuel ou des efforts dispensables, mais le résultat final se révèle tout de même estomaquant sur une poignée de plans. Au niveau visuel, comme il l’a précédemment démontré, Edwards est un esthète capable de capturer à la perfection toute la détresse d’une situation désespérée. Ici, il confirme cette réputation lors des scènes de destruction, dont la montée en tension est par ailleurs superbement gérée. Le cinéaste est aussi allé au bout du concept de guerre en dédoublant les affrontements (terrestre, spatial) sans aseptiser les pertes et en épargnant à l’audience le cliché sempiternel du bouclier invisible protégeant les héros. Même si l’humour n’est pas totalement absent, les dialogues sont surtout imprégnés par le contexte ambiant (forcément pas jojo) et n’appliquent aucune pommade à ceux qui visionnent. Si la scène d’ouverture pose le ton avec peu d’artifices, les ultimes minutes n’ont pas non plus été bâclées et elles font partie (n’ayons pas peur des mots) des plus puissantes vues dans la saga jusqu’ici, autant pour la charge émotionnelle qu’elles contiennent que pour la beauté de certains plans.
Avec près de quatre semaines et demi à sa disposition (reprenant le flambeau délaissé par Desplat), Michael Giacchino livre un travail remarquable sur la bande originale. Tout en saupoudrant çà et là ses partitions d’hommages au maître, le compositeur a laissé sa marque sur l’ambiance sonore avec de nouveaux thèmes qui impriment bien l’esprit (Star-Dust, Your Father Would Be Proud, Jyn Erso & Hope Suite). Mais l’inspiration n’est pas uniquement musicale puisqu’un lieu relativement important de l’intrigue provient directement d’un concept art peint par McQuarrie il y a plus d’une trentaine d’années. Même après sa disparition, le rayonnement de ses travaux semble inaltérable.
Au final, Rogue One ravira probablement certains déçus du Réveil de la Force dans la mesure où l’histoire se suffit à elle-même et n’appelle pas de suite. Puisant plusieurs éléments dans le répertoire de la trilogie originale tout en introduisant une nouveauté nécessaire (bestiaire, armures), Gareth Edwards a brillamment réussi le dosage requis par l’exercice.
Rogue One: A Star Wars Story.
De Gareth Edwards (USA, 2016). 2h10.
Avec Felicity Jones, Diego Luna, Ben Mendelsohn, Donnie Yen, Mads Mikkelsen, Forest Whitaker, Riz Ahmed, Jiang Wen, Warwick Davis, Jimmy Smits et la voix en VO d’Alan Tudyk.
En salles depuis le 14 décembre
Excellente critique ! Sobre, argumentée et intelligente.
Merci.
Excellent film aussi !
Excellent??? On n’a pas vu le même…Pourquoi dès qu’il s’agit d’un film franchisé « Star War » on est aussi complaisant devant des navets??Par où commencer?
– les storm trooper ridicules en armure qui se font assommer au premier coup de poing? Leurs lasers inefficaces?
– Les batailles spatiales de maquettes?
– le groupe rogue one caricatural?
– Le type avec son masque d’araignée?
– Les fringues, les E.T cheap cheap,l’absence de créativité, de recherche de mode mode de vie futuriste…
Non en fait le pire c’est l’absence totale d’émotion, on ne ressent rien pour ces personnages à peine esquissé, (except Felicity Jones) même quand leur destin devient tragique…
Je suis devenu trop cynique avec le temps? Peut être, mais les 2 enfants de 7 et 12ans qui m’accompagnaient se sont ennuyés aussi…
ps ok pour l’intervention de Vador, excellente