
#critique Sept Cannibales de Sylvain Runberg et Tirso
Voyage au bout du mal. Sept prédateurs se pensent sans limite et sèment la mort, le viol et le cannibalisme parmi la gent féminine. Leur dernière proie risque cependant d’être plus difficile à chasser.
L’histoire : jusqu’où la perversité et la cruauté peuvent mener… Jusqu’à manger des hommes. Sept hommes riches, et qui se veulent puissants, s’offrent chaque année un week-end d’extase dans une destination paradisiaque. Au menu, sexe, drogue et hallali. Proies féminines en danger.
Mon avis : c’est la troisième saison de cette série des Sept, le cinquième volume de ladite saison qui en compte évidemment sept. Et il fonctionne bien. Comme les autres. Ce 19e opus nous emmène dans les méandres de l’être humain, à la marge. Aux tréfonds de l’âme, là où l’horreur est reine.
Ils sont donc sept à avoir fait leurs études ensemble. Sept étudiants de bonnes familles, jouisseurs et déjà sans limite. Ils ont grandi sans que leurs penchants ne s’améliorent et ont chacun gagné beaucoup d’argent. Ils sont donc riches et puissants. Cette néfaste fraternité se manifeste chaque année par un week-end d’orgie dans des villas cossues.
Mais baiser sous cocaïne ne leur suffit plus. Déjà en 2006, point de départ de leurs dérives, ils avaient rossé et balancé à la flotte un pauvre hère. Ce premier meurtre en appela d’autres, un par an. La suite fut à l’avenant avec des proies choisies parmi les CSP +, une par an, et l’organisation de véritables chasses humaines. Avec capture, viol et assassinat. Charmant programme.
Mais l’abjection fut à son comble à partir de juin 2012 à Cancún. Où, après le programme habituel, les sept compagnons dévorèrent le corps de leur proie. Là, nous sommes en 2016 et c’est la charmante Claire, anglaise de son état, 32 ans, programmeuse informatique. Sauf que la chasse en Provence ne va pas se passer comme prévu. Ancienne mercenaire de milices privées supplétives de l’armée américaine en Irak, Claire est armée pour résister. Cette chasse humaine va se terminer dans un bain de sang géant. Le tout est de savoir à qui il appartient.
Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a un vrai risque dans ce type de récit de virer dans le gore, de vouloir montrer l’horreur. Mais les auteurs ne sont pas tombés dans ce piège inutile. On est davantage dans la suggestion. La technique des flash-back, si elle peut un peu égarer à la première lecture, est très constructive à la seconde. Cela montre parfaitement le cheminement et la montée en puissance de ces sept types qui se veulent l’élite d’une génération. Ceux bien nés qui aspirent à n’avoir aucune ligne rouge. Aucune contrainte.
Le personnage de Claire est assez surprenant. Elle, qui a torturé des prisonniers irakiens, en avait assez de cette vie bien payée mais diablement dévastatrice. Mais son nouveau métier dans l’informatique ne la comble pas. L’ennuie. C’est pour ça qu’elle accepte cette invitation libertine dans les pas du Divin marquis, Alphonse Donatien François de Sade. Mais de sadisme, elle n’en connaîtra que les premières limbes, la suite versera dans l’immonde.
À lire mais à ne pas mettre dans des mains enfantines, évidemment.
Si vous aimez : les vies un brin apocalyptiques avec des héros pervers et paumés, genre Armin Meiwes aka le cannibale de Rotenbourg.
En accompagnement : Justine ou les malheurs de la vertu, la plus licencieuse et la première œuvre du marquis de Sade.
Autour de la BD : habitué au fantastique et à la SF, Sylvain Runberg réside dans le Vaucluse, ce qui l’a probablement amené à situer cette intrigue autour des villages perchés de Provence. Le scénario vaut son pesant de cacahuètes.
Au crayon, Tirso, le Madrilène, navigue entre le cinéma et la BD. Cela se traduit parfaitement dans ce tome.
Extraits : « Se battre pour être les meilleurs, rompre avec cet égalitarisme bêlant qui mène nos sociétés à leur perte. »
« Refuser l’illusion démocratique, cette hypocrisie faite pour rassurer les faibles ! »
« Le monde est partagé entre dominants et dominés, il l’a toujours été, et refuser cette évidence, voilà ce qui porte atteinte à la dignité humaine ! »
« Que les meilleurs tirent la destinée commune vers le haut, c’est cela qu’il faut exiger. »
Sept Cannibales
De Sylvain Runberg et Tirso
Édité par Delcourt