Serial Experiment Laine (critique de Shaun Le Mouton, le film)

Serial Experiment Laine (critique de Shaun Le Mouton, le film)

Note de l'auteur

Dans la famille Aardman, certains dessins animés pourraient très bien rester au format court. Or, avec l’adaptation de la série à succès Shaun le Mouton, les artisans devenus porte-étendards de l’animation britannique en 40 ans de bons et loyaux services réussissent un format long qui fait de ses faiblesses potentielles ses forces.

L’aventure hollywoodienne d’Aardman, qui les a vu coproduire plusieurs films avec DreamWorks et Sony Animation, a été peu fructueuse au vu des attentes de la maison. On passera sur un Souris City de sinistre mémoire, mais la production luxueuse utilisant des décors rutilants et une 3D dernier cri, Les Pirates! Bons À Rien, Mauvais En Tout,s ‘est gamellé aux États-Unis, malgré une carrière internationale qui a rendu le film rentable. Ce semi-échec informe beaucoup Shaun Le Mouton Le Film, qui peut étrangement être vu comme un commentaire aigre-doux sur leur longue aventure. Le fermier myope se retrouve propulsé malgré lui dans la grande ville, où il devient amnésique et perd de vue son talent premier. Le retour au bercail est plus dans la nature de la compagnie de Bristol qu’autre chose.

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Ceci n’est pas Boy George. (Crédit : Aardman Animations/STUDIOCANAL)

Le classicisme de Shaun Le Mouton n’a rien de passéiste ou de réactionnaire. Si le petit monde de Shaun a à peine changé par rapport à la série de la CBBC, c’est pour mieux articuler une histoire qui ressemble à un spectacle de marionnettes ou un peu du pantomime. La cellule nucléaire et la routine du travail d’élevage sont représentés à merveille, train-train quotidien qui va être bousculé par la volonté de Shaun de prendre un jour de repos. Le principe de la série reste, à savoir que Shaun est le plus malin et sans doute meilleur gardien de troupeau que le chien de berger ; mais l’escapade urbaine va être l’occasion pour Richard Starzak et Mark Burton (des habitués de la maison) de multiplier les formes d’humour.

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Tonte Chef (Crédit : Aardman Animations/STUDIOCANAL)

Pas de plan-séquences virevoltants, de photoréalisme, de plans composites : juste un troupeau sans superpouvoirs qui va partir chercher un berger en évitant la fourrière. Le burlesque assumé de Shaun Le Mouton passe sans un dialogue, tout au plus le fermier myope qui maugrée, mais le comique de gestes est bon pour tous, animaux comme humains. L’utilisation de la musique est un must, ajoutant un rythme à des scènes qui prennent leur temps pour établir leurs gags et leurs réactions : le tout avec un excellent goût puisqu’on retrouve Foo Fighters, Kid Creole & The Coconuts et même M People (coucou les enfants des 90’s).

Le film possède l’assurance des vétérans, cette force tranquille qui prend le parti de calibrer les scènes sans qu’elles perdent de leur essence, s’attarder sur les comportements et grimaces des moutons. Et même si les références sont nombreuses (le chat à minerve qui rappelle un certain docteur Lecter est un des points les plus représentatifs aperçus dans la bande-annonce), ils fonctionnent toujours dans le contexte du film, et peuvent être drôles indépendamment de leurs illustres clins d’œil. Dans une époque qui surligne ses emprunts au Stabilo (hello, les derniers films de la franchise Shrek), ça fait du bien par où ça passe.

Shaun Le Mouton, comme son aîné sur petit écran, va avoir le public au charme. Pour le reste il s’agit d’un long-métrage à la confiance discrète, polie, raffinée. Il ne prétend pas ou plus rivaliser avec ses grands cousins américains (ou français) et ce qui nous est livré n’est rien de moins qu’une confirmation de forme olympique en guise de retour aux sources. Si un deuxième Les Pirates! ne paraît plus à l’ordre du jour dans le cadre du nouveau partenariat avec StudioCanal, Shaun le Mouton fait partie de ces réussites hors du temps, devant autant aux Silly Symphonies qu’à leur propre héritage, celui du début des 80’s et de Wallace & Gromit. Une mythologie british qui semble tellement bien rodée qu’elle en est inépuisable. La ferme de Shaun Le Mouton ne renferme pas forcément de poule aux œufs d’or pour le cinéma (son export réussi à l’international en TV pallie aisément à cela), il devrait tirer son épingle du jeu aux prochaines foires agricoles (récompenses du monde de l’animation).

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