
#Critique : Sangre (T.2) ou la blancheur comme étalon-beauté
Il y a un peu moins d’un an, nous vous présentions le premier tome de Sangre (la critique ici), d’Arleston et Floch. L’histoire d’une orpheline qui, pour se venger de la bande qui a assassiné ses parents, voyage de planète en planète pour faire sa loi. Le tome 2, Fesolggio l’inexorable fâcheux vient tout juste de sortir.
L’histoire : Sangre est donc accompagnée de son Loup blanc, direction la planète de Tarasque. Là-bas, la parole est aux artistes, seuls capables de protéger la population des Fluves. Ces créatures aiment la beauté par-dessus tout. Il faut donc savoir se cacher derrière un tableau, une sculpture. Fesolggio était un de ces artistes de talent. Mais l’homme que retrouve Sangre n’est plus que l’ombre de lui-même. Comment punir un homme qui n’aspire qu’à la mort ?
Mon avis : Dans ce deuxième tome, bien moins violent que le premier, nous suivons Sangre dans un monde où tous les hommes ne cherchent que la beauté. Un débat entre art nouveau et art classique, la douceur d’une musique dans un jardin, la beauté de l’art contre la personnalité horrifique d’un artiste sont autant de sujets qu’Arleston comme Floch ne font malheureusement que survoler dans une bande dessinée certes très bien dessinée, avec du rythme, de l’aventure, mais au message relativement… ambivalent.
En effet, vous avez une jeune femme fière, sexy, courageuse, dont le compagnon est un loup, qui prend sous son aile un jeune mendiant des rues. Bref, une super-héroïne au passé plus que tragique. Mais dans le monde dans lequel elle évolue dans ce tome, deux éléments : seuls les hommes sont des artistes ; et il n’existe que des personnes de couleur blanche ou pâle et si possible aux cheveux blonds, minces et musclés. En gros, la beauté n’est pas dans la diversité.
Alors certes, on pourrait m’objecter qu’à la période à laquelle est supposée se passer cette œuvre de fantasy, donc environ le XVIIIe-XIXe siècle si on en croit les corsets, les femmes artistes ne sont pas la norme. Mais, bon, les femmes qui arrêtent le temps ou les voyages intersidéraux non plus. Donc qu’une femme soit une muse, soit, que toutes les femmes ne servent qu’à poser ou à être des épouses-trophées, ça devient un peu lourd. Dans un monde où chacun peut mourir à cause d’une œuvre d’art pas très belle, ne serait-il pourtant pas normal d’en appeler à l’ensemble de la population, et de mettre tout le monde au travail ? Non, les femmes, ça ne sert qu’à soutenir les hommes, c’est bien normal. Mais en plus, quand la beauté n’est plus que blonde et longiligne, et surtout blanche ou pâle, on se demande comment les Fluves ne sont autres que l’incarnation du patriarcat colonial. Pas de femme ni d’homme noir, ou un peu foncé, que des cheveux lisses et plats. Un vieil imaginaire rance règne sur Tarasque. Si seulement Sangre s’était attaquée à cela, plutôt qu’à sa vengeance qui ne dénonce rien.
Si vous aimez : Une certaine branche de la fantasy qui n’évolue ni avec son temps, ni du tout en fait.
Autour de la BD : Allez, encore six tomes sont à paraître (avec, on l’espère, un brin plus de diversité. C’est comme le féminisme, ce n’est pas un gros mot).
En accompagnement : Les chansons paillardes des salles de garde.
Extrait : « L’homme qui avait exprimé tant de sensibilité et d’émotion dans cette toile pouvait-il être un meurtrier ?
Avait-il enfoncé sa lame dans le ventre de mon père ?
J’étais hypnotisée, je glissais vers une fascination morbide. Je cherchais un sens à chaque coup de pinceau, je guettais la trace d’un esprit pervers et détraqué. »
Sangre – tome 2. Fesolggio l’inexorable fâcheux
Scénario de Christophe Arleston
Dessins d’Adrien Floch
Designs de Fred Blanchard
Couleurs de Claude Guth
Édité par Soleil
Le gauchisme comme étalon critique…