On a lu…Southern Bastards de Jason Aaron et Jason Latour

On a lu…Southern Bastards de Jason Aaron et Jason Latour

Note de l'auteur
Il y a des séries dont, il faut le dire, on n’attend pas grand-chose malgré les noms de ceux qui sont aux commandes. Il y a des séries dont on repousse la lecture en se disant que ce n’est pas grave si on les lit plus tard. Et puis un jour, on ouvre l’ouvrage, on se plonge dans les premières pages et on se rend compte de la monumentale erreur qu’on a commise. Southern Bastards est l’une de mes erreurs. Ne la commettez pas.

 

De retour à Craw County, Earl Tubb n’a qu’une chose en tête : vider la maison du vieil oncle Buhl et repartir au plus vite de cette petite ville d’Alabama qu’il a quittée voilà 40 ans. Il suffira d’une altercation avec quelques locaux au dîner du coin pour transformer ce séjour en descente aux enfers. Un enfer taillé sur mesure par Euless Boss, coach de l’équipe de football locale et ennemi juré de feu le shérif Tubb, paternel d’Earl.

 

southern-bastards-comics-volume-1-tpb-hardcover-cartonnee-226014C’est un personnage écartelé entre deux mondes qui arrive à Craw County. Hanté par un passé qu’il a tenté de fuir durant des dizaines d’années, voila qu’Earl revient au bercail. Dans sa ville natale figée dans le temps, il fera tout pour garder la tête hors de l’eau. À l’autre extrémité (à l’autre bout de l’univers serait-on tenté de dire) il est relié à son présent et son futur. Par le biais de son téléphone portable, fragile bouée de sauvetage qui l’empêche de se noyer, il laisse des messages à une personne qu’on devine importante et dont l’identité conclura un premier arc nous laissant sur les rotules.

 

Car si Craw County est une petite communauté de l’Alabama comme il en existe des milliers d’autres, si sa vie tourne autour des exploits de l’équipe de football locale, elle n’est pas Dillon, la ville du Texas de Friday Night Lights. Quand la série télévisée de Peter Berg et David Nevins parle de résilience et décrit une communauté cosmopolite en montrant l’ouverture à l’autre, Southern Bastards semble vouloir emprisonner le lecteur dans une prison à ciel ouvert de laquelle personne ne peut s’évader et où la peur semble régner.

 

SB22Plus qu’une histoire, Southern Bastards est avant tout une atmosphère suintante, lourde et orageuse. Originaires du sud-est des États-Unis, Jason Aaron et Jason Latour font transparaître à travers leur série une relation d’amour/haine avec les lieux qui les ont vu naître. Toujours dans l’ombre d’un père dont la figure totémique surplombe les premiers épisodes, Earl Tubb affronte tout autant une communauté sur laquelle règne le coach Euless Boss que ses propres fantômes. Scénariste voguant entre les projets personnels (Scalped) et les séries mainstream (Thor – God of Thunder, Wolverine & The X-men sur laquelle nous reviendrons bientôt), Jason Aaron développe une nouvelle fois dans Southern Bastards les mêmes images que l’on retrouve dans d’autres séries. L’importance de la communauté (en bien ou en mal), le passé qui revient hanter et le combat perdu d’avance auquel on fait face. Enlevez Earl Tubb de l’Alabama profond et plongez-le dans un univers plus fantastique et on obtient à peu de chose près le vieux Thor affrontant Galactus pour protéger une Terre dévastée.

 

SouthernBastards08-Preview-Page2-57c68Plus connu pour son travail de scénariste (souvent en duo ou en reprise des séries de son compère Jason Aaron), Jason Latour s’occupe ici du dessin. C’est lui qu’il faut punir pour cette ambiance terrible et sa capacité à décrire une certaine puissance maléfique du Sud incarné en premier lieu par le coach Boss. Un personnage terrifiant, sorte de Caïd du Sud et dont la découverte d’un passé terrible et brillamment raconté dans le deuxième tome n’atténuera aucunement la détestation qu’on peut lui porter. Car Southern Bastards prend à contre-pied nos attentes et semble enrichir une intrigue a priori simple en diversifiant les points de vue et en prenant son temps pour développer chaque protagoniste amené inévitablement à s’affronter. Approche difficile (on peut vite s’ennuyer) que les auteurs réussissent à rendre passionnante par une excellente écriture et des personnages très bien construits.

 

Alors qu’avance peu à peu l’ultime protagoniste d’une pièce dont l’issue tragique est une quasi certitude, Aaron et Latour prennent leurs temps comme si les deux auteurs voulaient régler une bonne fois pour toutes leurs comptes avec le Sud. Ce n’est pas un endroit qui ressemble à la Louisiane ou à l’Italie mais plutôt à la bouche de l’enfer, mais ça reste chez eux quoiqu’ils puissent faire. Au final, Southern Bastards raconte à quel point on peut défendre un endroit que l’on hait.
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Southern Bastards – Tome 1 : Ici repose un homme (Urban Indies, Urban Comics, Image) comprends les épisodes US de Southern Bastards #1 à #4

 

Southern Bastards – Tome 2 : Sang et Sueur (Urban Indies, Urban Comics, Image) comprends les épisodes US de Southern Bastards #5 à #8

 

Ecrit par Jason Aaron

Dessiné par Jason Latour

Prix : 14,00 €

 

 

 

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